Le ciel devenait de plus en plus sombre au fil des minutes qui s'écoulaient. L'avion qui franchissait les nuages paraissait bien frêle en comparaison de leur taille. Il semblait balloter par les vents et les dépressions. Au travers des hublots, on entrevoyait des passagers plutôt calmes, enfin… pas tout à fait. Une des passagères paraissaient beaucoup s'amuser au dépend d'un homme qui affichait un certain calme, si ce n'était ses mains agripper aux accoudoirs.
- Enfin Stark, détend-toi !
- Je suis détendu, répondit stoïquement Stark.
- Mais oui, mais oui… à d'autres ! ricana Kukkaku.
Shunsui qui dégustait son verre de bourbon, le fit rouler dans son verre. Il avait pitié de Coyote qui même s'il essayait d'afficher un air serein, se trahissait par la raideur de sa nuque et de ses mains, dont les phalanges blanchissaient de plus en plus, depuis le début de la tempête.
- Vous devriez peut-être laisser, Stark-san tranquille, Shiba-san, eut pitié Shunsui.
- Peut-être oui. C'est envisageable, sourit Kukkaku.
Son sourire ne laissait aucun doute de ce qu'elle pensait du conseil de son supérieur. Shunsui soupira. S'il y avait bien une femme, qu'il n'aurait jamais eu l'idée de séduire, c'était bien elle. Même si elle était belle, même si elle possédait une poitrine qu'il aurait eu plaisir à malaxer et des courbes généreuses… son caractère taquin *et ce n'était pas peu dire* le refroidissait particulièrement.
Le regard de Shunsui se posa un peu plus loin sur son nouvel assistant. Plongé dans une lecture, il ne daignait pas lever le nez de son livre depuis le décollage de l'avion. Même les brusques chutes, ou les ricanements et les bavardages peu discrets de Shiba, ne l'affectait pas.
Son regard se fit perçant. Il détailla la silhouette figée sur son siège. Oh, Byakuya Kuchiki paraissait à l'aise, bien plus en tout cas que Coyote Stark. Son regard s'était laissé aller malgré lui à détailler la silhouette de Kuchiki. Sans conteste un homme très séduisant… non, beau tout simplement beau ! Il ne pouvait pas le renier même en étant lui-même un homme.
Hirako par sa conversation indiscrète, avait révélé l'homosexualité de Kuchiki et ça Shunsui ne s'en serait jamais douté. Kuchiki s'habillait avec classe et élégance. Tout son être transpirait l'aristocrate qu'il refusait d'admettre être… Comment aurait-il pu deviner ses inclinaisons ? Ce n'est pas parce qu'une personne s'apprêtait avec soin, qu'elle était automatiquement attiré par une personne du même sexe.
Sa pensée lui parût vaseuse et il s'éloigna du sujet. En même temps, il ne comprenait pas pourquoi il nourrissait autant d'intérêt pour son assistant. Après tout, pourquoi s'attardait-il sur un homme ? C'était peut-être sa classe innée qui l'interpelait.
D'ailleurs, une chance qu'il est suivi le conseil de Juyshiro de laisser l'opportunité à Kuchiki de faire ses preuves. Ce type se révélait une véritable merveille. Plus efficace que n'importe qu'elle assistante avec qui il avait travaillé jusqu'ici. Certes, il le reconnaissait… il chipotait pour des broutilles, juste parce que Kuchiki était un homme et que quelque part la révolte grondait en lui, même s'il avait promis à Juyshiro de laisser sa chance à ce jeune, qui n'était après tout, pour rien dans sa nomination.
Se surprenant une nouvelle fois à le regarder à la dérobée, Shunsui attrapa un magazine à côté de lui et fit comme son assistant, il se plongea dans une profonde lecture.
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L'ambiance feutrée de l'hôtel semblait absorber tous les bruits environnants. Les clients et les employés se déplaçaient comme s'ils exécutaient une chorégraphie savamment orchestrée.
Ce qui surpris d'autant Byakuya lorsqu'il entendit la voix puissante et moqueuse de Yoruichi Shihoin. Sa cousine l'attrapa virilement par les épaules, le secouant comme un prunier au passage.
- Bya-kun!
- Arrête Yoruichi!
Yoruichi fit un O silencieux avec sa bouche. Son sourire carnassier qu'il détestait tant, parce qu'il annonçait souvent des ennuis, lui effleura de nouveau les lèvres. Sa cousine s'entendrait à merveille avec Shiba, tiens ! songea-t-il silencieusement.
- Deviendrais-tu autoritaire avec l'âge ? Essaierais-tu d'égaler ou sinon de dépasser ton grand-père dans l'exercice de la domination ? fit-elle en se penchant en avant, dévoilant un peu plus son décolleté vertigineux.
- Ne raconte pas n'importe quoi, répondit Byakuya déjà fatigué par la présence de sa cousine.
- Tu n'as pas toujours eut l'air si figé cousin, déclara nostalgiquement Yoruichi. Je me souviens qu'à une époque, nous jouions à « chat »…
- Veux-tu parler de ta manie de voler mes affaires personnelles impunément ? Et le fait que je devais te courir après pour les récupérer ?
Seul un éclat de rire retentit dans le hall de l'hôtel.
- Allez Bya-kun ! Tu es attendu par tout le clan. Viens présenter tes « hommages » à la famille.
Le ton avec lequel cela fut prononcé aurait fait plus penser à un sarcasme, plus qu'une invitation. Byakuya était mal à l'aise, c'était censé être un voyage d'affaire et voilà que Yoruichi lui avait téléphoné pour l'avertir de ce repas familial imprévu. Il s'était soustrait à l'invitation Kyoraku à se joindre au reste du personnel pour souper ce même soir, alors…
- Allez ! Ne reste pas planté comme ça au milieu du hall. Viens avec moi et raconte moi comment ça se passe pour toi ! J'étais ravie d'apprendre ta nomination auprès de Koryaku-san, bien que j'aie eu peur pour toi en même temps, rit Yoruichi.
- Peur ?
- Ne me dit pas que Koryaku a renoncé à son assistante. Sans vouloir te vexer, tu n'as pas le profil.
En même temps, elle imitait les courbes féminines avec ses mains devant lui. La grimace moqueuse qui conclut sa comparaison fit monter sa tension.
- C'est une question de compétence.
- Oh je ne doute pas de ton efficacité Bya-kun.
Ils se tenaient à présent sur le trottoir alors qu'une voiture luxueuse s'arrêtait devant eux en silence. Ils pénétrèrent à l'intérieur sans échanger un mot. Byakuya ferma les yeux quelques secondes une fois assis. Cette atmosphère qui transpirait le luxe, cela ne faisait que quelques semaines qu'il l'avait quitté, pourtant… cela lui parut une éternité.
Oh elle ne lui manquait pas le moins du monde, elle possédait des avantages indéniables, mais le revers de la médaille était aussi important.
- Tu sembles préoccupé Bya-kun…
- Yoruichi, j'aimerai si c'est possible que tous ignorent nos liens de parenté demain.
- C'est pour cela que tu as refusé l'invitation au départ ?
Le jeune homme lui lança un regard en biais. Loin d'être déstabilisée, Yoruichi lui adressa un sourire de connivence.
- Oh, ce n'est pas un problème, mais tu te doutes que cela sera à charge de revanche !
- S'il y a bien quelque chose à laquelle je m'attends de toi, c'est ce genre de marché.
- Tu as peur que Shunsui n'approuve pas ta nomination ? Qu'il te regarde autrement ? Que…
- Je voudrais vivre une vie « normale ». Je crois l'avoir assez expliqué, coupa froidement Byakuya.
- Normale ? Laisse-moi rire. C'est impossible pour toi, pour moi ou n'importe quel membre de nos familles. Toi certainement plus que les autres d'ailleurs. Tu ne pourras pas toujours rester à la Soul Candy… Tu as de la chance que Yamamoto ait accepté de te former dans l'entreprise d'ailleurs. C'est un accord avec notre grand-père.
Byakuya baissa la tête. Oui, c'était un accord qui avait été passé avec Yamamoto pour lui permettre de passer par tous les postes, jusqu'il ait assez d'expérience pour reprendre les rennes du clan Kuchiki et tout ce qu'il y avait derrière comme conséquence pour sa vie à lui.
- Allons, allons cousin, ta vie d'après ce n'est pas la mort tout de même… et puis, pense à la jolie Hisana que tu vas épouser. Vous vous entendez plutôt bien non ? Enfin d'après ce que j'ai pu voir.
- Oui, se contenta de répondre Byakuya sans en dire d'avantage.
Son visage s'était fermé et Yoruichi n'insista pas. De toute façon, ils étaient arrivés. Lorsqu'il descendit de la voiture, Byakuya engloba l'entrée imposante de la grande porte double battante qui s'ouvrait devant lui. L'entrée brillait tel un joyau, avec ses nombreux lustres en cristaux où se reflétait la lueur électrique des ampoules. Un vieux couple en kimono de fêtes venait à leur rencontre. Yoruichi lui tapota l'épaule comme pour lui donner du courage.
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La nuit avait été courte, et c'est un peu vaseux que Byakuya rejoignit la table du petit déjeuner dans le restaurant de l'hôtel. Il avait beaucoup de soin à sa tenue et franchement il n'avait jamais été aussi content de porte l'accessoire lunette pour camoufler ses yeux gonflés.
Il découvrit Stark et Shiba en pleine conversation, ou plutôt dire… en plein monologue de Kukkaku ? En effet, le responsable de la production écoutait distraitement son interlocutrice. Il semblait vouloir se noyer dans son bol de café.
- Eh Kuchiki ! lança l'assistante avec familiarité visiblement heureuse de trouver éventuellement un interlocuteur plus loquace.
Cela ne le gênait pas, après tout c'était pour cela aussi qu'il s'était éloigné de sa famille. Après la soirée guindée de la veille, Kukkaku lui parut très rafraichissante.
- Bonjour Shiba-san, Stark-san continua Byakuya en s'inclinant légèrement avant de s'asseoir.
- Franchement tu aurais dû être avec nous hier soir, Kuchiki ! La soirée a été très chaude.
- Aurais-je raté quelque chose ? s'enquit Byakuya en dévisageant tour à tour l'assistante et son responsable.
Visiblement, il n'était pas le seul à avoir eut une soirée arrosée la veille.
- Quelque part, il était préférable que tu ne sois pas là… quoique nous aurions pu voir à quoi ressemble un Byakuya Kuchiki sans sa cuirasse extérieure. Dommage ! conclut Kukkaku.
- Je tiens très bien l'alcool.
Cette réflexion amena un éclat de rire tonitruant de la part de Kukkaku.
- Avec les deux pochetrons qui m'ont tenu compagnie hier, ça m'étonnerait.
- Hum, hum… fit Stark en se grattant la gorge discrètement. Tu n'as rien à nous envier Shiba-san.
- Et moi, je te demanderai d'être un peu plus respectueuse vis à vis de tes supérieurs.
La voix de Koryaku fit sursauter la tablée. Personne ne l'avait vu approcher. Levant la tête, Byakuya rencontra le regard de son chef. Ses mains se crispèrent légèrement. Plus le temps passait et plus cet homme lui faisait de l'effet.
Pourtant là, rien ne jouait en sa faveur. Des cernes épais sous ses yeux ne cachaient rien des excès de la veille. Son front plissait comme s'il essayait de protéger son regard de la lumière de la salle. Peut-être un peu trop lumineux en ce lendemain de cuite ?
Cela laissait figuré également qu'il souffrait d'une bonne migraine. Pourtant, Koryaku s'assit d'une manière désinvolte ou qu'il espérait tout au moins être dégagé. Byakuya faillit laisser paraître son amusement, mais au prix d'un effort sur lui-même ne laissa rien transparaître sur ses traits.
Son patron héla un serveur qui vint prendre sa commande. Assis en face de Koryaku à table, Byakuya se rendit compte qu'il devenait nerveux. C'est parce que Stark lui adressa la parole qu'il sortit de sa contemplation. Trop heureux de se changer les idées, Byakuya répondit de bonne grâce.
- Vous ne vous êtes pas ennuyer hier soir tout seul dans votre chambre ?
- Je me suis couché de bonne heure.
Était-ce son imagination ou bien son chef parut tiquer ? Kukkaku pour sa part, fit un rappel des bars où ils s'étaient arrêtés avec enthousiasme. Byakuya l'écoutait distraitement, ses yeux ne pouvaient s'empêcher de revenir sur Koryaku qui mangeait sans appétit. Il paraissait un peu livide d'ailleurs à présent.
Un frôlement au niveau du genou le fit sursauter. Levant vivement les yeux vers son chef, ce dernier ne faisait pas attention à lui, mais regardait Kukkaku. Comme à son habitude, cette dernière se penchait en avant pour dévoiler une nouvelle fois sa généreuse poitrine.
Comme son chef ne paraissait pas ému par l'effleurement sous la table, Byakuya songea qu'il avait certainement dû rêver. Il se rassit correctement pour éviter tout nouvel incident, le faisant paraître très raide sur sa chaise.
- Quelque chose ne va pas ?
Byakuya se tourna vers Stark en remontant ses lunettes, pour cacher son trouble.
- Tout va bien, répondit impassiblement l'assistant.
- Il est peut-être pressé de partir, fit Kukkaku en regardant sa montre. Ce n'est pas tout ça, mais nous ne sommes pas très en avance. Je suggère que nous y allions.
- Depuis quand prends-tu de telle initiative ? demanda Stark. Ce n'est pas dans ton habitude de vouloir travailler tôt.
- Tu devrais être content, sourit Kukkaku. Je suis très motivée !
Tout en parlant, ils s'étaient levés et Byakuya en fit autant. Koryaku enfourna rapidement un petit pain et se leva pour les rejoindre.
- Je ne les savais pas si enthousiastes, fit-il en rejoignant son assistant.
Byakuya ne répondit pas. Ce n'était pas à lui de juger les autres. Alors qu'ils arrivaient pratiquement à la porte de l'hôtel, des doigts effleurèrent les siens. Surpris une nouvelle fois, Byakuya lança un regard en biais à son chef, mais ce dernier répondit au même moment à une question de Kukkaku.
Se faisait-il des idées ? Cela c'était produit deux fois en moins d'une demi-heure quand même. Il secoua la tête intérieurement et se dit qu'il se faisait un film. Mais son cœur battait drôlement à l'intérieur de sa poitrine et ses doigts semblaient parcouru par un courant électrique inconnu.
- 0o0 -
La salle de réunion était pleine. Les cadres de la filiale étaient tous présents, en plus de Stark, Shiba, Koryaku et lui-même. Byakuya était ravi de se trouver là. Loin d'être aussi nonchalant qu'à son habitude, Koryaku Shunsui paraissait être dans son élément. Les dossiers s'enchainaient et parfois, Stark prenait la parole pour corroborer les dire de Koryaku.
À la pause, Byakuya se leva pour faire les photocopies que son patron lui avait demandées. Dans la petite pièce, le jeune homme souffla un peu. La réunion était intense et le flux d'informations constant. Il ne devait pas se relâcher en prenant ses notes. Il commençait même à avoir des crampes aux poignets.
- Tiens, Bya-kun !
Un verre d'eau se matérialisa devant son visage.
- Shihoin-san. Que faites-vous ici ? grommela mécontent Byakuya.
Il prit le verre ravi de se rafraichir. Trop concentré pendant la réunion à prendre des notes pour ne rien perdre, il en avait oublié de se désaltérer. À présent, il se rendait bien compte qu'il mourrait de soif.
- Et ne soyez pas trop familière… reprocha-t-il après avoir terminer son verre.
- Tu es trop guindé ! sourit sa cousine en s'appuyant contre le photocopieur.
- Et toi, trop amicale. Prend tes distances.
- Tss ! Tss… cette réunion est vraiment trop ennuyante…
Byakuya se recula d'un pas, alors que sa cousine avançait. Il n'aima pas du tout la lueur au fond de son regard.
- Excusez-moi, mais je dois rendre ses photocopies avant la reprise de la réunion…
Byakuya voulut passer Yoruichi, mais elle fut plus rapide que lui, le faisant trébucher par la même occasion. Il se rattrapa à la photocopieuse qui avait fini le trie et l'agrafage des documents.
Sa cousine enlaça son cou et tira sur la ficelle qui retenait ses cheveux. Ses derniers tombèrent en cascade sur ses épaules. Yoruichi fascinée par la chevelure soyeuse à la couleur d'aniline, en prie une pleine poignée dans sa main.
Byakuya enlaça la taille de Yoruichi pour s'aider à se redresser, leur proximité ne lui laissait pas beaucoup de place et de prise sur la photocopieuse.
Un raclement de gorge se fit entendre derrière eux. Levant les yeux, Byakuya rencontra le regard noir de Koryaku. Il paraissait furieux.
- Je vois que je dérange.
En fait, nota Byakuya, il ne semblait pas du tout gêné par la situation. Yoruichi elle se décolla légèrement de lui, mais sa main gardait toujours ses cheveux prisonnier. Il tenta de reprendre une position plus digne et d'échapper à la prise de sa cousine.
- Lorsque vous aurez fini de vous amuser, veuillez apporter les photocopies. La réunion reprend, si cela ne vous dérange pas !
Il partit sans que Yoruichi ou lui ne puissent répondre. Byakuya se crispa en entendant le rire tonitruant de sa cousine.
- Je ne vois pas ce qui a de drôle Yoruichi ! cingla-t-il.
- Sa tête ! Oh sa tête ! Jamais je n'aurais cru qu'il puisse en faire une pareille pour un assis…
Mais Byakuya quittait déjà le petit local avec ses copies sous le bras, le regard si sombre qu'il ressemblait à un lac fait d'ébène. Derrière, il entendit la voix de Yoruichi qui lui demandait d'attendre pour qu'elle lui rende son cordon pour ses cheveux, mais il resta sourd à ses appels. Il venait de se faire prendre en flagrant délits de… quoi au fait ? Enfin peu importe, il s'était montré faible.
De retour dans la salle de réunion, il s'aperçut qu'il faisait partie des premiers à être revenu. Il distribua les photocopies. Tant bien que mal, il fit en sorte que ses cheveux restent prisonniers du col de sa veste. Il avait remarqué les regards très insistants de ses collègues qui revenaient de pause.
- Ne t'inquiète pas mon petit Bya-kun, je suis sûre que ce n'est rien…
- S'il vous plaît, Shihoin-san, interrompis sèchement Koryaku, pourriez-vous attendre la fin de la journée pour ce genre de comportement déplacé ?
- Déplacé ?
Byakuya observa le dos de sa cousine qui s'était placé entre lui et son supérieur, et rencontra par-dessus son épaule le regard sombre de Koryaku. Même s'il affichait un grand calme, il le fixait intensément. Byakuya déglutit malgré lui.
- Je vous demanderai plus de retenu également Kuchiki-san. Vous n'êtes pas venu ici pour vous amuser, mais pour travailler. Maintenant, reprenons la réunion.
Même Yoruichi ne répondit pas. Byakuya remarqua le regard songeur que sa cousine posait sur son patron. La réunion repris tambour battant et continua toute la journée ne s'interrompant que brièvement pour le déjeuner et quelques pauses cigarettes. Byakuya eut droit à une remarque acerbe alors qu'il retournait faire des photocopies.
- Et ne mettez pas deux heures pour les faire. Je vous rappelle que vous n'avez pas le temps de batifoler !
Personne n'avait entendu la remarque puisqu'elle avait été faite à voix basse alors qu'il prenait les documents des mains de Koryaku. Leurs regards se rencontrèrent un bref instant, et Byakuya crut qu'il allait se liquéfier sous l'animosité de son regard.
Se sentant coupable de faute, Byakuya fit l'aller-retour en quelques minutes. Pourtant, il savait qu'il n'avait rien à se reprocher, mais c'était intolérable de se faire prendre dans ses conditions, surtout que sa cousine voyait cela comme un jeu certainement. Elle se moquait toujours des conséquences de ses actes.
Et puis… que voulait dire le sourire qu'affichait sa cousine ? Elle aussi semblait le scruter et paraissait beaucoup s'amuser. Un certain malaise le gagna.
- 0o0 -
C'est avec soulagement que Byakuya monta dans l'avion qui le ramenait à Tokyo. Comme pour l'aller, il avait pris un livre, non plus pour être sûr de contempler son patron bêtement, mais pour éviter les coups d'œil suspicieux de ce dernier. La tension était palpable dans le petit cockpit.
Kukkaku s'était réfugiée dans un siège loin des autres également. Seuls Stark et Koryaku restaient ensemble pour parler. Prenant son livre, une fois assis, Byakuya tenta de se concentrer dessus, mais il n'y comprenait rien.
La veille, il n'avait pas participé à la fête organisée par sa cousine. S'il était venu, sa cousine aurait fait les frais de son humeur massacrante parce qu'elle n'aurait pas pu s'empêcher de le taquiner une nouvelle fois. Inutile de se faire encore remarquer.
Koryaku ne réclama même pas sa présence, contrairement au jour où lui, Stark et Kukkaku avaient écumé les bars. Byakuya ne savait pas ce qu'il devait ressentir. Déception ? Colère ? Frustration ?
Enfin tous ses sentiments étaient stériles, puisque de toute façon même si Koryaku le bouleversait, jamais il ne se passerait quoique ce soit entre eux. Peut-être que ce type avait des vues sur sa cousine et qu'il lui avait gâcher son coup ? Un sourire crispé déforma ses traits. Il voyait mal sa cousine et Koryaku ensemble, et ce n'était pas de la mauvaise fois de sa part.
Durant le trajet de retour, Byakuya perçut plusieurs fois le regard de Koryaku peser sur lui. À quoi pensait ce type ? Pour un peu… Byakuya ferma son esprit. Il tournait les pages à un rythme régulier jusqu'à ce qu'il entende une voix féminine contre son oreille qui lui souffla.
- Tes efforts sont louables, mais tu tiens ton livre à l'envers, Kuchiki-san.
Byakuya tourna son visage neutre vers Kukkaku qui l'observait tranquille. Son livre atterrit fermé sur ses genoux. Inutile de feindre.
- Tu es ...
- Je ne sais pas ce qu'il y a entre vous… je veux dire, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais il a l'air de vraiment t'en vouloir, Kuchiki-san.
- Il ne s'est rien passé ! objecta Byakuya.
- Vraiment ?
Kukkaku posa ses avant-bras sur le haut des sièges et posa son menton sur eux. Ses yeux verts le considéraient avec attention.
- Je n'en suis pas si sûre. Fait attention à toi, lorsque Koryaku à quelqu'un dans le collimateur, ce n'est vraiment pas bon signe.
- Merci pour l'avertissement, mais je n'ai rien fait qui justifie pareil conseil.
- Va lui dire à lui, fit Kukkaku en changeant brutalement de conversation.
Trop content de parler d'autre chose, Byakuya entrepris de répondre de bonne grâce à Kukkaku, tant et si bien qu'à l'atterrissage, il avait oublié la présence de Koryaku. Mais ce dernier fit disparaître sa bonne humeur en une fraction de seconde lorsque leurs yeux se rencontrèrent. Le monde parut sombre et froid brutalement.
- 0o0 -
Le bureau bourdonnait comme une ruche. Le lundi démarrait plutôt lentement, mais cette fois-ci, il semblait bien que ce ne serait pas un jour comme les autres. Byakuya n'arrivait pas à taper son compte-rendu, le téléphone ne faisait que sonner ce qui ne l'aidait pas beaucoup à avancer. De nombreuses fenêtres étaient ouvertes sur son ordinateur et il jonglait avec les unes et les autres.
Une grande ombre passa devant lui dans le courant de la matinée, avant de disparaître dans le bureau à côté du sien. Même s'il était occupé, Byakuya avait eu le temps de voir le dos de son patron. Il resta songeur quelques secondes avant de reprendre son travail imperturbablement.
Tout le week-end, il s'était posé des questions sur le comportement de Koryaku. Enfin, entre ça et la visite impromptue de sa future belle famille. Le mariage avec Hisana n'était pas prévu pour tout de suite. En fait, il avait encore largement le temps d'y penser, mais la perspective d'épouser une femme ne l'enchantait guère. Que ferait-il le soir de sa nuit de noce ? Ou bien même… est-ce qu'Hisana faisait partie de ses filles qui souhaitaient goûter à la bagatelle avant le mariage ?
En se souvenant du visage de la jeune femme, Byakuya réfuta de lui-même son dernier argument. Mais cela n'enlevait rien à la question qui le taraudait lorsqu'il se trouvait en sa présence ou celle de sa belle-famille. Que ferait-il au moment crucial ? Est-ce… qu'il serait à la hauteur ? Il n'éprouvait aucun désir pour aucune femme et Hisana représentait pour lui une amie.
Toutes ses questions le taraudaient et plus encore depuis qu'il s'était découvert un certain penchant pour son patron.
- Kuchiki.
Levant les yeux sur Hallibel, Byakuya se leva pour prendre les deux gros parapheurs de courriers qu'elle lui tendait.
- J'espère que vous avez pu vous reposer durant votre week-end. Ce n'est pas toujours facile avec Shihoin-san, enfin les anciennes assistantes de Koryaku-san paraissaient beaucoup moins en forme que vous à leur retour de Nagano.
- Je vais très bien, je vous remercie Hallibel-san.
- Peut-être vous joindrez-vous à la soirée organisée au bowling par le service commercial ?
Byakuya adressa ce qu'il pensait être un sourire à Hallibel.
- Je ne pense pas. Je souhaiterai rentrer de bonne heure ce soir.
- Hirako-san et Shiba-san vont être très déçus. Ils semblaient compter sur votre présence…
Repoussant ses lunettes qui lui glissaient du nez, Byakuya espérait répondre d'un air dégagé. Le nom d'Hirako le faisait frémir d'exaspération, bien que le directeur commercial ne l'ait pas encore ennuyé de la journée.
- Je suis désolé, je suis débordé.
- Peut-être une prochaine fois.
L'hôtesse d'accueil quitta son bureau silencieusement et continua sa distribution de courriers. Byakuya tourna la page du premier parapheur et se sentit observer. Levant les yeux, il croisa le regard de Koryaku. Il réussit à cacher son trouble en se donnant une contenance en repoussant ses lunettes.
Koryaku était beau dans son costume sombre griffé. Il portait toujours des costumes pour venir au bureau, mais celui-ci lui saillait particulièrement. La chemise immaculée faisait ressortir le bronzage de sa peau, et la cravate rouge mettait en valeur le costume noir à fine rayure grise… et pour la première fois, il voyait son patron les cheveux détachés autour de son visage.
Sa gorge se noua et ses mains devinrent moites. Il aurait aimé… l'approcher, mais il était préférable qu'il reste derrière son bureau.
- Je vois que vous avez beaucoup de succès, Kuchiki-san. J'espère que cela ne vous monte pas à la tête.
- Je vous assure que non, Koryaku-san.
- J'ai rendez-vous ce midi avec une très jolie femme. J'aimerai que vous commandiez un bouquet de roses et une boite de chocolat. Je suppose que vous savez ce que l'on peu commander à une femme pour un rendez-vous galant ? Je serai absent pour le reste de la matinée et une partie du début de l'après-midi… vous avez mon portable en cas de problème.
Tout en parlant, Koryaku s'approchait du bureau de Byakuya. Les yeux de son patron ne quittaient pas les siens. Mal à l'aise, Byakuya avait l'impression qu'il cherchait quelque chose, mais quoi ? À présent, il n'y avait que la table du bureau qui les séparait et Koryaku ne clignait pas de l'œil. Il fouilla dans la poche intérieure de sa veste et sortit son portefeuille.
Byakuya suivait chaque geste. Enfin, son patron baissa les yeux pour examiner le contenu de son portefeuille. Il en sortit une carte.
- Veillez à ce qu'elle reçoive ses cadeaux à son bureau avant notre rencontre de ce midi. J'ai rendez-vous pour l'instant avec Yamamoto-san.
- J'y veillerai.
Byakuya voulut prendre la carte, mais Koryaku ne relâchait pas son étreinte obligeant Byakuya à le regarder en face. Il retint son souffle.
- Je ne sais pas à quel jeu vous jouez, Kuchiki-san, mais à votre place je cesserai rapidement.
Estomaqué, Byakuya ne sut que répondre, et qui aurait entendu sa réponse, mis à part le vide ? Son patron avait quitté son bureau comme s'il s'était agit d'une apparition. La carte que Byakuya tenait entre ses doigts, lui brûlait les doigts. Il déchiffra Jackie Tristan. Une étrangère ? Remarqua-t-il malgré lui.
Son esprit confus revint à la dernière réflexion de son patron et il fixa la porte d'un air interrogateur. Qu'est-ce qui se passait dans la tête de Koryaku ? Et qu'avait-il fait pour le mettre autant en rogne ? Byakuya resta quelques minutes indécis et bouleversé, avant de se mettre en quête d'un fleuriste et d'un chocolatier. Inutile de se mettre un peu plus son patron sur le dos en n'exécutant pas ses ordres.