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Sleeping Dead

Couple : Foa x Nichols

Genre : Romance / aventure

Rating : M

Auteur / Scénario : Jijisub

Nombre de chapitres : 11

Statut : Terminé

Synopsis :

Nichols a quitté Cicero City et a refait sa vie. Père adoptif d'Analan, il tient une auberge tranquille en bord de mer. Ses jours s'écoulent sans l'ombre d'un problème, jusqu'au jour où Foa refait surface dans sa vie...

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Chapitre 1

Sleeping Dead : Une vie sans histoire…

 

Le vent chassait les derniers nuages de l’orage ce matin-là. Les premiers rayons du soleil filtrait et illuminait d’une couleur pâle, les herbes hautes qui longeaient la falaise. La mer était encore agitée. Les nombreuses vagues et moutons blancs qui la parcouraient donnaient une idée de la violence de la tempête qui avait secoué la côte.

 

Lentement l’astre du jour grimpa dans le ciel et la rade nichée dans la cuvette en contrebas, dévoilait ses rues pour certaines tracées à la règle. La petite ville d’Arasma s’éveillait. Les premiers commerçants ouvraient boutiques. Le port lui, était déjà en pleine activité. La tempête de la veille avait abimé quelques voiles, voir des mats pour certains navires. Le tangage encore visible des bâtiments et leurs craquements, presque sinistres attiraient malgré eux le regard du promeneur matinal.

 

Un brouhaha envahit progressivement les rues. Arasma n’était pas un grand port dans le pays mais, un des plus anciens. En tous les cas, le plus fréquenté par les pirates qui croisaient au large des mers de l’Ouest. Un havre de paix, un no man’s land, où les bourgeois, nobles, brigands, pirates et honnêtes citoyens se côtoyaient en paix.

 

Un peu en retrait de la ville, se situait une auberge qui bordait la seule voie d’accès qui menait à la vielle. Le seul endroit où il n’y avait pas de falaise du reste. Coincée entre la mer, la forêt, les champs et la route, elle accueillait toute sorte de voyageurs. Du plus honnête, au plus filou…

 

Cette auberge était propre. Sur le dessus de la porte on pouvait voir une enseigne où il était inscrit en lettre blanches « Le Caveau ».

 

La maison en lourdes pierres de granit était pittoresque à la région. Grande, montée sur un étage et  faite pour résister aux pires bourrasques. Elle était comme les gens qui y habitaient solide et chaleureuse.

 

La porte en bois vernis, patinée par le temps et les vents s’ouvrit brutalement, comme si elle avait été incapable de supporter le poids d’une nuée d’oiseaux. Pourtant, c’était bien une adolescente qui s’engageait sur la petite allée faites de grandes dalles grises parfaitement jointées et nivelée.

 

Les yeux bleus rieurs mangeaient le visage agréable hâlé de la jeune fille. Un grognement derrière elle se fit entendre.

 

« Analan ! Je t’ai pourtant interdit de te servir dans la réserve ! Je fais comment pour servir le petit déjeuner ?

—    Tu n’as plus qu’à préparer une nouvelle fournée de petits pains ! Comme tu n’avais rien à faire…

—    Attends ce soir ! Hurla Fidersbee Terence. Je vais en parler à ton père et on verra s’il sera aussi magnanime…

—    Papa ne me dira rien du tout ! Déclara-t-elle dans un éclat de rire. » Puis, reprenant un air sérieux. « Oh et puis arrête ! Je vais être en retard pour aller à l’école ! »

 

Dans un joli mouvement de jupe, Analan Heyward s’enfuie sur la seule route qui menait au cœur d’Arasma. Fidersbee vit disparaitre la tête brune qui le narguait, il y a cinq minutes à peine. L’homme se gratta le sommet de son crâne en marmonnant contre la jeunesse insouciante. Ses cheveux châtains déjà mal coiffé, s’en trouvèrent un peu plus ébouriffé. Il gémit de douleur, lorsqu’un torchon s’abattit sur ses côtes.

 

« Fidersbee ! Arrête de rêver et rejoint ton poste. Le patron a eut une dure soirée à ce qu’il parait !

—    Ouaih… ouaih… j’ch’suis au courant… »

 

L’homme à tout faire, jeta un regard revêche à la femme de ménage qui l’ignora superbement, retournant à ses occupations délaissés quelques minutes auparavant.

 

Terence Fidersbee remarqua sans vraiment les voir les quatre clients déjeunant chacun à une table différente. C’était tous de simples voyageurs sans histoire. La pièce était relativement grande, traversée par des grosses poutres de soutènement. Une trentaine de tables étaient dispersées. D’un côté de la pièce une immense cheminée attirait le regard que l’on soit habitué ou non au lieu. Sa gueule noire surmontée d’une frise où un blason érodée par le temps trônait en son centre étaient soutenu par des jambages représentaient deux lions assis sur leurs trains. Une crémaillère portait une immense marmite où parfois, le cuisinier venait faire des soupes costaudes les soirs d’hivers rigoureux.

 

La silhouette massive de Fidersbee glissa entre les tables avec grâce. C’était assez étonnant comme spectacle, il attirait toujours les regards. Pour un homme de sa corpulence, on l’imaginait plus raide et maladroit que souple et habile, d’autant que sa taille moyenne le faisait paraître plus petit qu’il ne l’était en réalité presque court sur pate. Il ramassa les deux ou trois chaises que la fille du patron avait renversées en se sauvant de la cuisine et regagna son « antre » d’un pas tranquille. Son regard s’attarda sur le long comptoir de bois sombre qui contrastait tellement avec les murs blanchis à la chaux derrière.

 

Terence pénétra dans son office et rangea le désordre semé une nouvelle fois par Analan avant de partir. De plus, il y avait eu foule la veille au soir et Egan Taylor n’avait pas eut le temps de tout nettoyer avant de partir. Mais qu’importe, les deux hommes s’aidaient même s’ils occupaient l’espace à des moments différents de la journée. Et puis, son patron ne tarderait pas à venir déjeuner, enfin peut-être un peu plus tard. La tempête de la soirée l’avait obligé à réparer à la hâte les dégâts pour préserver la réserve des intempéries.

 

La porte s’ouvrit et la femme de ménage apparut au chambranle et cria presque.

 

« Monsieur Heyward est debout… il demande si tu peux lui préparer son petit déjeuner, pendant qu’il finit de faire sa toilette…

—    Il est déjà debout ? » S’étonna tout de même Fidersbee qui pensait le voir un peu plus tard.

 

Bella hocha la tête. Son visage rond était grave. Cela n’arrivait pas souvent, seulement lorsqu’elle s’inquiétait. Et ses principaux sujets d’anxiété étaient la famille Heyward, en dehors de son propre fils.

 

« Il est tout pâle, alors prépare lui quelque chose qui lui tienne au corps !

—    Va t’occuper de ton ménage… J’sais c’que j’ai à faire ! »

 

La petite rousse le foudroya du regard. Ses yeux verts brillaient comme des émeraudes, lorsqu’elle s’énervait. Haussant ses larges épaules Fidersbee sortit sa poêle et réactiva le feu en versant du petit bois. Il cassa ensuite des œufs et remua l’appareil jusqu’à ce qu’il devienne mousseux. Des saucisses grésillaient bientôt et une omelette dorée et gonflée ornèrent un plateau et rependirent un doux parfum dans la cuisine chaleureuse de l’auberge. L’homme à tout faire, attrapa dans une corbeille des petits pains ronds et blancs, et les disposa dans une assiette. Ils étaient en tout point identique à ceux subtilisés par Analan plus tôt. Puis, s’ajouta une motte de beurre et un petit couteau non loin du couvert dressé.

 

Bientôt un bol de café fumant vint se joindre au festin. Le délicieux parfum du petit déjeuner saturait l’air de son odeur appétissante. Le léger grincement de porte avertit Fidersbee que son patron venait de pénétrer dans la pièce. Il se tourna pour le saluer avec un sourire. Heyward Nichol n’était pas un être jovial de nature. Son expression était pour la plupart du temps indéchiffrable… et ce matin ne dérogeait pas à la règle. Quoique les cernes sous ses yeux témoignaient de son peu d’heure de sommeil.

 

L’homme à tout faire, observa la carrure taillée à la serpe de l’aubergiste. Il ressemblait plus à un tueur qu’à un véritable tavernier. Et c’était certainement pour cela que ses clients même les plus hostiles se tenaient à carreau dans son établissement. Aucun jusqu’ici n’avait fait le poids face à cette montagne de muscles qu’était Heyward.

 

Son patron était plutôt séduisant. Et vu le nombre de femmes qui rodaient toujours non loin de l’établissement, il était étonnant qu’il ne se soit jamais marié. Il avait eu des aventures mais, apparemment aucune n’avait su être indispensable aux yeux de cet homme taciturne. Fidersbee reconnaissait que malgré son air bourru, il avait un patron en or. Il ne rechignait jamais au travail et il était loin de passer ses nerfs sur ses employés même s’il avait des coups durs à encaisser. C’était le roc contre lequel tous se reposaient.

 

Enfin là, il paraissait vraiment fatigué.

 

« Bonjour Fidersbee…

—    Bonjour M’sieur Heyward !

—    Analan ?

—    Partit à l’école… elle a encore chapardée dans la réserve ! Grommela Terence.

 

Nichol observa un instant son employé et répondit en soupirant

 

« Je lui parlerai à son retour…

—    Enfin… ne la grondez pas trop non plus… elle voudra plus me parler après… j’veux pas être un méchant… vous m’comprenez ? » Tenta de se justifier le cuisinier mal à l’aise.

 

Nichol eut un faible sourire. Fidersbee observa Heyward du coin de l’œil. Les cheveux blancs mi-long de son patron étaient retenus par une ficelle pourpre. Avait-elle une signification particulière ? Nul ne le savait… mais, tous l’avait toujours vu nouée dans ses cheveux. Les boucles d’oreilles argentées luisaient doucement sous les rayons du soleil. La chemise à carreaux entrouvertes laissait deviner une musculature puissante où aucune once de graisse n’avait réussit à s’accrocher. Fidersbee avait déjà vu son patron torse nu, et ses multiples cicatrices qui ornaient son buste, était pour lui un sujet d’interrogation permanent. Mais, il n’oserait jamais poser la moindre question.

 

Quand Heyward se redressa pour débarrasser sa table un peu plus tard, Terence observa fasciné le haut du corps taillé en V de cet homme pour lequel il travaillait. Ses hanches étroites étaient moulées dans un pantalon de toile noire. Ce n’était décidément pas en étant un simple bucheron ou un aubergiste que cet homme avait pu se forger un corps pareil.

 

Puis, se reprenant Fidersbee délaissa la cuisine pour rejoindre la salle. Quelques clients s’installaient et il entama une conversation animée avec quelques uns d’entre eux.

 

°°0o0°°

 

Appuyé contre l’évier, Nichol se retint de se déchirer la mâchoire par un bâillement monstrueux. Il attrapa un tablier au vol pour se donner du courage et prépara quelques plateaux. Son cerveau était incapable d’émettre la moindre pensée constructive. Il agissait ce matin-là en mode pilote automatique, dû à des années de routines.

 

Seul Fidersbee et Bella interrompait la monotonie de sa matinée qui s’étirait interminablement. Lorsque le premier coup de feu fut passé, il quitta la pièce pour la laisser au soin d’Egan Taylor. Lui devait à présent réparer les dégâts de la remise.

 

Abandonnant son tablier, il l’échangea par une caisse à outil et des gants. Comme à chaque fois qu’il les enfilait, les souvenirs remontaient à la surface de sa mémoire et il les renvoya d’où il venait, les smatchans sans qu’ils aient eut le temps de se déployer.

 

L’ancien jackals n’était plu. Heyward Nichol était devenu un brave citoyen, un honnête aubergiste de la ville d’Arasma. Père adoptif d’une adolescente de presque quinze ans et qui, faisait sa fierté.

 

Le vent soufflait encore. Quelques mèches blanches se soulevaient au rythme des rafales. Les résidus de la tempête balayaient encore les côtes sauvages de l’Ouest. L’air iodé de la mer se faisait sentir un peu plus que les autres jours d’ailleurs. Le regard un peu vide Nichol scrutait son auberge et en fit le tour, analysant au passage les travaux qu’il aurait à effectuer les prochains jours.

 

Un tumulte au loin l’avertis de l’arrivé de tout un équipage, certainement des pirates vu le tintamarre. Il allait devoir réintégrer le bar. Sa présence aurait l’effet d’une goule et éviterait le saccage de l’auberge mais cette fois-ci d’un ouragan interne, qui ressemblerait à des brigands enivrés d’alcool. Nichol espérait seulement qu’ils seraient partit avant le retour d’Analan à l’auberge.

 

°°0o0°°

 

C’est rapidement qu’Analan rangea ses affaires. Elle n’avait pas envie de trainer. Elle avait appris plus tôt qu’un navire pirate avait accosté en fin de matinée et l’adolescente savait pertinemment qu’ils finiraient tous à l’auberge de son père. Analan repoussa ses longues nattes noires soyeuses. Elle passa la bandoulière de son sac sur son épaule quand la voix de Li et Sarah l’arrêta alors qu’elle s’apprêtait à quitter les lieux.

 

« Analan… attend-nous ! Tu es bien pressée aujourd’hui….

—    Des pirates sont en ville… »

 

Les yeux bleus habituellement limpides et espiègles étaient sombres. Li hocha la tête approbatrice.

 

« Papa va fermer un peu plus tôt ce soir. La dernière fois, les marins de Guo Niu avait tout saccagé…

—    C’est Guo qui est en ville ? Interrogea Analan surprise.

—    Oui… mon père m’en a parlé ce midi

 

Analan fronça les sourcils. Une source à gros problèmes ce gars.

 

« Il n’avaient pas été banni de port ? S’étonna Sarah Summers à côté d’elle.

—    Normalement, ils n’auraient pas dû revenir. Mais, la tempête a dû dérouter le navire et il a eut certainement l’autorisation d’accoster…

—    Mais certainement pas de courir les rues… Marmonna songeuse Analan.

—    Se serait plutôt étonnant… » Confirma Sarah avec un frisson d’horreur.

 

Le trio s’arrêta sur le trottoir pour observer une des rares voitures que comptait la ville. Elles traversèrent en donnant leurs opinions plutôt déplorables sur les pirates. Bientôt remplacer par « la » conversation du moment « Josh Shuman », le playboy du collège.

 

« Vous avez de la chance… l’année prochaine vous irez au lycée. Soupira Li. Mes parents vont m’employer à la blanchisserie… »

 

Une voix masculine héla le groupe d’adolescentes, interrompant Li dans son discours. Ike Byrnes interpella Analan.

 

« Mam’zelle Heyward… je vais voir vot’père. Vous voulez que j’vous dépose ?

—    Avec plaisir Ike ! S’exclama joyeusement la brune dans un grand sourire. Se tournant vers ses amies. J’vous laisse… On se voit demain !

—    Fait gaffe à Byrnes Analan… Ike a les mains baladeuses ! Souffla Li d’un ton entendu.

—    Il n’oserait pas… surtout s’il voit papa après ! »

 

La jeune fille leur fit un clin d’œil entendu et s’éloigna dans un dernier salut de la main, alors que ses amies hochaient la tête d’assentiment. Analan entendit le petit soupir que poussèrent les jeunes filles en entendant prononcer le mot « papa ». Toutes ses amies en pinçaient, sans exception pour son père. Analan soupçonnait même certaines d’entre elles, de la fréquenter uniquement pour l’approcher au plus près.

              

« Tu vas participer aux préparatifs de la fête ? Demanda Ike tout en regardant monter la jeune fille dans sa camionnette.

—    Tu plaisantes Ike ? J’n’ai pas le temps… J’aide déjà Egan en cuisine le soir. Y’a de plus en plus de monde à l’auberge. J’pense que papa devrait recruter quelqu’un. Il va se tuer à la tâche et puis, je ne serai pas toujours là non plus…

—    Tu vas partir ? »  S’étonna le brave menuisier.

 

Les yeux d’Analan s’allumèrent à cette idée.

 

« Plutôt deux fois qu’une… Papa sait que je veux devenir médecin. Alors quand j’aurai finit le lycée, il va m’envoyer en pensionnat à Cicero City !

—    C’est la grande ville là-bas… » Murmura pensif Byrnes.

 

Le regard noisette du menuisier devint absent. Ses traits lourds étaient emprunts d’une certaine nostalgie. Il semblait se tasser quelque peu sur lui-même au fil de ses idées.

 

« Tu vas rencontrer beaucoup de beaux parties et puis… Tu vas peut-être vivre là-bas tout le temps ! C’est dommage ! J’t’aime bien Analan. J’t’revois encore avec tes nattes… »

 

Un formidable éclat de rire retentit dans l’habitacle. Analan agitaient joyeusement ses nattes, de manière espiègle. Ce qui amena un sourire chez le menuisier. La jeune fille allongea ses jambes et observa le paysage accidenté. Son regard balayait la lande qu’ils traversaient.

 

Les falaises abruptes étaient derrières eux, pourtant de nombreux rochers encombraient le paysage. Les récifs étaient visibles dans le ressac des vagues en contrebas. Analan aimait ce côté sauvage de la mer, elle paraissait plus sombre et plus mystérieuse. Son regard dériva vers le côté passager… des champs s’étendaient par contre à perte de vue, avec ça et là de gros rochers rappelant que tout n’était pas gagner pour l’homme. Plus ils s’approchaient de l’auberge, plus la forêt paraissait proche. Les nuits comme celles de la veille, on pouvait entendre les branches craquées de l’auberge et cette espèce de bruissement incessant des feuilles s’agitant sous les bourrasques.

 

Analan au détour du dernier virage reconnu sa maison. Un magnifique sourire orna ses lèvres. Non, elle ne quitterait jamais sa terre d’adoption. Elle partait certes, mais pour une brève période. Elle comptait bien revenir et profiter de ses gens, de cette atmosphère chaleureuse qui se dégageait de la ville et de ses citoyens authentiques qui la peuplait. Et c’était chez elle, là où vivait son père. Ce roc indéboulonnable qui était le phare de ses nuits durant ses nuits de cauchemar. Alors, non… hors de question qu’elle vive toute sa vie en dehors d’Arasma.

 

°°0o0°°

 

Nichol observa Niu Guo septique. Ce pirate à la gâchette facile l’exaspérait.

 

« Tu n’as plus un rond Guo… alors, soit tu payes ou tu dégages ! »

 

Guo lui adressa un sourire séducteur. Chez les femmes, il devait faire son petit effet. Mais, chez Nichol… il avait autant de succès qu’un inspecteur des impôts. Pourtant son teint bronzé, son grain de peau parfait, ses traits fins et ses longs cheveux noirs libres sur ses épaules invitaient à la caresse. Tout ce dont avait pourtant envie l’aubergiste à ce moment là, était de l’étrangler.

 

L’asiatique était de la même taille que lui. Quoique très fin… où plutôt Nichol était trop développé. Pourtant, Heyward ne le sous-estimait pas. Il n’aurait pas la réputation qu’il avait, s’il se contentait uniquement de séduire ses proies. Il le soupçonnait même d’être un ancien jackals lui-même. Mais, il ne lui poserait aucune question à ce sujet.

 

« T’es pas sympa ses derniers temps Nichol…

—    Qui te permet de m’appeler par mon prénom ? Qui t’as permis de quitter ton navire ? Tu n’étais pas interdit de séjour ? Déclara froidement l’aubergiste.

—    Un tu es mon futur « beau-papa » donc, je me permets une certaine familiarité… et de deux… comme mon navire est sérieusement endommagé j’ai le droit de rester quelques temps en ville… »

 

Niu se sentit décoller du sol, comme s’il était un vulgaire bout de chiffon. Toutes les conversations s’interrompirent brutalement. L’équipage de Guo se redressa menaçant mais, leur capitaine plaisanta

 

« Du calme Heyward… Je plaisantais… Mais dit toi bien que c’est à Analan de choisir au final… et pas à toi !

—    Je refuse qu’elle s’emmourache d’un type de ton espèce !

—    C’est toi qui me dis ça ? Ironisa l’asiatique. Nous savons tous ici très bien, à qui nous avons affaire…

—    La ferme ! » Grinça Nichol entre ses dents.

 

Il relâcha toutefois son prisonnier et retourna derrière son bar. Son expression fermée et la lueur meurtrière dans le fond de ses yeux, firent fuir quelques clients non téméraires. Il n’était jamais bon de taquiner Heyward et encore moins lorsqu’il s’agissait de sa fille.

 

La porte de l’établissement s’ouvrit brutalement pour laisser place justement à l’adolescente. Nichol hurla

 

« Analan… la porte merde ! Tu vas finir par me l’arracher ! Là où la tempête échoue…

—    Oh ‘pa… arrête de râler… de toute façon Ike est là !

—    Ne parle pas familièrement avec les clients !

—    C’est ton fournisseur… »

 

Les conversations avaient repris depuis longtemps. Les escarmouches entre le père et la fille étaient nombreuses et ne surprenaient plus personne depuis longtemps. La jeune fille salua quelques clients au passage, et termina derrière le comptoir à côté de son père qui la fixait furieux. L’adolescente avait remarqué Niu et lui demanda presque indifférente.

 

« T’étais pas interdit de séjour ici normalement toi ?

—    Soit pas familière….

—    Tu es directe ! Sourit Niu. C’est ce que j’aime chez toi !

—    Ne t’emballe pas… Marmonna Analan en se servant une limonade.

—    J’ai demandé ta main à ton père ! Affirma l’asiatique.

—    T’es encore en vie ? »

 

Analan en siffla d’admiration. Se tournant vers Nichol qui empochait l’argent d’un client.

 

« Tu ne l’as pas tué… Tu t’améliores  ‘pa !

—    Tss… Comme s’il représentait une menace… Va aider Egan en cuisine…

—    Tu as accepté sa proposition ? Suggéra Analan moqueuse.

—    Bien sûr que non ! Rugit Nichol incapable de rester calme avec sa fille.

—    Je me disais aussi… »

 

Se tournant vers Niu, elle déclara narquoise.

 

« C’est beau de rêver… mais, plutôt mourir que de finir avec toi !

—    Ça peut s’arranger… susurra mielleux Guo.

—    Vois ça avec papa ! »

 

Analan quitta la salle, poursuivit par les paroles de Niu.

 

« Il ne sera pas toujours là pour te protéger ! »

 

La jeune fille était pâle à présent. Ses paroles la renvoyaient à des souvenirs qu’elle préférait oublier. Elle s’était figée quelques secondes derrière la porte clause. Puis, se reprenant, elle adressa un immense sourire à Egan.

 

°°0o0°°

 

Nichol termina sa transaction avec Ike, sur le montant des travaux à effectuer. Egan apparut dans la cour avec un paquet de cigarettes en main. La nuit commençait à tomber et le bout du cylindre rougeoyant attirait le regard.

 

« Qu’est ce qui c’est passé en salle patron ? Demanda le cuisinier.

—    Pourquoi ?

—    C’est Analan… paraît un peu abattu ce soir.

—    C’est certainement la faute à Guo Niu…

—    C’t’une plaie ce gars… » Souffla contrarié le quinquagénaire.

 

Nichol ne prit pas la peine de répondre. A quoi bon ? Il savait pertinemment que Guo ne toucherait pas à sa fille et puis, c’était de la pure bravade. L’asiatique adorait le pousser à bout. Il raccompagna Ike jusqu’à sa fourgonnette poussive. Ce dernier se tourna vers lui et murmura

 

« Je vais être triste lorsqu’Analan partira… C’est un rayon de soleil. Je comprends que Guo s’intéresse à elle…. »

 

Nichol ne répondit pas immédiatement. Il observa le brave homme plutôt simple qu’était Byrnes. Un honnête homme sans histoire aux antipodes de Guo. Il préférerait et de loin qu’Analan tombe amoureuse d’un type sans histoire plutôt que d’un vaurien du type de Guo qui finirait immanquablement de la rendre malheureuse. De toute façon, se ne serait pas lui qui en déciderait… enfin, pas temps qu’elle ne serait pas majeure !

 

Il salua brièvement Ike et retourna au comptoir. Guo et sa clique quittèrent les lieux. Obliger de fuir constamment… Etais-ce un avenir ? Nombres de clients passèrent au cours de la nuit. Nichol voyait de l’argent circuler en dessous de table et comme à son habitude ferma les yeux. Cela ne le regardait pas !

 

Un peu plus tard Analan s’arrêta derrière le comptoir. Elle paraissait fatiguée. Un sourire s’esquissa sur les lèvres de l’ancien jackals. Elle agissait encore comme si elle était encore une enfant. Ses mains essuyaient ses yeux, comme le ferait une petite fille. Il avait presque envie d’ébouriffer ses cheveux mais, préféra s’accrocher à son torchon que de lui montrer un geste d’affection.

 

«’Pa… je vais me coucher… à moins que tu es encore besoin de moi ?

—    Non… pas vraiment…

—    Tu penseras à engager… quelqu’un ?

 

Voyant l’air surpris de son père, Analan continua presque exaspérée.

 

« Tu sais… comme le disais Guo… je ne serai pas toujours là !

—    Il disait cela à mon sujet ! Protesta Nichol.

—    Mais, c’est vrai aussi pour moi ! »

 

Nichol ouvrit les yeux en grands de surprise pour froncer les sourcils en contrecoup.

 

« ‘Pa… dans trois ans, je vais partir à Cicero City, ne l’oublie pas ! Alors trouve toi une épouse ou vie avec quelqu’un. Et surtout engage bientôt un nouvel employé ! Dans six mois, je rentre au lycée. Je ne pourrai plus t’aider ! »

 

Voyant l’air perdu de son père, Analan secoua la tête. Un sourire bienveillant fleurit sur ses lèvres. Puis, elle bâilla à nouveau.

 

« Pense s’y papa… Moi, je vais me coucher. A demain ! 

—    A demain… »

 

C’était uniquement par reflexe que Nichol avait répondu. Il observa sa fille disparaitre derrière une porte qui dissimulait l’escalier de leur appartement privé. Quelques regards suivirent avec convoitise la jeune fille mais, lorsqu’ils rencontrèrent les yeux semblables à du basalte du père, tous détournèrent la tête avec empressement.

 

Nichol soupira. Le temps passait décidément trop vite à son goût. Il n’avait pas l’impression d’avoir vu grandir sa fille. Dix ans ! C’était comme si c’était hier. Cette maison en bordure de ville camouflée par de hauts murs. Les hurlements d’un enfant. Sur le coup, il avait voulu ne pas entendre. Et puis, il était intervenu. Le massacre des parents d’Analan et de son grand frère âge tout au plus de dix ans, l’avait mis hors de lui. Il avait découpé les deux petites frappes et sauvée la gamine de cinq ans… Il se souvenait des yeux bleus baignés de larmes, des traits déformés par la peur…

 

Par la suite, la gamine n’avait jamais voulu le lâcher et il avait abandonné sa vie errante pour enfin se fixer. Pas n’importe où ! Après avoir chercher… son choix s’était porté sur Arasma. Il était passé de jackals à père de famille, honnête aubergiste et citoyen d’une communauté. Cette ville où toute une faune se côtoyait… il était passé presque inaperçu pouvant se construire une vie sans histoire. Nichol avait utilisé l’argent de ses massacres pour les mettre à l’abri et aujourd’hui, il récoltait bien plus qu’il n’avait investit.

 

Un soupir s’échappa de ses lèvres. Oui, il devait construire sa vie avec quelqu’un… Il avait trente deux ans et ne pouvait pas toujours se contenter de passades. Mais, toutes les femmes de se port, était des bourgeoises avides, des putes de comptoirs ou des femmes honnêtes sans intérêts ! Il grossissait à peine le trait. Pour une aventure sans lendemain, cela ne posait pas problème… quand à passer le reste de ses jours avec l’une d’entre elle s’était problématique.

 

Les pensées de Nichol se reportèrent sur l’emploi d’un nouvel employé. C’était un autre problème. Il cherchait quelqu’un de compétent et surtout qui puisse s’imposer dans un bar tel que le sien. Fidersbee s’imposait par sa jovialité et une force du poignet peu commune si nécessaire. Egan était un bon manieur de couteaux… et Bella avait assommé plus d’un homme. Peu de personne voulait travailler pour lui à plein temps… Nichol se gratta la tête préoccupé.

 

Il ferma son bar deux heures plus tard. Les clients de l’hôtel dormaient depuis longtemps dans leurs chambres. Lui, monta l’étage d’un pas lourd. Le peu d’heure de sommeil qu’il avait emmagasiné ses derniers jours, lui donnait une démarche lourde. Il se laissa choir quelques minutes plus tard sur son matelas complètement épuisé, et habillé. Encore une fois, une nuit sans rêve lui tendit les bras. Le lendemain serait un autre jour !

 

Chapitre 2

La chambre était éclairée par la pleine lune. L’aube commençait à poindre et l’encre de la voute céleste, se dissipait pour laisser apparaitre un bleu de Prusse lentement remplacer par un bleu électrique. L’homme endormi encore complètement habillé s’agitait comme s’il était la proie d ‘un horrible cauchemar. Ses gémissements étouffés raisonnèrent bientôt dans la chambre.

 

Nichol se redressa brutalement. Une fine couche de sueur le recouvrait. Son cœur battait à tout rompre mais, le spectre qui l’avait tourmenté n’avait laissé aucune trace. L’ancien Jackals s’essuya le front et sa main termina sa course dans son épaisse chevelure détachées et emmêlées.  Qu’est ce qui pouvait l’effrayer à ce point là ? La mort ne lui faisait pas peur… Quand il y songeait, rien ne l’épouvantait. Il jura entre ses dents et se redressa mécontent.

 

Les vêtements froissés qu’il portait l’agacèrent. Il était tellement fatigué la veille qu’il n’avait pas songé à les enlever. Son regard fut attiré par le ciel qui se teintait de couleurs parme et rose. Il n’avait même pas songé à tirer les rideaux. Nichol resta un moment indécis. Que devait-il faire ? Il était beaucoup trop tôt pour qu’il prenne son service et il n’avait aucune envie de dormir. Il avait juste besoin d’air !

 

Sans réfléchir d’avantage, il attrapa une grande serviette dans son placard et dévala quelques minutes plus tard l’escalier. Nichol avait l’intention de prendre un bain en pleine mer ! A part, quelques raclements légers qui parvenaient de la cuisine, personne n’était levé à l’auberge. Il sursauta lorsque Fidersbee jura contre son four. Le bruit métallique laissait sous-entendre un accident qui ne devait pas prêter à conséquence.

 

Nichol franchit le seuil et s’arrêta quelques secondes pour habituer son regard à l’obscurité, pour disparaitre dans les ombres noires qui siégeaient encore autour de la maison. Le sentier caillouteux à peine dessiner, demandait à tous les promeneurs de porter toute leur attention à leur marche. Même si l’ancien Jackals n’habitait pas du côté des falaises, l’endroit où se situait l’auberge était accidenté. D’autant plus qu’il faisait encore nuit noire sur cette portion de chemin. L’air iodé se faisait plus présent au fur et à mesure de sa progression.

 

Au loin, les rayons blancs du soleil envahissaient enfin l’horizon. Pourtant, cela n’éclairait toujours pas suffisamment les lieux. On n’y voyait pas à 10 mètre. L’eau paraissait noire à certain endroit. Quelques moutons blancs indiquait les remouds de l’eau. Arrivé sur un gros rocher en forme de plateforme, Nichol se déshabilla et se jeta nu du haut de son brisant la tête la première. Il l’avait fait tellement de fois en plein jour qu’il pouvait se permettre de plonger sans y voir goutte.

 

L’air était vivifiant mais, la mer gardait encore la chaleur de l’été implacable qu’ils avaient subit cet été. Les vagues le ballotaient un peu. Mais, l’ancien jackals prit plaisir à se battre contre le courant et fendit l’eau par un crawl énergique. Nichol en était persuadé… rien de telle qu’une bonne activité physique pour retrouver son calme. Ses pensées se firent lointaines et seul le plaisir de s’adonner à un sport qu’il pratiquait comme un combat, envahit l’aubergiste.

 

Quand il regagna le rivage une bonne heure plus tard, le soleil inondait la petite crique sur lequel il s’était échoué. Après s’être ébroué en faisant virevolter une nuée de gouttes d’eau, Nichol regagna son perchoir. Il finit de se sécher avec sa serviette. L’homme grimaça. Il adorait la mer mais, détestait le sel qui s’accrochait à la peau. Cette sensation de vouloir se gratter était hautement désagréable. Au fur et à mesure qu’il s’habillait, ses rêveries s’envolèrent vers Analan.

 

Elle avait raison… bientôt, elle le quitterait pour d’autres cieux… même si elle ne faisait plus d’étude, elle voudrait certainement se marier et il n’aurait plus personne avec qui partager sa vie. Et puis, si elle partait à Cicero City… reviendrait-elle ? Cette idée le perturba. Même si l’adolescente n’était pas sa fille biologique, il l’a considérait comme telle ! Imaginez qu’elle ne puisse plus être à ses côtés lui était… insupportable.

 

Quelques minutes plus tard, il remontait le semblant de sentier contrarié. Nichol jeta un coup d’œil distrait autour de lui et quelque chose attira son attention en contrebas. Il plissa les yeux pour essayer de mieux distinguées ce qui l’avait interpellé mais, il était trop éloigné pour reconnaitre ce qu’il voyait. Il se pencha en avant mais, ses efforts étaient vains.

 

Finalement intrigué par le bout de l’objet qui luisait et qui lui évoquait vaguement quelque chose, Nichol rebroussa chemin et slaloma bientôt entre les roches de la plage. Nichol se figea brutalement. Son cœur se mit à battre sourdement. Il cligna plusieurs fois des yeux comme s’il était incapable de croire ce qu’il voyait. Les souvenirs qu’il le renvoyait au loin dans sa tête se fracassèrent violemment dans son cerveau.

 

Là… à quelques pas de lui reposait, presque ficher entre les rochers, Requiem. Il n’en voyait qu’une toute petite partie mais, il reconnaitrait partout cette garde. Nichol bougea enfin comme au ralenti. Il grimpa le roc et vit l’épée rectangulaire identifiable entre toutes ! Elle était bien amochée. La restaurée prendrait beaucoup de temps. Ses pensées fusaient toutes seules alors que lui était tétanisé accroupit devant la lame, hypnotisé par les fissures qui montraient les durs combats qu’elle avait du mener.

 

Brutalement et comme s’il sortait d’un mauvais rêve, Nichol tourna la tête dans tous les sens. Ses yeux scrutaient, fouillaient les environs. Si Requiem était ici abandonnée, Foa ne devait pas se trouver très loin. L’ancien Jackals se redressa et balaya les alentours du regard. Rien. Il descendit de son observatoire et fureta autour des rochers. Il pila au bout de quelques minutes de recherche. Là, dépassant du rocher une botte dépassait. Nichol sentit son cœur battre plus vite. C’était impossible ! Foa ne pouvait pas être mort !

 

Les pas de l’aubergiste s’étaient accélérés. Quand il contourna le roc, Nichol reconnu la carrure massive de Foa, allongé ou plutôt ramassé sur lui-même d’une manière incongrue. Sans attendre, Nichol se précipita. Pourtant, quand il l’allongea correctement, ses gestes s’étaient faits doux. Il le tourna vers lui et sa pâleur lui fit entrevoir le pire. Ses doigts cherchèrent le pouls du blessé à la gorge pour descendre ensuite au poignet. Il était vivant !

 

Sans s’en apercevoir l’ancien jackals poussa un soupir de soulagement. Sa respiration devint plus ample, comme s’il s’était abstenu de respirer lui-même. Que c’était-il passé ? A cette idée, Nichol fronça les sourcils. L’état dans lequel se trouvait Foa le laissait perplexe. Qui pouvait réussir à abattre ce jackals aguerris ? Pas un amateur… Mais qui ? Tout ce qu’il savait à présent c’est qu’il devait faire vite, sinon, Foa mourrait pour de bon. Il avait apparemment perdu beaucoup de sang et ses blessures étaient sérieuses.

 

« Je ne sais pas qui t’as mis dans cet état Foa Requiem… mais, il va falloir t’accrocher pour survivre ! »

 

Une voix féminine se fit entendre. Nichol fronça les sourcils en distinguant la voix de sa fille. Il se redressa et l’interpella. Elle tombait plutôt bien.

 

« Analan… par ici ! »

 

L’adolescente rebroussa chemin et l’invectiva.

 

« ‘Pa… mais, qu’est ce que tu fabriques ? On commençait sérieusement à s’inquiéter ! Fidersbee t’as vu partir il y a plus d’…. »

 

Analan s’arrêta dans sa diatribe en voyant au pied de son père un homme couvert de sang et complètement inconscient… ou plutôt mort !

 

« Il… Il est…

—    Pas encore ! Répliqua sombrement Nichol. Je l’ai vu alors que je rentrais. Ecoute Analan… nous n’avons pas beaucoup de temps. Va dire à Bella de préparer ton ancienne chambre…

—    Tu vas l’héberger ? Et dans ma chambre ?

 

Elle était abasourdie ! Ses yeux sortaient presque de sa tête et plus encore lorsqu’elle vit son père se pencher vers le blesser et avoir des gestes presque tendres à son endroit. Sans se retourner Nichol répondit calmement.

 

« Tu ne vas plus dans cette pièce depuis que tu as neuf ans ! Et ne discute pas, nous n’avons pas franchement le temps ! Applique ce que je te dis à la lettre…

 

Nichol se tourna vers sa fille qui était comme planté dans le sable. Elle paraissait hypnotisée par ce qu’elle voyait et ne semblait pas beaucoup l’écouter. Il soupira à nouveau et prêta toute son attention sur Foa. Analan suivait les gestes respectueux de son père qui arrachait sa chemise pour poser des garrots sur les blessures visibles. Jamais, elle ne l’avait vu agir ainsi envers qui que ce soit… sauf pour elle ! Analan eut l’intuition que cet étranger pour elle ne l’était pas pour son père.

 

« Analan… Dépêche-toi ! »

 

Voyant sa fille bouger enfin, il l’arrêta brutalement.

 

« Soyez discrets. Personne ne doit être au courant. Demande à Fidersbee de laisser la porte de derrière ouverte. Toi, quand tu auras terminée de donner mes ordres, va voir Gokhale Anjali. Dit-lui de venir me rejoindre ce soir… Je vais avoir besoin de ses services ! Lui aussi doit montrer profil bas. Depuis le temps qu’il cherchait à me rembourser sa dette… Marmonna Nichol. Tu rentres à la maison tout de suite après. Tu n’iras pas à l’école aujourd’hui… Dépêche-toi ! »

 

Analan bondit sur le sentier. Son cœur s’était emballé et son corps réagissait sous l’effet de l’adrénaline. De voir son père si animé, la rendait elle-même électrique. Elle vola presque plus qu’elle ne courrait. Lorsqu’elle entra dans l’auberge pourtant, elle replaçait ses nattes d’un geste désinvolte et elle retint sa respiration pour ne pas paraitre essoufflée. Analan pourtant quand elle ne vit aucun client en salle, bondit dans la cuisine. Elle trouva les deux employés de son père prenant un bol de café. Ils parurent surpris en voyant l’adolescente surexcitée.

 

« Bella… papa a demandé que tu prépares mon ancienne chambre. C’est urgent ! Papa arrive avec un blessé…

—    Un blessé ? Répéta Fidersbee. Faut pas l’amener chez le docteur Blackwood ? Il est…

—    Je sais pas pourquoi papa demande ça et il paraissait pressé. Il a demandé à ce que vous soyez discret également… »

 

Les deux employés se regardèrent en fronçant les sourcils aussi surpris l’un que l’autre. Ça ne sentait pas bon… mais, ils ne discuteraient pas un ordre de Monsieur Heyward !

 

« Papa demande à ce tu laisses la porte de service ouverte. Il va arriver !

—    J’vais ouvrir la porte et j’vais aller l’aider…

—    Non ! S’écria la jeune fille. Si un client arrivait et que c’est Bella qui allait servir, cela attirerait l’attention.

—    Bon, j’vais préparer la chambre ! Déclara la rousse d’un air entendu. Si l’patron l’demande, j’n’ai pas à savoir pourquoi et ton non plus Fidersbee… Fait ce qu’il t’a demandé point barre ! »

 

Analan rassurée, voulut quitter la pièce mais la voix bourrue de l’homme à tout faire l’arrêta.

 

« Tu comptes aller où comme ça ?

—    Papa m’a demandé d’aller voir Anjali Gokhale…

—    Ce vieux fou ? »

 

Bella fut choquée. Pour qu’Heyward fasse appel à ce guérisseur plutôt qu’au médecin de la ville… Ce type était la plupart du temps à moitié bourré. L’inconnu qui allait vivre sous le même toi que son patron ne devait pas être des plus fréquentable. Elle savait que son patron n’était pas un enfant de cœur mais de là à…

 

« C’est pas prudent d’aller dans ce coin là Analan… Répondit Fidersbee.

—    Ce n’est pas comme si je ne savais pas me défendre ! Répliqua l’adolescente en s’enfuyant brusquement.

—    Bon sang… Elle n’écoute jamais rien ! Grogna l’homme à tout faire.

—    Va ouvrir la porte et va surveiller la salle… » Riposta Bella sombrement.

 

La matrone disparue dans les appartements de son patron, tandis qu’après avoir ouvert la porte de service, Fidersbee s’installa au comptoir et entama une conversation avec un client qui entrait en salle.

 

°°0o0°°

 

Après s’être assuré que Foa était mieux installé sur le sable. Nichol prit soin de cacher Requiem. Il souleva la lourde épée et la glissa entre des rochers de telle sorte qu’il était impossible de la voir de quel endroit où l’on venait. Il viendrait la récupérer en pleine nuit, où au petit jour. Personne ne serait levé à ces heures là !

 

Il retourna auprès du blessé et observa les bandages de fortune. Sa chemise y était passée et maintenant, il était torse nu. Ses muscles roulaient sous sa peau hâlée. Même s’il n’était plus un jackals depuis longtemps, il n’avait jamais abandonné son entrainement et gardait un corps tonique et musculeux. Il fronça les sourcils en constatant que les bouts de tissus se maculaient encore de rouge.

 

Il était évident que ses bandages ne tiendraient pas très longtemps. Nichol vérifia une dernière fois les blessures de Foa et vérifier qu’il était toujours en vie. Avec précaution, il réussit à hisser l’homme sur son dos, après l’avoir assis et saisit en se servant d’un appui. Nichol avait entendu le gémissement de protestation très faible lorsque le dos de Foa avait touché la roche.

 

Une grimace déformait le visage de l’ancien jackals. Foa était vraiment lourd et comme il était inconscient tout son poids reposait sur ses reins et ses épaules. Il avait l’impression de s’enfoncer dans le sable. Une lueur d’inquiétude traversa son regard quand il vit la côte qu’il devait monter pour retrouver le plateau où se situait l’auberge. La voix de Foa le fit sursauter alors qu’il était plongé dans son raisonnement.

 

« E..en…foi..ré… 

—    Tu te portes mieux que je ne le pensais Foa Requiem… Si tu as assez de forces pour m’engueuler… accroche-toi à moi ! »

 

Foa observa entre ses yeux mi-clos, les cheveux blancs mi-longs devant lui. Il allait refuser ou repousser Nichol. Il ne voulait rien lui devoir… Surtout pas à lui ! Mais au lieu de cela, sa tête tomba inconsciente dans le creux de la nuque de l’ancien jackals.

 

Nichol sentit le souffle faible contre son cou et se raidit, troublé. Pourtant, il se relâcha en songeant que se souffle si tenu soit-il était rassurant. Toutefois, ses mains se cramponnèrent et se crispèrent sur son colis qui devenait de plus en plus pesant au fil des minutes. Il devait se dépêcher. Nichol accéléra sa marche. Les gémissements de douleurs de Foa l’inquiétaient et le rassuraient en même temps. L’auberge était en vue et il soupira lui-même de soulagement.

 

Lorsqu’il passa le seuil de sa maison, Nichol soupira à nouveau. Personne ne les avaient vus. A moins que ses sens se soient particulièrement émoussés comme sa force. Il passa dans ses appartements et s’arrêta au milieu des escaliers en nages et essoufflée. Il irait se prendre un nouveau bain plus tard mais, surtout… il reprendrait l’entrainement très sérieusement. Quand il leva la tête, se sentant observer, il croisa les yeux verts chaleureux de Bella.

 

« Allez Monsieur Heyward… plus que quelques marches. On pourra s’occuper de votre ami correctement ensuite ! »

 

Un sourire s’esquissa sur les lèvres de Nichol. Qualifié Foa comme un de ses amis, était doucement ironique. Il grimpa les quelques degrés de l’escalier et pénétra dans l’ancienne chambre de sa fille. Bella avait respecté ses instructions et il lui en était reconnaissant.

 

°°0o0°°

 

L’herbe sauvage et haute fouettait les jambes nues d’Analan. Elle courrait comme une dératée, se reprenant à peine pour respirer. Elle devait se rendre en bordure de la ville du côté des falaises, là où vivait cet ermite de Gokhale. Le chemin était peu fréquenté et accidenté. Le « guérisseur » qu’était cet ivrogne invétéré vivait presque retranché dans un endroit difficile d’accès. En temps normal, jamais elle n’aurait été rendre visite à ce timbré. Elle détestait cette partie de la ville. On ne savait jamais qui on pouvait rencontrer…

 

Toutefois, le visage inquiet de son père la poursuivait. Celui de l’autre homme aussi. Quoiqu’elle n’avait pas vu correctement ses raits. Juste ses cheveux mi-longs bruns qui cachaient en partie son visage. Par contre, elle avait eut le temps d’admirer les muscles puissants de ses abdominaux. Il était taillé comme son père.

 

Une légère rougeur envahit ses joues. Elle comprenait enfin l’effet que pouvait produire Heyward D. Nichol sur ses amies et toute la gente féminine en générale. Elle voyait son père comme un homme certes, mais, il était « intouchable ». Alors que le brun était un étranger… et son imagination d’adolescente s’enflammait en se rappelant les muscles saillants et la peau presque blanche de l’inconnu. Quoique les blessures de l’étranger soient assez repoussantes et en même temps.

 

Analan pila, ce qui faillit la faire tomber. Une bourrasque de vent fit voltiger quelques mèches qui s’étaient échappées de leurs liens, lui obstruant partiellement la vue. Mais, elle reconnaissait parfaitement les hommes devant elle. Surtout le regard narquois de Guo Niu. Ses trois hommes émettaient des ricanements qui lui donnaient froid dans le dos.

 

Pourtant, elle s’interdit de paniquer. Son père lui avait toujours dit qu’elle devait rester maitresse d’elle-même en situation critique et c’était le cas aujourd’hui apparemment. Tous ses sens étaient en alerte. Analan se campa fermement sur ses jambes et haussa un sourcil inquisiteur.

 

« Oh… que fait une brave petite fille de ton gabarit seule sur la lande ? Te serais-tu perdu ? Ton cher papa t’accompagne ?

—    Pourquoi ? Aurais-tu l’intention de jouer au grand méchant loup Guo ? T’as des projets autres pour moi s’il n’était pas là ?

—    T’as toujours eu la langue bien pendue… Ton père ne t’a-t-il pas dit que cela pouvait s’avérer dangereux ? Tu vas avoir des tours…

—    C’est toi qui pourrais finir par le regretter ! Tenta de menacer Analan pas très sûre d’elle intérieurement.

—    Petite fille… Gronda Guo.

—    Papa sait très bien où je suis allée… »

 

Analan ne quittait pas des yeux Guo qui prenait une posture avantageuse pour lui. Toutefois, la jeune fille n’était pas dupe. Ses marins lentement l’encerclaient. Ses yeux furetaient autour d’elle, afin de trouver quelque chose sur le sol qui pourrait lui venir en aide. Son regard tomba sur des branches d’arbres non loin. Certainement arrachées lors de la tempête. Se serait toujours mieux que rien, songea l’adolescente.

 

Elle écoutait distraitement les propos de Guo sur son père. Elle ricana intérieurement et se demanda s’il serait aussi beau parleur si Nichol était là ? Son regard contrairement à ses oreilles était concentré sur la gestuelle de son interlocuteur. Elle en disait plus long sur ses véritables motivations de son propriétaire.

 

La chance de la jeune fille dans son malheur, c’était que Guo n’avait pas la stature d’Heyward et deux de ses marins étaient certes baraqués mais, étaient stupides et lents. Quant elle remarqua le geste à peine marqué de la main de Guo, et qu’elle repéra l’ombre d’Harvey derrière elle, Analan esquiva l’homme à la dernière minute, échappant ainsi à son agresseur. Tout se déroula en quelques minutes à peine ensuite. Elle se précipita en avant en faisant une roulade avant. Analan entendait des jurons mais, elle ne se laissa pas distraire. Elle attrapa prestement une branche souple au passage.

 

Elle se retourna brusquement et l’abattit de toutes ses forces sans réfléchir, sur le premier venu. Guo recula d’un pas sous le coup violent et inattendu. Ne cherchant pas à comprendre plus avant, Analan s’avança et profita de l’inattention de l’asiatique pour lui écraser joyeusement ses bijoux de famille avec force. Guo ouvrit de grands yeux et eut la respiration coupée. Elle en profita pour mettre ses doigts dans les yeux de l’homme qui tomba à la renverse dans un hurlement de douleur.

 

Analan couru vers le groupe stupéfait et effectua un magnifique kick avant sur le plus costaux des marins. Bien sûr, accompagné d’une manchette au niveau de la gorge. La respiration de Smith en fut coupée. Il s’effondra sur le sol, écarlate, tentant de reprendre son souffle.

 

« Salope ! Mais qu’est ce que tu… »

 

La jeune fille prit une position de combat, poing en garde, les genoux flexibles pour lui permettre des déplacements rapides, tout en ayant la possibilité d’administrer des coups de pieds latéraux. Analan économisait sa respiration, afin de libérer son souffle lorsqu’elle portait ses coups. Ces derniers en devenait plus puissants…

 

Cette fois-ci, elle attendait l’attaque et c’est Connord qui lui bondit dessus. La jeune fille eut l’impression que le son était coupé. Qu’elle n’entendait plus que sa propre respiration. Son adversaire venait au ralenti et c’est sans problème qu’elle esquiva le poing du marin. Elle remerciera Zhang Chen plus sur ses cours sur l’anatomie humaine. Son agresseur tomba lourdement sur le sol, raide comme un mort.

 

Morel l’observa avec horreur. Son regard sombre était indécis. Analan prit le partie de le rendre inoffensif, comme les autres. Elle n’avait pas encore récupéré Gokhale alors, s’il prévenait ses amis pirates… Elle risquait gros ! Elle fondit sur sa proie qui tentait de s’échapper…

 

°°0o0°°

 

Tandis que Bella s’occupait de chercher une nouvelle bassine d’eau chaude pour soigner les plaies, ainsi que des nouveaux bandages, Nichol déshabillait avec précaution Foa. Il grimaça en voyant la fracture ouverte au tibia. Il s’en doutait mais, il n’en était pas certain. Les plaies n’étaient pas nettes, comme s’il avait été tranché par un couteau mal aiguisé. S’il ne nettoyait pas très vite les blessures, elles allaient s’infecter. Il allait en avoir pour des heures à tout nettoyer.

 

Il sursauta quant il entendit le petit cri d’effroi de sa bonne. Nichol lui jeta un regard polaire. Ce n’était pas le moment de paniquer !

 

« M’sieur Heyward… mais, il a été… charcuté ! Qui a pu faire cela ? C’est… c’est ignoble ! Moi, j’ai toujours fait un travail soigné par une boucherie pareil… ce n’est pas du boulot… Protesta avec véhémence la rousse.

—    Donne-moi le nécessaire et tais-toi ! »

 

Nichol observa le corps étendu et songea qu’il aurait pu faire venir Gokhale plus tôt. L’état de Foa était trop sérieux pour ses maigres compétences. Les vêtements lui avaient caché l’ampleur des dégâts et pour comble de malchance à présent, Foa semblait avoir de la fièvre.

 

Il attrapa un linge qu’il trempa dans l’eau chaude. Il fut surpris de voir Bella faire la même chose. Voyant l’air médusé de son patron, la matrone déclara gravement.

 

« Il faut agir vite et… il y en a beaucoup… »

 

Nichol hocha la tête. Oui, il y en avait même beaucoup trop. Une chance que Foa ne soit pas une petite nature. Ils entreprirent chacun de nettoyer les plaies du jackals. Nichol sentait la curiosité de Bella croitre.

 

« Je vous demanderai toute votre discrétion…

—    C’est un jackals… n’est-ce-pas ?

—    Oui… » Nichol ne souhaitait pas aller plus loin dans son explication.

—    C’est votre ami ?

 

L’aubergiste ne sut quoi répondre. La dernière fois qu’ils s’étaient croisés… ils s’étaient presque embrochés. A défaut de dire autre chose… Mais, Bella avait besoin de savoir.

 

« C’est un ami… Confirma simplement Nichol.

—    C’est tout ce que j’ai besoin de savoir Monsieur Heyward ! »

 

Ils échangèrent un regard et l’amour presque maternel qu’il voyait dans les yeux de la matrone, le mit mal à l’aise. Ils devinrent silencieux. Seuls les faibles gémissements de Foa coupaient le mutisme de la pièce. Ils terminaient leurs tâches quand des bruits de pas précipités résonnèrent dans le couloir.

 

Analan apparut sur le seuil. Nichol se leva et lui cacha la vue du corps mutilé. Quand il vit les griffures et la tenue désordonnée de sa fille, l’ancien jackals fronça les sourcils.

 

« Qui t’as fait cela ?

—    Monsieur Heyward… Fit la voix rauque et chantante d’Anjali Gokhale. Où se trouve votre blessé ? »

 

Nichol sortit sa fille d’autorité et montra la pièce au guérisseur.

 

« Il est là… »

 

L’indien ne s’attarda pas et pénétra dans la pièce et la voix de Bella se fit entendre. L’aubergiste lui baissa son regard sur sa fille qui frissonnait presque violemment. Apparemment, ses nerfs se relâchaient. Fidersbee se racla la gorge, l’arrachant à sa contemplation.

 

« Pardon M’sieur Heyward. »

 

L’homme à tout faire portait deux lourdes mallettes.

 

« C’est Byrnes qui les a accompagné jusqu’ici… 

—    J’ai demandé à être discret… » Grogna Nichol.

 

Il jeta un nouveau coup d’œil à Analan qui protesta vivement

 

« Tu crois que j’aurai pu revenir aussi vite à pied ? Ike nous a proposé de nous remonter. Il venait te déposer du matériel !

—    Je t’avais pourtant dit de venir au soir ! Répliqua Nichol qui commençait à être soucieux.

—    M’sieur Gokhale ne m’a pas écouté ! Et puis, vu la manière dont tu as paniqué… j’avais trouvé que c’était une bonne idée ! »

 

Un raclement gêné les interrompit dans leur diatribe. Nichol se recula pour laisser passer enfin Fiderbee. L’ancien jackals se fustigea intérieurement. Ce dernier passa devant son patron sans oser le regarder. Il disparut promptement dans la chambre.

 

Nichol descendit les marches de l’escalier suivit d’Analan. Cette dernière savait qu’elle devait rester près de son père. Ce dernier avant de franchir le seuil de l’auberge, se tourna vers sa fille presque froidement.

 

« Va te rhabiller et recoiffe-toi ! Mais, nous n’en avons pas finit avec cette discussion. Plus vite tu me fourniras les noms de tes agresseurs, moins il y aura de casse…

—    Qu’est ce que tu va leur faire ? Demanda l’adolescente perplexe et pas très sûre de la remise de peine.

—    La mort ! »

 

Nichol disparu très raide et Analan resta figée et marmonna seule dans le couloir en regardant chacune de ses mains, comme si elle les soupesait.

 

« On peut me dire quelle différence, il peut y avoir à choisir entre la mort et la mort ?

—    Hum… fit pensif la voix de Egan. « Je dirai que cela dépend du choix des ustensiles et du temps que tu veux passer à torturer ta proie. C’est sûr que pour avoir osé toucher un de tes cheveux… je dirai la mort lente ! » Ricana le cuisinier en agitant sa grosse louche.

 

Analan eut un frisson et se rappela soudain du passé de Taylor. Multirécidiviste et mercenaire à ses heures. Entre son père et lui Analan voyait l’avenir de Guo et de son équipage sérieusement écourté.

 

L’adolescente remonta dans sa chambre, déboussolée. Elle retarderait l’échéance, autant qu’elle le pourrait. Pas qu’elle ait pitié du pirate mais, elle ne pourrait pas vivre avec un mort sur la conscience.

 

°°0o0°°

 

Les habitués étaient surpris de voir Nichol aussi tôt derrière son bar. De plus, qu’il serve à table était encore plus insolite. Frantz Summers un des notables de la ville, remarqua sur le ton de la plaisanterie.

 

« Fidersbee a rendu son tablier ?

—    Il est occupé et je le remplace un peu…

—    Il va bien au moins ? C’est si dur de trouver de bons employés… Ironisa le banquier.

—    Tout va très bien… merci ! Auriez-vous besoin d’autre chose… Monsieur Summers ?

—    Non… non… »

 

Nichol remarqua avec soulagement le retour de Fidersbee. Son employé lui fit un signe discret et l’aubergiste le rejoignit.

 

« Il n’a pas besoin de moi là-haut. Euh… Mademoiselle Heyward n’a pas l’air d’aller très bien…

—    Je vais aller la voir ! Fait de ton mieux en salle.

—    Euh… C’est Egan qui c’est occupé de Byrnes… Souligna brutalement l’employé.

—    Il est au courant ?

 

L’ancien jackals avait oublié de parler à son cuisinier. Mais, quand il vit le regard de Fidersbee, il se douta que ce dernier avait tiré ses propres conclusions.

 

« Oui… J’ai même l’impression que ça lui plaît ! Il est nostalgique… Pas moi ! J’ai une famille maintenant… »

 

Nichol ne répondit pas. Il grimpa les escaliers quatre à quatre et partie à la rencontre d’Analan. Elle avait le droit de savoir et… il devait la rassurer. Il se maudit pour son manque d’à propos. Mais, les vêtements arrachés ne laissaient aucun doute sur la façon dont cela avait du se produire. Il ne brusquerait pas sa fille… Mais, il retrouverait le coupable avec son aide ou pas !

Chapitre 3

Les seuls bruits perceptibles dans la pièce étaient ceux des instruments métalliques qu’utilisaient Anjali. Mis à part peut-être du tic-tac que faisait la pendule de la chambre. Nichol observait les grimaces de sa fille. Elle tentait vainement de dissimuler sa douleur en sa présence, il s’en rendait bien compte. La peur jusqu’à présent n’avait pas fait prendre conscience à Analan de l’étendu de ses blessures.

 

« Ne bouge pas, s’il te plaît Analan… J’ai presque finit…

—    J’ai… j’ai… des points de sutures ! Comme papa… »

 

Là, Nichol ne savait pas si c’était une remarque admirative ou catastrophée. Sa fille ne réagissait jamais comme il pourrait s’y attendre de toute façon. Elle leva les yeux vers son père et demanda avec un trémolo dans la voix.

 

« ‘Pa… tu vas vraiment les tuer ?

—    Ils étaient à plusieurs ? »

 

Nichol leva un sourcil en apprenant l’information. L’adolescente ouvrit la bouche pour protester et devint écarlate. Ne voulant pas déstabiliser complètement sa fille, l’ancien jackals entreprit de lui parler d’autre chose.

 

« Tu retourneras à l’école la semaine prochaine…

—    Pourquoi ? Protesta la jeune fille.

—    Tu es blessée et… ça expliquera la présence d’Anjali à la maison…

—    D’habitude tu fais intervenir Blackwood ! Réfuta Analan en prenant un air docte. Comment les gens vont-ils te croire ?

—    J’ai l’honneur de t’apprendre que notre nouveau médecin de famille, est actuellement en train de terminer de te recoudre ! »

 

L’adolescente baissa son regard sur l’ermite en ouvrant et refermant la bouche comme un poisson qui reprenait de l’air. Elle foudroya l’indien du regard. Comme s’il était responsable de ce qu’il lui arrivait. Le visage poupon d’Anjali arborait un doux sourire. De toute façon, ce gars souriait tout le temps. Comment pouvait-il trouver la vie agréable vu comment il l’a vivait ? Et de la manière avec laquelle il était considéré ?

 

Analan remarqua brutalement, peut-être parce qu’elle le voyait de près pour la première fois, qu’il n’avait pas de rides. Ce type devait avoir la soixantaine d’après les rumeurs et pourtant, il paraissait avoir une trentaine d’année comme son père. Seul quelques fils blancs tissaient son épaisse chevelure de jais soigneusement peignée pour former un chignon à l’arrière de sa nuque.

 

« J’ai finit Analan…

—    Vraiment ?

 

Elle s’ausculta avec une certaine hésitation. Ayant du mal à croire qu’il avait achevé de la soigner. Jamais Blackwood ne l’aurait examiné de cette manière et la traiter avec une telle douceur. Gokhale n’avait bronché à aucune des réflexions désobligeantes qu’elle lui avait adressées. Ce qui l’avait hautement perturbée. Seul son sourire sincère, et ça elle en était sûre, lui répondait. Ce type était une énigme pour elle.

 

« Vraiment ! » Affirma t-il « Tu peux te relever aussi… »

 

Tout d’abord réticente, Analan prit appuis sur le dosseret de son lit pour se redresser. Ses jambes tremblaient. Elle tenta de le dissimuler mais, Anjali murmura d’un ton réconfortant.

 

« N’importe qui aurait eu peur à ta place…

—    Je n’ai pas eu peur ! S’exclama la brune d’un air de défi.

—    Moi j’aurai eu peur… Sourit toujours doucement l’indien. Admettre sa peur n’est pas une défaite en soit. C’est simplement reconnaître qu’il existe des êtes ou des situations pour lequel nous ne pouvons rien. La peur nous préserve d’agir de manière inconsidérée également. Admettre ce genre de sentiment, c’est faire preuve d’intelligence…

 

L’indien se tourna respectueusement vers Nichol qui observait toujours sa fille entre ses yeux mi-clos.

 

« Je vais vérifier une nouvelle fois l’état de Monsieur Foa. S’il se réveille, veillez à ce qu’il mange correctement et boive mes tisanes pour se réhydrater. Je reviendrai demain matin pour changer les pansements et vérifier l’état des plaies. Surtout, qu’il ne se lève pas… quoiqu’il en serait incapable à mon humble avis… Et s’il le faisait malgré tout, je ne donnerai pas cher des jours qu’il lui resterait à vivre !  Si vous voulez bien m’excusez… je vais retourner chez moi… »

 

Se tournant vers Analan, il continua brièvement.

 

« Je regarderai aussi tes blessures… Je te demanderai de ne plus venir me chercher seule la prochaine fois. »

 

Après quelques courbettes, l’homme quitta la pièce avec une sérénité que lui envia Nichol. Il se tourna vers Analan gêné.

 

« Je ne t’enverrai plus seule… non, tu n’iras plus de ce côté de la ville. Je suis sincèrement désolé Analan, j’étais persuadé que personne ne te toucherai.

—    Mais, j’ai su me défendre ! Protesta l’adolescente avec flamme.

—    S’ils avaient eut des armes… tu n’aurais pas pu…

—    Papa ! C’est toi qui m’a appris à me battre… à me défendre. J’ai appliqué tes conseils et je m’en suis tirée car j’ai exploité les conditions dans lequel mon agression a eut lieu… Bon, je n’avais peut-être pas remarqué les gros cailloux sur le sol et j’aurai peut-être pu les éviter… » Marmonna la jeune fille. « Mais, c’était mon premier combat et…

—    Le dernier !

—    Papa !

—    Non Analan… Je ne pardonnerai pas s’il t’arrivait quoique ce soit… Tu es ce que j’ai de plus précieux ici. Si jamais, tu disparaissais de cette manière, je n’ose même pas imaginer dans l’état dans lequel je serai actuellement. »

 

Nichol avait traversé la pièce et à la surprise de sa fille, il l’enlaça ses épaules et la serra contre lui. Elle n’en était pas sûre, mais il lui semblait que son père lui avait embrassé la tempe. Les larmes baignèrent ses yeux pour son plus grand désarroi. Pour la première fois, elle s’accrocha à lui et éclata en sanglot. Après quelques minutes, elle réussit à dire

 

« J’ai eut si peur… Je n’avais jamais… imaginé que c’était ça… un combat. 

—    Moi aussi, j’ai peur lorsque je combats ! Mentit Nichol. C’est un moyen de se garder en vie… 

—    C’est vrai ?

—    Quoi ?

—    Que tu as peur ?

—    Ça m’arrive parfois… »

 

Nichol était mal à l’aise. Quelque part, il ne mentait pas après tout. Ces rêves lui laissaient souvent un goût amer. L’aubergiste soupira et adressa un léger sourire à sa fille dont les yeux se mirent à briller.

 

« Si on demandait à Egan de nous préparer des crêpes ? C’est ce que tu préfères manger… Non ?

—    Oui ! Avec de la confiture de myrtille ! Tu crois qu’il en reste ?

—    Demande-le au Chef… Sourit Nichol.

—    Tu restes avec moi ?

—    Je vais passer voir Foa et je te rejoins en bas…

—    Ok… mais, soit pas long ! »

 

Les bruits de pas précipités de sa fille amenèrent un sourire franc sur le visage de l’aubergiste. Finalement, Analan avait vite oublié sa mésaventure. Il ne lui dirait rien de ses investigations. Nichol avait vu combien elle paraissait troublée par cette affaire. Il traversa l’étage et entra dans la pièce où se trouvait Foa. Bella allait fermer les rideaux mais arrêta son geste en voyant son patron entrer.

 

« Tout va bien ? Demanda Nichol.

—    Il est bien installé… et j’avoue être très surprise par Gokhale. On m’avait dit qu’il faisait des miracles mais là…

—    Ne jamais sous-estimé un homme parce qu’il est différent…

—    Hum… Oui… marmonna la matrone. Je vous laisse cinq m…

—    Non, je voulais m’assurer qu’il… était en vie !

—    Il faudra le veiller cette nuit… et, j’n’pourrai pas rester ! Vous comprenez j’ai mon fils et…

—    Je m’en occuperai. Je vous suis reconnaissant de…

—    Non Monsieur Heyward ! C’est moi qui vous suis reconnaissante. Vous connaissiez mes… enfin vous connaissez mon passé et vous m’avez fait confiance. Alors, pour une fois que j’ai la chance de pouvoir vous aider… Mais, pas le soir. »

 

La rousse rougit dépité de ne pouvoir en faire plus. Nichol secoua la tête. Son regard parcourait la silhouette endormis. Il s’approcha pour terminer au pied du lit. Le visage de Godfrey Foa était paisible à sa grande surprise. Il n’avait pas beaucoup changé, juste mûrit. Les mèches de sa frange tombaient dans les yeux du jackals et sans qu’il puisse s’en empêcher, il repoussa ses dernières. Le contact l’électrisa et il retira ses doigts comme s’il s’était brûlé.

 

L’aubergiste se détourna brusquement et quitta la pièce. Avant de sortir, il se tourna vers Bella.

 

« Quand vous partirez, veuillez me prévenir…

—    Oui Monsieur Heyward ! »

 

La rousse resta un long moment à observer le chambranle de porte. C’était son imagination, ou bien son patron avait rougit ?

 

°°0o0°°

 

Installée devant sa petite table, un livre grand ouvert devant elle, et sa plume qui fouettait l’air  nerveusement, Analan terminait ses devoirs. Son regard glissait de temps en temps sur le blessé toujours endormi. Elle observait son beau visage les trois quart du temps quand elle se trouvait dans cette pièce mais là, elle avait trop de retard et ses notes avaient chutés dernièrement.

 

Trois semaines que ce type était là, et trois semaines qu’elle fantasmait sur lui. De quelle couleur était ses yeux ? C’était la question qui la taraudait le plus. Elle avait demandé à son père mais, ce dernier répondu « normaux ». C’était quoi cette réponse à la noix ? Elle avait même du se battre pour devenir garde malade ! Mais, son père avait du accepter son aide, car il n’avait pas assez de personnel pour surveiller Foa. Les yeux d’Analan se mirent à briller.

 

Bien que l’homme allongé soit amaigri, il se dégageait une force qui l’attirait. Il faut dire qu’il était quand même musclé. Le regard d’Analan virevolta sur le corps allongé et un gloussement sortit de sa bouche. Elle s’imaginait bien restant à ses côtés et… avoir des enfants… et… ses devoirs ! Après avoir pris plusieurs expirations, inspirations, elle entreprit de feuilleter sérieusement son livre. Ça parlait de quoi ? Ah oui… c’était une bataille qui avait eu lieu…

 

Il était comment dans une bataille justement ? Elle l’imaginait avec une épée à double tranchant orné de pierres précieuses. Il avait la classe… il ne pouvait pas avoir une vulgaire épée. Son regard s’assombrit… Elle se souvint brutalement de l’Alligator de son père. Son moral descendit au trente-sixième dessous. Même si elle était petite au moment des faits, elle se souvenait la manière dont cette chose découpait les corps.

 

Pour penser à autre chose, l’adolescente replongea dans ses devoirs. Et cette fois-ci réussit à gribouiller quelques réponses. Le grattement de la plume, le cri des mouettes et des goélands, le ressac lointain de la mer agitée et le bruissement des feuilles sous le vent étaient les tumultes plus ou moins proche avaient rempli la pièce. Analan avait allumé une lampe à l’huile qui commençait à jeter ses premières ombres sur le plancher vernis, conférant à la pièce une ambiance confortable et accueillante.

 

Analan se sentait comme chez elle… quoique ce fût sa chambre au départ. Elle avait été des le départ la chambre la plus douillette et dont la décoration avait été la mieux soignée. Les murs étaient encore tapissés de rose et de blanc. Quelques cadres brodées par Bella ornaient les murs. Cette dernière avait été ravi de s’occuper d’une chambre de fille, n’ayant eu elle-même qu’un garçon.  Les rideaux étaient en dentelles et les doubles rideaux à grosses fleurs luxuriantes.

 

Il restait de nombreux souvenirs ici, comme ses nombreuses étagères qui supportaient ses livres d’enfants, des jouets dont de nombreuses poupées mais, aussi des épées en bois. Un petit poêle était installé dans un coin de la pièce et Analan de temps en temps se levait pour mettre une buchette. Un panier en osier en contenait assez pour passer toute une nuit et une journée sans avoir à en refaire le plein. L’air frais de l’automne passait dans l’interstice des fenêtres. Analan songea qu’ils devraient fermer les volets à nouveau prochainement. Elle n’aimait pas cela. L’adolescente adorait observer la mer, surtout lors des tempêtes. Elle se sentait toute petite à côté des éléments déchainés.

 

Elle tourna une nouvelle fois la tête et rencontra des yeux mi-clos. Elle ouvrit la bouche mais, aucun son ne sortit trop stupéfaite de voir enfin le blessé se réveiller. Son cœur se mit à battre furieusement. Elle lâcha sa plume et s’approcha du convalescent. Foa avait parlé mais, elle n’avait pas compris ses paroles.

 

« Pardon… je… je ne vous ai pas compris…

 

Foa eut du mal à reprendre sa respiration. Il se sentait tellement faible qu’il en avait la tête qui tournait. Il se racla sa gorge désespérément sèche et repris

 

« J’ai… soif….

—    Oh… Attendez, je vais vous servir à boire ! »

 

L’adolescente se tourna vers la table de chevet où, était installé un pichet et un verre. Elle servit un peu d’eau et le tendis au blessé. Foa observa entre ses cils, la jeune fille qui se tenait près de lui. Se moquait-elle de lui ? Il était incapable de se soulever et encore moins boire !

 

« Aide… moi…

 

Analan considéra la demande. Elle observa Foa et regardait ses bras.

 

« Attendez, je vais chercher quelqu’un pour vous aider ! Ne bougez pas surtout ! »

 

Foa leva les yeux au ciel. Comme s’il était en état de faire le moindre mouvement. Bientôt apparu un homme de petite taille. Quoique non ! Il semblait petit car il était large et trapu. Son visage respirait la jovialité. Etait-ce le père de l’enfant ? La ressemblance n’était pas évidente voir pas du tout au prime abord !

 

« ‘jour M’sieur ! Je suis Fidersbee… et j’vais vous aider à vous r’dresser pour que vous puissiez boire. »

 

Et sans attendre son assentiment, Foa se sentit soulevé presque ce qui lui arracha une plainte involontaire. Il ouvrit de grands yeux. Jamais, il n’avait été aussi mal en point. Enfin, pour lui, il aurait dû être mort. Comment se faisait-il qu’il soit là allongé sur un lit. Petit à petit son cerveau se remettait en marche. Foa bu avec bonheur l’eau fraiche qu’on portait à ses lèvres.

 

A son grand soulagement, le dénommé Fidersbee lui reversa un autre verre qu’il s’empressa de boire. Sa gorge le faisant moins souffrir.

 

« Eh M’sieur ! Pas si vite… M’sieur Gokhale nous a dit que vous deviez boire et manger avec parcimonie… j’savais même pas qu’s’indien connaissait c’mot là ! »

 

Foa fut soulagé quand l’homme le reposa sur ses oreillers. Il ferma les yeux quelques secondes en se laissant envahir par un sentiment de bien-être. Quand il les rouvrit, il croisa deux paires d’yeux très curieux. L’adolescente se mit à parler brutalement.

 

« On a veillé sur vous… jusqu’à ce que vous vous réveillez ! Ça fait un moment que vous êtes inconscient… Papa disait que vous étiez une force de la nature et que c’était qu’une question de temps…

—    Ouaih ! J’pense comme le patron… J’vais r’tourner en salle ! J’préviens votre père pour lui dire qu’son ami est réveillé !

—    Le patron ? Où suis-je ? 

—    Vous êtes dans l’auberge de mon père… Mais, vous êtes dans ma chambre… enfin, ancienne chambre. J’ai réquisionné celle de l’autre côté de la maison pour avoir une vue sur la mer !

—    Dans quelle ville…

—    A Arasma… Nous on habite un peu en dehors de la ville et…

—    Vous prenez des risques et votre père ne devrait pas s’occuper d’inconnu qui…

—    Oh vous n’êtes pas un inconnu pour papa ! Et puis, c’est un ancien jackals… alors y’a pas de danger !

—    Tss… Si j’ai été…

—    Je suis heureux de voir que tu t’inquiètes pour ma famille Foa Requiem… »

 

Foa tourna la tête brusquement et rencontra les yeux gris-vert de Heyward. Une certaine agitation le gagna. Cet homme, il était persuadé qu’il ne le reverrait plus jamais, qu’il était mort… et il se tenait là, sous ses yeux. Il en était abasourdi. Un sourire narquois effleura la bouche de l’ancien Jackals.

 

C’était troublant de le voir sans crie et gare. Nichol avait perdu son côté enfantin. Ses traits plus affirmés devaient le rendre plus séduisant aux yeux des femmes. Il se dégageait de l’ancien jakals une distinction et en même temps une certaine désinvolture. D’être présent sans vraiment l’être qui lui donnait une part de mystère. A quoi pensait-il ? Ses yeux clairs ne laissaient rien deviner. Foa en aurait presque rie, s’il n’avait pas aussi mal et s’il n’était pas aussi surpris.

 

« Ta famille ? C’est ta fille ?

—    J’ai demandé à Analan de te surveiller lorsque je suis au bar…

—    Quelle prévenance… alors que j’ai faillit te tuer la dernière fois où nous nous sommes vu… »

 

L’adolescente blêmit. Cet homme avait essayé de tuer son père ? Et ce dernier lui avait sauvé la vie ? Pourquoi ? Un sentiment d’insécurité envahit la jeune fille qui s’était raidit. Ses yeux rongés par l’inquiétude dévoraient à présent son visage. Foa s’en rendit compte et trouva l’adolescente désarmante dans la manière dont elle semblait aimer son père.

 

« Analan… Egan t’as préparé des muffins…

—    Il va vouloir te tuer… Souffla Analan les yeux toujours fixé, horrifié vers le jackals impuissant.

—    Il en est totalement incapable à l’heure actuelle… Egan t’attend !

—    Je…

—    Crois-tu vraiment que je puisse craindre quelque chose ? »

 

L’adolescente tourna son visage vers le jackals allongé et le trouva inquiétant. Quoique Gokhale lui avait dit qu’il aurait une longue convalescence… Puis, son regard se porta sur son père et un sourire éclaira enfin son visage.

 

« Non… il pourrait rien contre toi ! Mais s’il tente quoique ce soit, je viendrai avec Fidersbee, Egan et Bella…

—    Je ne pense pas qu’il faille aller à de telles extrémités ! »

 

L’adolescente jeta un dernier coup d’œil derrière elle, rassurée elle disparut dans le couloir. Nichol se tourna vers Foa et s’aperçut qu’il se rendormait petit à petit. Avait-il entendu les réflexions de sa fille ? Le jackals paraissait épuisé.

 

« Ne t’endors pas immédiatement… ton repas va t’être apporté. Tu dois manger un peu…

—    J… sommeil… »

 

La porte s’ouvrit et Bella apparut.

 

« M’sieur Heyward… voilà la soupe ! »

 

Nichol retira de la table de nuit le pichet et le verre, permettant à sa femme de ménage de poser le plateau. L’aubergiste posa ses affaires sur le bureau qu’occupait précédemment Analan. Il congédia la rousse et observa Foa qui l’observait entre ses paupières.

 

« Je suppose que je vais devoir te soulever ? Je vais faire de mon mieux pour ne pas te faire mal… alors, serre les dents ! »

 

Foa aurait voulu que Nichol disparaisse. Etre aussi… affaibli et inoffensif devant lui, le mettait terriblement mal à l’aise. Pourtant, son ancien ennemi s’affairait très à son aise. Il avait retiré de l’armoire plusieurs gros coussins qu’il empila avant de le rejoindre. Comme il lui avait conseillé plutôt, le brun sera les dents quand il le redressa et à sa surprise, Nichol le déplaça avec délicatesse.

 

« Tu crois que tu pourras tenir comme ça ?

—    Je… n’ai pas faim… »

 

C’était vrai, Foa n’avait pas vraiment envie de manger mais, le regard glacial que lui adressa l’ancien jackals lui fit comprendre qu’il se passerait de son avis. Cela l’agaça… Foa n’avait qu’une envie s’était de sombrer. Au lieu de ça, Nichol prenait une chaise et attrapa une cuillère et la remplie d’un liquide fumant. Les effluves des légumes bouillies aromatisés lui sauta au nez. Son estomac gargouilla et un sourire naquit sur les lèvres de Nichol. C’était hautement énervant cette situation…

 

« Ton ventre… semble dire le contraire… se moqua son interlocuteur.

—    La ferme ! C’es….

 

Nichol avait passé la cuillère dans la bouche du jackals qui arrondit les yeux. Il s’étouffa et avala de travers. D’un bond Heyward attrapa le blessé et marmonna

 

« Qu’est ce qui t’arrive ? C’n’est pas bon…

—    De l’eau…

 

Nichol tendit un verre d’eau promptement et aida Foa à boire.

 

—    Putain ! C’est brulant ! Tu veux que je me brule ?

—    Pour un gars agonisant t’a drôlement envie de parler dis-moi !

—    Boucle-là et fait pas le malin parce que je suis cloué au lit… Si j’étais valide…

—    Tu me tuerais ? »

 

Les deux hommes s’observèrent un long moment. Leurs visages étaient très proches. Nichol remarqua les petites rides aux coins des yeux de Foa, son odeur un mélange de musc de myrrhe et d’herbes certainement dû à toutes les décoctions qu’avait placé sur lui Anjali. Pourquoi le regard que Foa posait sur lui était-il aussi… amical ?

 

Foa fut troublé par l’apparente surprise de Nichol et par sa question. Tuerait-il Nichol « Alligator » Heyward ? Non… Il n’en serait plus capable peut-être parce qu’il avait une famille ? Que lui-même savait ce qu’était de perdre des êtres que l’on est censé protégé ? Non, il avait d’autres personnes à s’occuper et surtout il avait un être à chérir. Mais, il voulait éloigner la menace qui planait au-dessus de sa tête… comme celle d’Alligator mais, lui ne devait pas être au courant apparemment.

 

« Laisse… j’vais me débrouiller… 

—    Comme tu veux… »

 

Nichol plaça le plateau à pied sur le lit. Et il se rejeta sur sa chaise. Son regard détaillait Foa qui essayait de prendre sa cuillère pour la portée à sa bouche. Mais, il en fut incapable. C’est avec un regard assassin qu’il déclara

 

« Je n’ai pas faim…

—    Menteur ! »

 

Et Nichol attrapa la cuillère à nouveau et souffla sur le liquide toujours fumant. Il porta ensuite la cuillère à la bouche de Foa. L’expression de marbre de Nichol dérangea et arrangea le jackals qui maintenant mourrait de faim contrairement à ses dire. Il avala avec précaution le breuvage et faillit pousser un soupir de contentement. Il n’avait jamais rien mangé d’aussi bon. Et ce n’était pas parce qu’il avait faim. L’aubergiste avait vu la lueur dans le regard de Foa mais, ne pipa mot. Il avait apprécié ce qu’il mangeait.

 

Le repas se passa dans un silence absolu. Seuls leurs yeux se parlaient mais, aucun des deux n’auraient su expliquer le courant bizarre qui passait entre eux. Il n’y avait jamais eu de tension entre eux. En fait, si Nichol n’avait pas tué « bras d’acier », lui et Foa seraient certainement devenus amis.  Quelque chose dans l’attitude de ce dernier tracassait Nichol mais, il aurait été incapable d’expliquer le pourquoi !

 

Nichol allait parler quand la porte s’ouvrit sur Bella.

 

« Monsieur Heyward… Il faut que vous descendiez au bar ! Fidersbee dit qu’il y’a un type pas net et il cherche les embrouille.

—    Je descends… Pourrais-tu terminer…

—    Je n’ai plus faim ! Protesta Foa.

—    Menteur ! Répliqua Nichol en sortant un sourire moqueur aux lèvres.

—    C’est quoi ça manie de m’appeler « menteur » ?

—    Monsieur Heyward… à souvent raison… Je vais terminer…

—    Je ne suis pas un gamin !

 

La matrone se campa les jambes écartées et les mains sur les hanches menaçantes, une mèche rousse barrant son visage menaçant.

 

« Je ne suis pas une jackals… mais, j’étais connu comme Dixie l’ange de la mort et grande manieuse de couteaux dans un cirque ! J’ai peut-être perdu ma plastique… mais, je manie toujours aussi bien les poignards… voir le scalpel, jeune homme. Alors soit vous manger pour vous rétablir et surtout permettre à Monsieur Heyward de souffler ou bien, je vous coupe ce que votre agresseur à gentiment oublier de vous charcuter au niveau de votre anatomie ! »

 

Foa était estomaqué par l’aplomb qui n’était pas feint de cette femme. Son regard flamboyant lui montrait combien elle était sérieuse. Il se sentit très fatigué brutalement.

 

°°0o0°°

 

Nichol se plaça nonchalamment derrière le bar et son regard fut happé par deux yeux bleus extraordinairement clairs. Ce qui retint l’attention de l’ancien Jackals… c’était l’énorme mâchoire carré de cet homme. L’aura particulièrement meurtrière qu’il dégageait annonçait en elle-même les problèmes qui ne tarderait pas à arriver.

 

« Votre serveur a appelé la cavalerie ? Ironisa l’homme.

—    Devrait-il vraiment en avoir une ? Demanda calmement l’aubergiste.

 

Le blond se pencha en avant. Ses cheveux presque rasé donnaient même l’impression qu’ils étaient blancs.

 

« T’es un jackals ?

—    Non.

—    Pourtant… t’en à l’air… ou presque… T’es du genre émoussé, j’dirai !

—    Je ne suis qu’un simple aubergiste. »

 

Le ton calme et l’attitude sereine surprirent Ed le  « white shark ». Jackals depuis maintenant quatre ans… il avait éliminé suffisamment d’entre eux pour les reconnaitre au premier coup d’œil. Et ce type malgré ses allures posées et son regard tranquille dégageait un je ne sais quoi d’inquiétant. Il avait vu le changement d’atmosphère des son entrée dans la pièce. C’était saisissant.

 

« Simple aubergiste ? Mon cul ! Mais t’as d’la chance… j’m’occupe en premier des jackals encore en activité et toi… t’es pas ma priorité actuelle. Tss… tu m’as l’air aussi dangereux qu’une jeune fille en fleur…

 

Nichol ne répondit pas. Ses sarcasmes ne l’atteignaient absolument pas.

 

« Avez-vous l’intention de causer du grabuge dans l’auberge ?

—    Nan… j’recherche un jackals…

—    Il n’y en a aucun à Arasma… Répliqua l’aubergiste.

—    Et toi t’es quoi ? Un enfant de chœur évadé d’son église ?

 

Nichol se pencha en avant pour fixer son interlocuteur droit dans les yeux. Aucune émotion particulière ne trahissait ses pensées et ça… ça agaçait Ed. L’enfoiré était maitre de lui.

 

« Arasma est une ville tranquille où il n’y a aucun problème…

—    C’est un nid à pourriture ! Toutes les plus grandes crapules s’y retrouvent…

—    Cicero City est certainement plus dangereuse que cette ville ! »

 

Un courant électrique passa entre les deux hommes. Ed commençait à en avoir assez de ce type, si sûr de lui. Personne ne le scrutait comme le faisait cet albinos. Il avait envie de lui rabattre le caquet. Mais l’attention qui était porté sur eux, le dérangeait. Il réglait toujours tout discrètement et apparemment l’aubergiste était apprécié.

 

« Je recherche Foa Requiem… Ça vous dit quelque chose ?

—    Rien ! »

 

Aucun des muscles du visage de Nichol ne bougea.

 

« Ça pourrait vous revenir réfléchissez bien… »

 

Ed posa une liasse de billets sur le comptoir. Nichol baissa son regard pour ensuite reporter son attention sur le type plutôt désagréable.

 

« Vous m’annoncez que vous allez me tuer d’ici quelques temps et je dois vous aider à retrouver un type que vous paraissez pressé de mener de vie à trépas… Ça m’assure une immunité ?

—    T’es un malin…

—    J’ai l’instinct de survie…

—    On comprend pourquoi t’es pas rester Jackals ! Alors t’as des informations ? »

 

Nichol se redressa et s’appuya contre la commode derrière lui. Il prit son temps pour répondre pour finalement répondre.

 

« J’l’connais pas ! »

 

Ed observa longuement sans rien dire l’aubergiste avant de se redresser à son tour. Il allait quitter les lieux, jusqu’à ce que la voix Nichol lui parvienne aux oreilles.

 

« Vous avez votre fric…

—    C’est pour le dérangement… ricana le Jackals… et puis, j’compte bien récupéré ma mise quand  j’te f’rai la peau ! »

 

Tous les clients observaient l’aubergiste qui lui fixait la porte. Rien dans son attitude ne montrait de la peur, alors que tous avait été saisit par la présence animale agressive du jackals. N’y aurait-il plus de « caveau » à Arasma d’ici quelques semaines ? Cette question tarauda la clientèle qui voyait d’un très mauvais œil l’arrivé de cet étranger. Pourtant Heyward repris son travail comme si rien ne s’était produit.

Chapitre 4

Le temps semblait horriblement long pour Godfrey. Il était inquiet mais, ne pouvait pas en parler à « Alligator Nichol ». Il était sûr qu’il comprendrait mais, il avait lui-même une « famille » à s’occuper. Et il ne pensait pas uniquement à sa fille mais, aussi à ses employés qui ne jurait que par leur patron. Un mois qu’ils se relayaient tous à son chevet et qu’ils le prenaient pour un gamin de cinq ans. Il aurait égorgé « Dixie l’ange de la mort » à plusieurs reprises… Ses menaces commençaient à lui peser.

 

Il s’était fait un ami d’Egan, le cuisinier taciturne. Cet homme était peu bavard et paraissait tellement froid du premier abord et pourtant... Il lui apportait son repas quand les autres étaient débordés. Taylor prenait le temps de discuter quelques minutes pour discuter des dernières rumeurs sur le « shark » qui sévissait encore dans la région.

 

Le seul qu’il ne voyait pas beaucoup finalement c’était Heyward. Il semblait particulièrement pris en fait… En un mois, il ne l’avait pratiquement pas côtoyé. Sauf une nuit de fièvre où il l’avait trouvé endormis sur une chaise à ses côtés. A moins qu’il l’eut rêvé ? Foa ne savait pas comment interpréter cet étrange sentiment qui l’envahissait. Déception ? Regret ? Il était juste certain qu’il s’agissait d’une notion approchante.

 

Gokhale Anjali passait régulièrement à son chevet également. Il lui changeait ses bandages et lui faisait la conversation. Ce dernier l’avait désapprouvé quand il avait tenté de se mettre debout et pour sa plus grande honte, il s’était fait prendre en flagrant délit par l’indien.

 

« Monsieur Nichol veille sur vous… » Son ton amicale était pire qu’un reproche. « Il prend beaucoup de précaution pour que personne ne remarque votre présence dans son auberge. Et tous les employés de cette auberge sont très discrets et font leur possible pour que votre convalescence se passe au mieux… Alors, faite un effort et ne leur donner pas de l’anxiété supplémentaire… Celui qui vous a fait cela est encore dans cette ville. Il est plutôt discret lui aussi…

—    Avez-vous prévenu Heyward ? Interrogea Godfrey inquiet malgré lui.

—    Non… Je ne pense pas qu’il est besoin de moi pour ce genre de détail. Dite-moi… Monsieur Heyward était un Jackals ? »

 

Foa leva la tête surpris par la question. C’était aussi évident pour lui, que le nez au milieu de la figure… Il se contenta d’hocher la tête.

 

« Quel était son nom ?

—    Personne ici n’est au courant ? S’étonna Godfrey.

 

Il grimaça lorsque le médecin serra les bandages autour de sa cage thoracique.

 

«  Non… personne ne sait qui était Monsieur Heyward. Nous ne sommes pas de la grande ville. Je voulais vous dire… » Repris le médecin avec un de ses ineffables sourires… « Vos côtes sont maintenant ressoudées et les douleurs que vous pouvez encore ressentir sont plutôt dû à vos cicatrices. Votre peau à cause de votre état de grande faiblesse… et ceci bien avant que vous n’échouiez chez monsieur Heyward, donc votre peau met plus de temps à trouver le chemin de la guérison et puis… vous avez plus de points de sutures que je n’ai jamais du en faire tout au long de ma carrière.

—    S’il ne vous l’a pas dit… je n’ai aucune raison de vous le donner. Et pour votre bien propre, éviter de vouloir le connaître. Quand à ma peau… » Soupira Foa en s’auscultant.

 

Le regard de Foa s’était fait intense lorsqu’il se reposa quelques secondes plus tard sur le médecin. Son aura s’était faite dangereuse en quelques secondes. Le jackals n’avait pas du tout apprécié la tonalité des questions et le regard en biais du médecin. Quelque chose chez lui l’avait mis mal à l’aise. Foa se calma brutalement lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit pour laisser place à Analan qui revenait de l’école. Son sac était toujours juché sur son épaule. Ses grands yeux brillèrent en se posant sur lui. Foa savait, même si l’adolescente ne s’en rendait pas compte, qu’elle tombait amoureuse de lui. Une des raisons majeures pour lesquels, il devait quitter cette auberge au plus vite !

 

« Monsieur Foa…

—    Analan…

—    Euh… » Bafouilla rougissante l’adolescente. 

 

Anjali s’était tourné souriant vers la jeune fille qui était restée clouée devant le seuil de la porte. Elle ne s’attendait pas à découvrir Foa assit à moitié nu.

 

—    Je vous demanderai de sortir Mademoiselle Heyward… Je pense qu’il serait judicieux de revenir un peu plus tard.

—    Oui… oui… »

 

Elle rebroussa chemin en rougissant. Foa se sentit soulagé. Il rencontra le regard aiguisé du médecin.

 

« Vous êtes un homme intelligent… Monsieur Foa… Vous savez…

—    Pourquoi croyez-vous que j’essaye de me rétablir au plus vite ? Je n’ai pas envie que Nichol me tombe dessus parce que ça fille est amoureuse de moi.

—    La plupart des hommes seraient tentés… C’est un joli brin de fille même pour la ville…

—    Elle est jolie mais, c’est une adolescente et… je… enfin… ce n’est pas pour moi, ce genre de relation ! »

 

Foa foudroya une nouvelle fois le médecin du regard. Il était à deux doigts de l’étrangler. Un coup à la porte les firent sursauter. Nichol entra un plateau dans les mains.

 

« Qu’est-il arrivé à Analan ?

—    Elle entre sans frapper… Répondit sèchement Foa.

—    Oh… je vois… »

 

Les yeux de Nichol s’attardèrent sur la silhouette enrubannée du jackals. Il se retint de sourire, après tout, elle avait du apprendre aussi à respecter son intimité. D’un mouvement rapide, il se déchargea de son plateau et allait quitter les lieux au plus grand énervement de Foa.

 

« Tu m’considères comme un pestiféré ? » Demanda t-il exaspéré.

 

Nichol s’arrêta devant la porte, surpris. Il jeta un coup d’œil au blessé et répondit d’une voix morne.

 

« Non… et je ne vois pas pourquoi tu me dis cela…

—    On dirait que tu m’évites ! »

 

Faisant demi-tour, Nichol se posta derrière Anjali qui terminait son bandage à la jambe de Foa. Le regard des deux jackals se mesurait. Au bout de quelques secondes, l’aubergiste demanda

 

« Je peux savoir ce qui t’as donné cette idée saugrenue en tête ?

—    Toi ! Tu es le seul à ne pas rester avec moi…

—    Je te manquerai ? » Sourit Nichol.

 

Foa fronça les sourcils. Il n’aimait pas du tout le tour de la conversation prenait. Et il avait l’impression de s’être mis dans une situation compromettante tout seul.  

 

« La ferme ! Tu sais très bien de quoi je veux parler !

 

Nichol reprit une attitude indéchiffrable et déclara sombrement

 

« Le dénommé White Schark est toujours à ta recherche. J’ai su qu’il tournait dans les villages alentour d’Arasma.

—    J’ai terminé Monsieur Heyward ! Fit soudain Anjali. Je souhaiterai me retirer.

—    Passe voir Egan… il a certainement quelque chose à te donner.

—    Il n’a vraiment pas besoin de me nourrir. J’ai su le faire ces dernières années et… je rembourse ma dette… »

 

Les deux hommes se dévisagèrent et Anjali soupira.

 

« Très bien Monsieur Heyward… je vais rejoindre Egan…

—    Sage décision… »

 

Le médecin salua les deux hommes respectueusement et quitta la pièce. Nichol observa le battant fermé pour se tourner à nouveau vers Foa qui lui, le dévisageait contrarié.

 

« Tu as l’air de te sentir mieux… apprécia-t-il.

—    Ton médecin fait des miracles mais, je dois partir !

—    Tout de suite ? S’étonna Nichol.

—    J’ai aussi une famille Heyward !

—    Oh… je… n’y avais pas songé. Bredouilla presque Nichol.

—    Vraiment ? »

 

Le regard de Foa devint plus sombre. Les épaules massives se crispèrent convulsivement arrachant des grimaces de douleurs à son propriétaire, même s’il ne s’en apercevait pas vraiment.

 

« Quelque chose te tracasse ? »

 

Foa refusait de regarder Nichol pourtant, il devait se résoudre à lui en parler tout au moins pour qu’il puisse reprendre la route rapidement.

 

« Je dois rentrer dans mon village rapidement.

—    Pourquoi ? S’étonna le jackals.

—    Parce que la vie de mon fils est en danger ! » Répliqua Foa.

 

Nichol accusa le coup. La gorge un peu sèche, il demanda.

 

« Tu ne les a pas mis en sécurité ?

—     Les ? Repris Foa surpris. Si tu veux parler de ma femme… elle est morte… il ne me reste plus que mon fils !

—    Je suis sincèrement désolé…

—    C’est White Shark qui l’a assassiné. »

 

Prenant une chaise au vol, Nichol s’assit assommé. Bien qu’il ne paraisse que consterner d’un regard extérieur, à l’intérieur son cœur tambourinait très rapidement. C’était un peu comme s’il retournait à une ancienne connexion, quelque chose qui le prenait aux trippes.

 

« Ecoute, je te supplierai pas ! Maugréa Foa. Cet imbécile, je l’ai éloigné de chez moi quand il m’a rattrapé pas très loin d’ici. Cet enfoiré est vraiment très fort et n’a aucune pitié. Il a éliminé… Sheryl alors que j’étais en mission.

—    Sheryl ? Sheryl Carter ?” Intérrogea Nichol incrédule.

 

Après un lourd silence, Godfrey repris calmement, il devait de toute façon affronter Nichol un jour ou l’autre pour cela.

 

« Oui… Comme elle n’avait pas de nouvelles de toi, elle a reconstruit sa vie. Et…

—    Elle l’a fait avec toi ? Ironisa l’ancien jackals.

—    Oui ! Au début… j’avoue que ça ne me mettait pas spécialement à l’aise, surtout que j’avais fox-silver sur le dos… »

 

Nichol était abasourdis, il continua d’écouter son interlocuteur curieux, finalement d’en apprendre un peu plus sur Cicero City après son départ. Jaloux aussi… mais, il n’avait pas son mot à dire, après tout, c’était lui qui s’était éclipsé de la vie de Sheryl.

 

« Enfin, nous nous sommes mis ensemble cinq ans après ton départ et… elle est morte, il y a un peu plus d’un an… Comme je vis en tant que Jackals, Fox avait fait son possible afin qu’ils ne soient pas découvert. Un jour Sheryl a laissé Aaron à Fox pendant qu’elle se rendait chez une de ses amies malades. Fox ne la revoyant pas revenir le soir même, est partie à sa recherche. Elle est morte découpée dans le caniveau par cette ordure de Shark ! Je l’ai cherché pour me venger… mais,…  j’ai échoué. Je m’en suis sortie de justesse. Merde ! » S’exclama Foa. «  Je suis l’un des meilleur jackals ! »

 

Un lourd silence avait envahit la pièce. Foa releva la tête et croisa le regard inexpressif de Nichol. Il reprit la mort dans l’âme.

 

« J’ai laissé Aaron avec Fox le temps que je puisse trouver une solution et me rétablir. Mais, j’ai appris que cet enfoiré tournait autour du magasin de Fox alors, je me suis jeté une nouvelle fois dans la gueule du loup. J’ai fait en sorte pour l’éloigner le plus possible de chez Fox mais, je ne suis pas sûr qu’il n’y retourne pas et je veux…

—    Dans ton état ? Coupa Nichol septique.

—    Je n’ai pas pu protéger mon fils et ma femme ! Tu comprends…

—    Dans ton état c’est impossible ! » Trancha Nichol. Son cerveau fonctionnait à toute allure. « Ecoute, je vais aller chercher Aaron et je me chargerai de trouver quelqu’un pour s’occuper de lui le temps que tu te rétablisses. Mon auberge est certainement une des mieux gardée dans ce pays.

—    Je ne doute pas des compétences de tes employés mais pourquoi ? »

 

Nichol leva les yeux vers Foa. L’attitude détachée tranchait avec la colère sourde qui se lisait derrière ses pupilles claires. La veine qui pulsait à la base du cou de l’aubergiste renseignait Foa sur son état d’énervement intérieur. Le jackals retrouvait peu à peu l’homme qu’il avait connu plus jeune, quelque part, cela le rassurait. Il n’était pas devenu une loque !

 

« J’ai besoin de te donner une raison ?

—    Je n’en vois aucune de valable…

—    Ce type à tuer Sheryl… Même si plus rien nous unissais… je l’ai… enfin… nous sortions ensemble… De plus, Shark vient me menacer chez moi ! Moi aussi, j’ai une fille et j’ai des amis… Le meilleur moyen pour nous de l’abattre, c’est d’avoir ceux que nous aimons au même endroit et de pouvoir veiller sur eux. Je ne serai pas serein comme tu l’es depuis que tu es hébergé chez moi…

—    Seras-tu en mesure de le battre ? Tu ne me dois rien non plus Heyward ! »

 

Nichol se leva et baissa un regard glacial sur le jackals blessé. L’aubergiste ne répondit pas et quitta la pièce sans un regard en arrière. Il devait partir et ressortir l’Alligator ! Il dévala les marches rapidement et se dirigea vers son bureau au rez-de-chaussée. Un frisson d’excitation le gagna. Il rampait dans son estomac se rependant par vagues à l’intérieur de son organisme. Il ferma la porte de son antre et se dirigea vers une armoire où du matériel était entreposé.

 

Il poussa le matériel. Et resta figer devant les deux battants. Le cœur cognant sauvagement dans sa poitrine. Il ouvrit les portes et Alligator apparu soigneusement posé contre les parois du meuble en bois. Le jackals attrapa son arme et se recula d’un geste violent latéral avec ce qui fut une autre partie de lui-même. L’arme blanche fendit l’air dans un sifflement acéré. Un cri stupéfait le retira de sa transe et il rencontra le regard ébahis et peureux d’Analan.

 

« Pa… pa…

—    Analan…

 

L’adolescente se tenait sur le pas de la porte, effrayé. Son regard ne quittait pas l’Alligator. L’arme démesurée brillait doucement sous les rayons du soleil. La lame en dent de scie, aussi grande que l’était son père ressemblait à une faux prête à faire son office.

 

« P… pourquoi ? Nous n’avons… Bégaya Analan hébétée.

—    Analan… je vais m’absenter… 

—    T’absenter ?... Pour où ? Combien de temps ? Et pourquoi tu tiens l’Alligator ? Tu m’avais dit que jamais tu ne le ressortirais ? Pourquoi ? Hurla presque à la fin la jeune fille, devant l’air fermé de son père.

—    Calme-toi ! »

 

Nichol traversa la pièce et enserra de son bras libre sa fille, comme pour s’excuser du ton sec qu’il avait employé.

 

« Analan… » Souffla tendrement le jackals en fermant les yeux.

 

Son alligator était planté dans le sol, tenu fermement par l’autre main du jackals. Son regard se brouilla. S’il ne redevenait pas un jackals… et cela rapidement, sa fille aussi allait mourir et tout ce qu’il avait patiemment construit toutes ses années. Et puis… Sheryl… Le regard de Nichol exprimait de la douleur. Mais, était-ce parce qu’il avait perdu Sheryl ? Ou parce que Sheryl avait reconstruit sa vie avec Foa ? Ou bien… de se rendre compte qu’il pouvait être totalement impuissant comme lorsque sa mère était morte pour sauver celle qui aurait d être sa femme ? Nichol ne savait plus…

 

Une nouvelle exclamation retentit derrière eux, et Nichol croisa le regarde Bella et Egan choqués.

 

« Nichol Alligator… c’était vous ? Chuchota d’une voix éteinte la rousse.

—    J’m’en doutais mais, de le voir… ça fait un choque ! Sourit le cuisinier.

—    Je vais vous demander de vous occuper de l’auberge durant mon absence. Elle va durer quelques jours.

—    Mais… mais… vous partez maintenant ? Interrogea estomaquée la matrone.

—    Certaine chose ne peuvent plus être repoussées ! Je vais revenir avec un enfant et… mon grand-père… s’il est toujours en vie.

—    N’y vas pas… papa… Supplia Analan.

—    Je suis obligé d’y aller Analan… Je t’expliquerai plus tard. J’ai besoin que tu me fasses confiance… Tu me fais confiance ? »

 

L’adolescente scruta le visage de son père et se contenta de hocher la tête. Nichol était déterminé plus que jamais à protéger sa fille. Même si elle ne le comprenait pas maintenant…  D’un mouvement exprimant toute son affection, Nichol embrassa le front de sa fille. Levant les yeux vers ses employés, il se contenta de les fixer longuement. Egan eut un petit sourire ironique et déclara avec une certaine lueur dans le regard.

 

« N’vous inquiétez pas patron… l’auberge est en de bonnes mains. Nous veillerons sur la petite. Pour les excuses, je me chargerai de répondre aux p’tit curieux.

—    Merci.

—    Pas d’ça patron ! S’exclama Bella. On sera prendre soin de tout le monde durant v’tre absence.

—    J’vais vous préparer un p’tit quelque chose pour la route. »  Marmonna Egan.

 

Profitant que Taylor quitte la pièce, Nichol se dirigea vers son bureau et tira ses papiers et une petite somme confortable qu’il gardait pour les coups durs. Analan vint le rejoindre.

 

« Tu n’en auras pas pour très longtemps ? Je veux dire… »

 

Le jackals leva les yeux sur sa fille et il lui répondit tranquillement.

 

« Quelques semaines. Il faut que… »

 

Ses yeux glissèrent sur l’Alligator toujours planté au milieu de la pièce. Un nouveau frémissement d’exaltation le prie aux trippes. Son regard s’enflamma. Un mouvement sur le côté le tira de sa rêverie pour rencontrer les yeux de sa fille ou l’inquiétude, s’était réveillé à nouveau. Nichol respira doucement et caressa les cheveux d’Analan. C’était bien la dernière personne à qui il voulait causer du souci.

 

« Tu as peur pour moi ?

—    Oui… tu ne t’es pas battu des années… depuis….

—    Que tu es entré dans ma vie.

—    Oui ! Et… je ne veux pas que tu t’éloignes, je ne veux pas que tu meures…

—    Analan… même si je ne me suis pas battu toutes ses années, j’ai toujours fait en sorte que ma condition physique  se maintienne au maximum de ses capacités. Pourquoi crois-tu que j’allais me baigner en pleine mer ? Que je vais chercher des troncs d’arbres dans la forêt pour ensuite les couper en buche ? Pourquoi crois-tu que je décharge les futs quel qu’il soit à la place de Douglas ? Toutes ses petites choses que tu m’as vu faire durant toutes ses années, elles n’étaient pas inutiles… J’ai toujours fait en sorte que si un jour une menace devait planer sur la maison, je puisse te protéger… toi mais, aussi tous les employés de cette auberge !

 

Des larmes coulèrent dans les yeux de la jeune fille. Elle posait un regard neuf sur son père. Analan revoyait son père torse nu, ses muscles saillants et couvert de transpiration lorsqu’il soulevait des troncs, coupait le bois, escaladant les parois des falaises et lui ramenant des fleurs inaccessibles. Ou son père aidant aux champs les fermiers voisins avec leurs immenses faux pour couper le foin. Jamais à aucun jour de sa vie Nichol n’avait abandonné un quelconque entrainement. Elle constata soudain que Nichol Heyward était aussi musclé que pouvait l’être le Jackals blessé à l’étage.

 

A cette pensée, elle maudit cet homme qui avait bouleversé leurs vies. Elle ne pu s’empêcher de murmurer.

 

« J’aurai souhaité qu’il ne vienne jamais !

 

Nichol arrêta de fouiller son tiroir pour observer sa fille.

 

« Tu parles de…

—    Monsieur Foa…

—    Que je soit venu ou pas… il serait arrivé ici malgré tout un jour ou l’autre ! »

 

La voix de Godfrey Foa fit sursauter le père et la fille. Bella apparut catastrophé aux côtés du Jackals.

 

« M’sieur Heyward… j’ai voulu l’en empêcher mais… mais…

—    C’est bon Bella… » Souffla Heyward en fixant droit dans les yeux le jackals. « S’il se tue se ne sera pas mon problème ! 

—    Foutaise ! Qu’est ce que tu comptes faire ?

—    Ramener Fox ici et ton fils…

—    Imbécile !

—    Si toi tu n’es pas capable de le battre, même si Fox à toujours été capable de se défendre, je ne donne pas cher de sa vie… et puis, si je ne m’en mêle pas… C’est lui qui choisira le jour et l’heure de ma mort ! »

 

Le regard du Jackals s’enflamma.

 

« Il en est hors de question ! »

 

Nichol ferma brutalement son tiroir et rangea dans sa veste ses papiers. Foa ne pouvait détacher son regard de l’albinos. Il dégageait à nouveau cette aura dangereuse qu’il exsudait lorsqu’il s’apprêtait au combat. Un frisson inexplicable le traversa. Foa était fasciné par le changement de personnalité de Nichol. Ses déplacements étaient coulés, la démarche féline, silencieuse et souple. La voix d’Analan le tira de sa contemplation.

 

« Papa… Tu feras attention ?

—    Je prendrai toutes les précautions nécessaire Analan… 

—    M’sieur Heyward… vous… vous… partez maintenant ?

—    Le temps de faire mes bagages Bella, de prendre la collation que m’a certainement préparé Egan…

—    J’vais vous sortir un sac… »

 

Sans attendre la matrone sortit de la pièce. Un silence s’abattit dans la pièce. Nichol observa Foa qui semblait hypnotisé par l’Alligator. Ses doigts caressaient le métal sensuellement. La gorge de l’aubergiste se serra. Il était envoûté par le spectacle. Un frisson le traversa comme si les doigts calleux et robustes de Foa l’effleuraient lui et non son arme.

 

Analan le tira de sa contemplation. Elle fixait son père les sourcils froncés.

 

« Papa… reviens vite…

—    Je ferai mon possible… »

 

Le regard de Nichol se posa à nouveau sur Foa, les doigts frôlaient maintenant le manche provoquant une réaction tout à fait inattendue chez Nichol. Il en rougit légèrement gêné par les réactions physiques déconcertantes dont il était l’objet. Son front se plissa et il déclara abruptement presque rudement à Foa.

 

« Comme tu es debout alors que cela t’es interdit… je suppose que tu as récupéré une partie de tes capacités ?

 

Un sourire moqueur s’inscrivit sur les lèvres de Foa qui maugréa.

 

« Je pense que je vais attendre encore quelques jours avant de dire « retrouver mes capacités »… Mais, je pense savoir ce que tu vas me demander. Je ferai mon maximum pour qu’ils ne leurs arrivent rien…

—    Je compte sur toi ! »

 

Leurs regards se croisa et à nouveau cette onde qui circulaient entre eux. L’estomac de Nichol se retourna pour une inexplicable raison. Foa observa le jackals devant lui. Se n’était pas son imagination… il était sûr d’avoir vu Nichol rougir. Et à nouveau cette sensation… qu’il n’a pas connu depuis Cheryl. S’était déconcertant de l’éprouver pour un homme. Certes, se n’était pas n’importe qui, de plus, il était incroyablement sexy et beau. Ses lèvres avaient toujours un ourlet charnu et le fait qu’il avait la bouche entrouverte lui donnait un air presque érotique.

 

Quel goût avait les baisers de Nichol ? C’était la première fois qu’il se posait cette question depuis la mort de sa femme. L’homme quittait la pièce rapidement comme s’il essayait d’échapper à son regard. Foa en était persuadé… le jackals était gêné ! Est-ce qu’il avait laissé ses pensées filtrées ? Il rencontra les yeux d’Analan qui semblaient interrogateurs.

 

A grandes enjambées, Nichol traversa sa maison troublé. Il força son esprit à se concentrer sur ce qu’il devait faire. Il était hors de question qu’il analyse ce qu’il avait entraperçut dans les yeux cafés. Bella lui avait posé un sac sur son lit et il entreposa quelques vêtements et il attrapa un poignard qu’il glissa sans sa botte. En voyant l’arme blanche Nichol, songea à l’Alligator. Il passerait quelques jours à apprivoiser à nouveau son arme, avant de rencontrer Fox à nouveau.

 

Une heure plus tard, après avoir serré contre lui une dernière fois sa fille, Nichol prit la route sans un regard en arrière. Et surtout pas, sur Foa avec ses yeux inquisiteurs. Et puis… il avait un requin à éliminer !

 

 

Chapitre 5

L’air du large entrait dans la petite chambre. Les effluves puissantes de l’iode dû au mauvais temps des derniers jours, s’étaient accrues. Au loin, Foa était capable d’entendre les ressacs des vagues contre les rochers. Il jeta un bref coup d’œil sur la mer et apprécia le spectacle des arbres de la forêt non loin secoué par les remous de l’air, tout aussi agité que le large.

 

Une semaine qu’Heyward avait quitté l’auberge. Une semaine qu’il marchait à nouveau… enfin, il tenait debout et commençait doucement à pouvoir se déplacer grâce aux cannes que lui avait fournit Gokhale. Le jour où il avait rejoint Nichol sans aide, il s’était sérieusement ré-ouvert certaines blessures. Mais, il ne supportait plus cette immobilité.  L’indien vérifiait sans cesse ses plaies et avait finalement accordé le fait, qu’il était bien sur la voie de guérison malgré son effervescence.

 

Le fait qu’il puisse se lever et se mouvoir permettait de décharger Bella, Ferdesbee et Taylor. Analan faisait de son mieux  pour seconder les employés mais, même si elle ne se plaignait pas, l’adolescente n’était pas faite pour se genre d’endroit. Elle savait se défendre verbalement et il se doutait que Nichol avait dû lui apprendre les rudiments du combat… mais, son regard tantôt rêveur, tantôt espiègle, son allure joyeuse voir enthousiaste souvent ne la destinait pas à être la fille d’un aubergiste… enfin plutôt à « ce genre » d’auberge.

 

Lui, s’y sentait comme un poisson dans l’eau. Même s’il n’allait pas en salle, c’était un bonheur de discuter avec le cuisinier qui se présentait toujours sur le coup de dix heure trente. L’homme avait un passé intéressant, il en était sûr mais, le fait qu’Analan traine souvent dans les parages n’invitaient pas les deux hommes à s’étendre sur certains sujets.

 

Foa descendit les marches et se trouva nez à nez avec Bella.

 

« Monsieur Foa…  vous devriez rester en haut. »

 

La mine sombre de Dixie l’ange de la mort, alerta le jackals. La rousse reprit préoccupée.

 

« L’autre jackals est en salle… »

 

Le cœur de Godfrey s’accéléra. Il était encore ici ? Quoiqu’il préfère savoir Shark ici que sur les routes qui l’emmènerait à Cicero City. Sa mine était maintenant aussi sombre que celle de la femme de ménage.

 

« J’ai fait évacuer Analan. Elle est auprès d’Egan. J’vais retourner en salle, j’voulais simplement vous prévenir. Vous n’êtes pas encore rétablis et nous… on sait  s’battre mais, un jackals… enfin vous comprenez. On n’fera pas le poids. Alors, autant qu’il ne soupçonne pas que l’patron vous garde ici. 

—    Fidersbee ? S’inquiéta Foa.

—    Oh… il a l’habitude de baratiner et même s’il transpire beaucoup en ce moment, il n’vendra pas la mèche. »

 

Sans ajouter une autre parole, Bella regagna la salle un sourire avenant accroché aux lèvres. Foa attendit que la femme soit retourne en salle pour s’approcher à son tour. Son oreille se tendit pour écouter et éprouver l’ambiance du bar. Il regretta qu’il ne puisse y avoir une sorte de juda lui permettant d’épier ce qui se tramait. Pourquoi Heyward n’y avait jamais songé ? Le Jackals fit basculer sa tête sur le côté, alors qu’il prenait appui contre le mur pour soulager les tiraillements qui l’assaillaient.

 

Il ne semblait pas y avoir de vagues mais, pour combien de temps. Shark était du genre à chercher les embrouilles… les provoqués pour pouvoir débusquer ses proies. Quelle chance avait-il ? Actuellement aucune et ce constat lui fit serrer la mâchoire un peu plus. Il songea brutalement à Nichol qui était émoussé. Même s’il s’entrainait, l’ancien jackals avait abandonné durant trop longtemps le combat pour le reprendre et avoir une chance de s’en sortir vivant. Lui-même au meilleur de sa forme n’avait pas réussit à abattre l’enfoiré qu’était ce putain d’albinos.

 

La voix d’Egan lui parvint. Il ne prit pas la peine de se tourner vers le cuisinier

 

« Shark ne fera rien… Cessez de vous tracasser et aller vous reposer. Vous nous serez plus utile en forme qu’à la traine, parce que vous n’êtes pas fichu de vous occuper de vous-même.

—    S’il arrivait quelque chose…

—    Vous ferez quoi… sans vous vexer ? »

 

Surpris, Geodfrey considéra son interlocuteur qui s’allumait une cigarette nonchalamment. Son regard d’obsidienne se posa sur lui.

 

« Ne le prenez pas mal… pour l’instant nous ne craignons rien ! Il y a trop de clients en salle et votre ami, risque de gros problèmes dans le coin. Bien plus, que vous ne pouvez l’imaginer d’ailleurs. Et puis, personne dans cette ville ne laissera saccager le caveau.

—    Pourquoi ? Parce que Heayward en est le patron ? C’est une sorte d’épouvantail ? Il ne combat plus depuis des lustres… Ironisa Geodfrey.

—    M’sieur Heyward est respecté ici, même si vous considérez ce fait comme négligeable. Et puis… c’est le garde-fou de notre agglomération. Les petites affaires de la ville et des alentours se règlent ici. Beaucoup verrait d’un très mauvais œil que l’on puisse troubler la paix relative du lieu… voyez-vous… » Taylor tira une longue bouffée sur sa cigarette, pour la rejeter au-dessus de sa tête.

 

Un fin sourire étira les lèvres minces du cuisinier. Il se gratta la tête négligemment et fit un mouvement comme pour faire demi-tour.

 

« Vous savez Arasma est une plaque tournante, pour certains trafiques. Ne croyez surtout pas qu’il n’y ait que des braves gens qui habitent notre petite communauté… Bref, ayez un peu confiance. M’sieur Heyward n’aurait pas laissé Analan ici, s’il n’était pas tranquille. Bon… j’retourne en cuisine… »

 

Sans ajouter une parole, le cuisinier retourna à ses fourneaux. Foa s’aperçut brutalement qu’il transpirait abondamment. Il sentit quelque chose de poisseux sous son vêtement. Baissant les  yeux, il vit qu’une de ses blessures s’était à nouveau ouverte. Il jura entre ses dents. Il attrapa ses béquilles et se décida à devenir raisonnable malgré la souffrance qui engourdissait ses membres… ou surtout parce qu’elle s’installait.

 

°°0°0°°

 

Nichol avait suivit la côte un petit moment. Il profitait de cette sortie pour reprendre contact avec lui-même… ou plutôt son instinct de survie. C’est avec une certaine hargne qu’il se remit à utiliser l’Alligator. Le visage de Sheryl lui revenant régulièrement en tête. Ses souvenirs se bousculaient comme un torrent dont, il était incapable d’arrêter le flot. Quelle expression avait-elle au moment de mourir ? La même que lorsque Shao Ji Wen l’avait tenu sous ses anneaux ? Avait-elle les mêmes larmes qu’elle versée lorsque sa mère s’était servit de son corps pour la protéger ? Où n’avait-elle pas eu le temps de voir la mort venir ? Quel type de tueur était Shark ?

 

Toutes ses questions sans réponse le mettaient hors de lui. Il devait garder la tête froide mais, il avait quelque mal à se calmer… et puis… Sheryl avait eu un fils avec Foa ! Il ne savait pas pourquoi mais, cela l’énervait. Pourtant, entre son ancienne fiancée et lui, tous les contacts avaient été rompus, alors pourquoi se sentait-il si mal ? Pour compenser son malaise, Nichol s’acharna sur son entrainement au point de ne plus pouvoir sentir son corps.

 

Il traversa la campagne discrètement pour retrouver Cicero city, tout en reprenant peu à peu le contrôle de l’Alligator. Pour son bien propre, Nichol avait repoussé tout ce qui n’était pas sa mission autrement dit ramenée Fox Silver chez lui. Lorsqu’il arriva en ville, il se déplaça la nuit plus propice au déplacement furtif.

 

A sa surprise, Nichol n’avait rien oublié de Cicero City. Quelques raclures de petites envergures voulurent l’arrêter dans les baffons de la ville, le jackals s’en débarrassa sans effort, sans toutefois utiliser l’Alligator. Il n’avait pas envie d’avoir les flics à ses trousses.

 

Lorsqu’il arriva devant le Blade House. La couverture de son grand-père. Sans hésitation, il entra dans le magasin. Il savait que les activités nocturnes de son Fox n’avait pas cessé. Ce dernier sortit de la réserve et s’arrêta sur le seuil de la porte. Ses lunettes rondes fumées glissèrent sur son nez.

 

« Nichol… c’est bien toi ? »

 

L’ancien Jackals était stupéfait, ou plutôt cloué au sol. Foudroyé comme s’il rencontrait un fantôme.

 

« Fox… je viens te chercher ainsi qu’Aaron… »

 

Son grand-père se ressaisit et remonta ses lunettes. Il agissait comme s’ils s’étaient vu la veille pour la dernière fois.

 

« Tu es au courant pour Aaron ? 

—    Foa se rétablit actuellement chez moi… je viens vous chercher.

—    Que fait Foa chez toi ? Vous ne vous êtes pas entre-tuer ? S’étonna Fox.

—    Non… Schark l’a démolit et je le soigne tant qu’il ne peut pas le faire lui-même.

—    Schark ? »

 

L’ancien Jackals fronça les sourcils. Il semblait réfléchir intensément. Puis, comme s’il se rendait compte d’une inconvenance, il déclara

 

« Rentre… ne reste pas dans le magasin, au cas où une rencontre inopportune aurait lieu. »

 

Nichol traversa la pièce et passa devant Fox. Il n’adressa pas un regard vers ce dernier. Fox observa l’homme qu’était devenu son petit-fils. Il avait sans conteste murit. Mais, il avait des doutes sur ses aptitudes à se défendre… quoiqu’il exsudait de lui, une aura écrasante lorsqu’il était proche. Le regard intense qu’il rencontra le stupéfia.

 

« Donc… tu veux nous faire aller là, où est installé Shark actuellement ?

—    Oui !

—    Tu es fou ?

—    Non… j’estime que vous seriez plus en sécurité et moi j’aurais l’esprit plus tranquille…

—    Pourquoi ne viens-tu pas vivre ici…

—    Parce que j’ai mon auberge, des amis… et ma fille à toutes ses amies là où je vis… Quoiqu’elle est prévue de venir faire ses études à Cicero city.

—    Ta fille ?

—    Analan… je l’ai adopté à la mort de ses parents. Elle a presque quinze ans maintenant…

—    Oh… et tu es père depuis combien de temps ?

—    Presque depuis le temps où j’ai quitté la ville…

—    Je vois…

—    Nous sommes plusieurs à savoir manier les armes et le village où je vis sera prêt à nous soutenir…

—    Tu habites où sans indiscrétion ?

—    Arasma… »

 

Fox haussa les sourcils surpris.

 

« C’est un coupe gorge aussi là-bas !

—    Je ne me pleins pas… je mène une vie tranquille. Enfin, un peu moins depuis que Foa est rentré dans ma vie… mais, peu importe. De toute façon, Shark m’a clairement menacé et je n’ai pas l’intention de me laisser faire…

—    Je vois… »

 

Fox se gratta le menton.

 

« Tu comptes vouloir partir quand ?

—    Demain à la tombée de la nuit…

—    C’est court…

—    J’ai une fille et une auberge avec son personnel à protéger…

—    Et Foa… »

 

Nichol leva les yeux surpris vers son grand-père. Un sourire rêveur flottait sur ses lèvres. Heyward observa Fox, puis haussa les épaules.

 

« En attendant… j’aimerai… enfin, j’aimerai voir… »

 

Nichol eut du mal à terminer sa phrase.

 

« Voir Aaron ? 

—    Oui… 

—    Suis-moi. »

 

En silence les deux hommes se déplacèrent vers l’étage de la boutique. Dans l’ancienne chambre qui fut la sienne, Nichol vit un petit lit dans lequel reposait une petite forme. Il dépassa son grand-père intrigué, curieux de voir l’enfant de… Cheryl.

 

L’enfant qui reposait devait avoir dans les quatre ans tout au plus. La tête brune ressemblait clairement à Foa. Le tintement de la sonnette du magasin alerta les deux hommes. Fox chuchota

 

« Je reviens… ne bouge pas ! »

 

Nichols hocha la tête. Fox quitta la pièce. Silencieusement, Heyward se plaça devant la fenêtre et se servit des replis des doubles rideaux pour examiner la rue. L’adrénaline était montée brutalement en lui. Il reconnaissait la sensation qui s’immisçait par tous les pores de sa peau. Elle lui avait manqué, comme la drogue dont on été sevré abruptement. Elle l’étourdissait.

 

Il constata qu’il s’agissait de la police. Il plissa les yeux pour reconnaitre les visages plus bas, mais il ne lui disait rien. Heyward se recula. Il s’aperçut que ses mains tremblaient. Ses instincts meurtriers étaient remontés avec violence en lui. Nichol pensait qu’il avait perdu cette part sombre de lui-même. Mais, il n’en était rien. Les paroles de sa mère lui remontait à la mémoire. Le combat agissait tel un stupéfiant…

 

Quelques minutes plus tard, Fox lui fit un signe pour le suivre. Nichol jeta un dernier coup d’œil sur le lit et se dirigea vers son grand-père.

 

« Ce n’était rien… je vais préparer mes affaires tout à l’heure. Mais, je suppose que tu as faim et que tu souhaiterais te reposer ? 

—    Oui… j’ai profité du voyage pour m’entrainer et j’ai peu mangé…

—    Suis-moi… »

 

Nichol marcha discrètement derrière son grand-père, tellement d’ailleurs que ce dernier se sentait mal à l’aise. Son petit-fils était réellement dangereux, et croire qu’il avait perdu de sa vélocité serait une impardonnable erreur.

 

°°0o0°°

 

Analan marchait d’un bon pas pour se rendre en ville. Non pas de sa démarche joyeuse, mais plutôt celui d’une future victime. Son regard ne cessait de fouiller les buissons et ce qui l’entourait. Rien. L’adolescente s’arrêta brutalement. Son cœur battait tellement fort qu’elle cru qu’elle allait mourir sous le coup de l’émotion.

 

Une fine pellicule de transpiration froide et acide recouvrait son corps. Elle avait vraiment la sensation d’être une morte en sursit. Son corps se mit à trembler sans qu’elle ne sache pourquoi. Elle jeta un coup d’œil dans la direction de la mer. Cette dernière luisait doucement sous le faible soleil de ce jour de traine. L’étendu d’eau était agitée. Quelque part, cela lui donna un peu de force.

 

Elle se tourna résolument vers son possible ennemi qui se cachait pour la suivre. Analan prit une attitude nettement agressive. Enfin, elle l’espérait surtout. La jeune fille rassemblait tous les conseils que lui avait prodigués son père. Elle se détourna et repris sa route. Qui la talonnait ? Elle n’en avait aucune idée.

 

Sa foulée se voulait nonchalante, pourtant Analan sentait les muscles de son corps se crisper et le crissement qu’elle entendit derrière elle, la fit se retourner brutalement. Elle était prête à tuer son futur agresseur. Elle voulu reprendre son chemin et se heurta à une poitrine masculine. Elle hurla et tomba à la renverse. Une main secourable la retint avant qu’elle n’atteigne le sol. La voix de Niu Guo raisonna à ses oreilles inquiètes.

 

« Qu’est-ce qu’il t’arrive Analan ? »

 

Surprise elle croisa, le regard… borgne de Guo. Elle blêmit. C’était elle la responsable ? Pourtant, au lieu de s’emporter après le pirate, elle se jeta contre sa poitrine rassurée de voir un visage « amical » dans cette étendu désertique.

 

Guo se raidit. C’était quoi se comportement ? Qu’arrivait-il à la fille de Nichol ? Analan ne tremblait devant personne et ne s’autorisait certainement pas ce genre d’effusion... Leur dernières rencontre était d’ailleurs encore douloureuse pour lui aussi bien dans son orgueil et dans son corps.

 

« Je peux savoir à quoi tu joues ?

—    Je suis si contente de te voir Guo…

—    C’est nouveau… » Le pirate haussa un sourcil inquisiteur. « Je peux savoir pourquoi tu es aussi effrayée ?

—    Quelqu’un me suit… je… je n’ai jamais eut aussi peur de ma vie… »

 

Le pirate se gratta le sommet de sa tête et observa les alentours. Même s’il gardait une attitude décontracter, l’ancien jackals qu’il était ressentait lui aussi cette aura meurtrière. Il était stupéfait qu’Analan puisse la sentir avec une telle acuité. Quoique non ! Pour lui avoir mis la raclée qu’il avait eut… cette fille était digne de devenir un jackals.

 

Il soupira et repris la parole légèrement ennuyée.

 

« Je devais aller au caveau… j’voulais boire un verre… Je veux bien t’accompagner jusqu’en ville, mais ça te coutera une tournée la prochaine fois qu’on se croise à l’auberge de ton père.

—    Rien que cela ? S’étonna malgré sa frayeur l’adolescente.

—    Tu espérais autre chose ? Sourit Guo ironique.

—    Non… et n’espère pas, où je te crève l’autre œil !

—    Euh… non, je le garde. »

 

Niu se mit en route sans attendre l’adolescente qui se lança sur ses traces. Elle l’interrogea la voix légèrement frémissante.

 

« Pourquoi tu me protèges alors que j’ai faillit te tuer ?

—    Tuer ? N’exagère pas petite ! Ricana l’asiatique content de marcher au côté de l’adolescente.

—    Mais, je t’ai crevé un œil ! Protesta la  jeune fille.

—    En fait… j’ai plus de succès auprès des femmes… si j’avais su, fit songeur le pirate, je me le serais crevé plus tôt tout seul… »

 

Analan jeta un regard stupéfait vers son interlocuteur. Elle observa sa haute physionomie. Et pour la première fois, elle constata combien il était beau. Le bandeau sur l’œil lui enlevait cet espère d’innocence dû à son jeune âge qui le caractérisait jusqu’à présent. Elle déglutit… Niu Guo était à tomber.

 

« Tu vois… même toi tu ne trouves rien à dire…

—    Tu es stupide surtout…

—    Ne soit pas si condescendante.

—    Je… quel est le crétin qui trouverait sexy de se crever un œil ? Et surtout, tu aides celle qui as faillit te tuer… et ne nie pas !

—    Parce que je t’aime ! Répondit sincèrement le pirate.

—    Hein ?

—    Je te l’ai déjà dit pourtant…

—    T’es plus bête que je ne le pensais…

—    Je saurais attendre que tu deviennes une femme…

—    Mais oui, mais oui… »

 

Analan agita sa main devant elle, et jeta un regard dubitatif vers le ciel. La suffisance de Guo l’exaspérait. Qu’il aille au diable… pourtant, elle lui était reconnaissante en cet instant. Elle frissonna sentant encore sur elle ce foutu regard meurtrier. Niu le remarqua, mais ne dit rien. Il avait bien perçut les petits roulements de pierres derrière eux durant leur conversation. Il ne laisserait personne toucher à Analan. La petite lui appartenait et il ne plaisantait pas quand il affirmait attendre qu’elle soit plus vieille pour la prendre pour femme.

 

Quoique… y’avait le problème Heyward. Il soupira. Son regard se reporta sur la beauté qui marchait à ses côtés. Ses extraordinaires capacités au combat pourraient lui servir aussi. Il n’avait cessé d’y songer. Un couple qui sèmerait la terreur sur les mers ! Il reprit d’un ton badin pour ne pas éveiller les soupçons de leurs poursuivants.

 

« Je suis un bon partit…. J’ai de l’argent, une situation…

—    Tu es un pirate Niu Guo !

—    Et alors ?

—    T’es définitivement un crétin !

—    Tu as des projets d’avenir ?

—    Bien sûr ! Je veux devenir médecin… »

 

Guo réfléchit quelques instants et répondit brutalement

 

« Ok… tu fais tes études et après, tu deviens le médecin de mon bateau…

—    Je ne suis pas le médecin d’un seul bateau…

—    Attend un peu avant que je puisse avoir une flotte à mes ordres… » Grommela le pirate.

—    Arrête de raconter n’importe quoi !

—    N’empêche que tu te sens mieux… avoue !

 

Surprise, elle se tourna vers le pirate qui l’observait bienveillant. Elle ne pu s’empêcher de lui rendre son sourire.

 

« Je dirai à papa qu’il t’offre à toi et ton équipage une tournée…

—    Ce n’est pas tombé à l’oreille d’un sourd, tu sais… 

—    Je me doute. Merci… de ton aide. »

 

Guo secoua sa tête et ses longs cheveux ébène caressèrent ses reins.

 

« Disparait avant que ce ne soit moi qui t’agresse à nouveau. 

—    Imbécile ! »

 

Et Analan se mit à courir vers l’entrée de la ville. Elle se tourna une dernière voir vers Guo, mais l’asiatique s’était détourné et grimpait à nouveau le chemin qui remontait au Caveau. Etait-il réellement sérieux lorsqu’il disait vouloir l’épouser ? Elle songea à son père et un fin sourire éclaira ses traits. Avant qu’il ne puisse lui poser la main dessus, Nichol l’aurait transformé en copeaux humain.

 

°°0o0°°

 

Il faisait nuit noire, lorsque Fox, Aaron entrèrent dans le bureau de Nichol. Ce dernier inspectait son auberge avant de rentrer à son tour. Le regard de l’ancien jackals inspecta la pièce dans lequel il était. Un léger raclement l’avertis que Nichol pénétrait lui aussi dans le bureau.

 

« Suis-moi… Fidersbee doit-être encore ici ou Bella…

—    Foa…

—    Attend… je ne sais pas si… »

 

La porte s’ouvrit et Godfrey s’arrêta sur le seuil. Le seul regard qu’il accorda fut pour son fils. Il traversa rapidement la pièce et prit avec précaution le petit bonhomme endormis des bras de Fox, qu’il remercia d’une voix enrouée.

 

« Je suis content de voir que tu ailles mieux… Commenta Fox.

—    J’ai presque finit de récupérer complètement toutes mes forces. Répliqua tranquillement Requiem Foa.

—    Je vois cela… »

 

Agacé d’être ignoré, Nichol quitta la pièce et se dirigea vers la cuisine. Fidersbee sourit chaleureusement en le voyant.

 

« Bon sang Monsieur Heyward, j’ai cru voir un fantôme… j’ch’suis bien content de vous revoir.

—    Il n’y a pas eu de problème durant mon absence ?

—    Oh…. White Shark nous a causé quelques soucis. Mais, dans l’ensemble ça a été monsieur Heyward. Vous avez faim ?

—    Oui… et préparer à manger pour mon grand-père également, et… on a de quoi pour un bébé ?

—    Bella y a pensé ! Elle a préparé un lit pour le petit dans la chambre de son père. J’en ai profité pour aménager le débarras du fond pour votre grand-père. C’est rustique… mais, il aura pas froid.

—    Merci Fidersbee… Et Analan ?

—    Elle va bien… Vous lui manquez, c’est sûr. »

 

Le visage de Nichol s’adoucit. Il aimait beaucoup sa fille. A lui aussi, elle lui avait manqué.

 

« Elle dort ?

—    Oui… elle paraît épuisée ces derniers temps. Peut-être qu’elle a plus de devoirs qu’avant. Elle ne parle pas beaucoup de c’qu’elle fait.

—    Je la verrai demain…

—    Ça lui fera une bonne surprise. »

 

L’employé se détourna et se mit devant les fourneaux.

 

« Egan aussi s’ra content de vous revoir… et Bella j’ose même pas imaginer sa réaction… »

 

Heyward sourit. Il se sentait chez lui ! Un accueil chaleureux et l’impression d’être attendu. L’aubergiste se retourna et croisa le regard de Fox et de Foa.

 

« Fidersbee va te préparer de quoi manger grand-père…

—    Grand-père ?

—    Je voudrai… qu’on ignore que Fox Silver se trouve dans mes murs…

—    Je ne suis pas aussi connu.

—    Détrompe-toi… ici,

—    Ici vous êtes dans un coin », coupa Fidersbee avec fierté, « ou beaucoup d’anciens jackals ou d’anciens malfrats ou coupe gorge de tout bords viennent se ressourcer, alors on est plutôt bien au courant… quoique l’patron nous a bien caché son jeu. » Fit assez hardiment Fidersbee en s’agitant devant ses fourneaux.

 

Nichol se détourna et sortit de la cuisine, sous le regard de Fox… et Foa. Il n’avait pas envie de rester dans l’office. En fait, il se sentait mal à l’aise à présent pour il ne savait quelle raison. Il se dirigea vers sa chambre, il avait besoin de se rafraichir.

 

Fidersbee fut indifférent au comportement de son patron, il avait l’habitude de sa conduite. C’était un solitaire qui avait appris à vivre en communauté. Quoique c’était un bien grand mot.  Mais, il était sûr que Nichol appréciait les moments qu’il passait avec ses employés et sa fille.  D’une main assurée, il attrapa les assiettes, bols et couverts et dressa la table.

 

« Asseyez-vous, n’ayez pas peur…

—    Je n’ai pas peur… » sourit Fox

 

Il s’installa sur une chaise et apprécia l’odeur appétissante qui s’échappait des fourneaux. Un bol de soupe épaisse fut servit, accompagné de pain et de beurre. Un morceau de tourte terminait le repas.

 

« Suis-je le seul à manger ?

—    Nous ne savions pas que vous rentreriez ce soir, j’ai déjà prit mon dîner. » Répliqua Foa.

 

Ce dernier avait l’esprit un peu ailleurs. En fait, même s’il couvait son fils du regard, il avait vu l’éclat métallique dans les yeux de Nichol. Quelque chose dans son attitude l’agaçait encore. Avec Fidersbee, il était aimable… voir chaleureux. Quand il était en sa compagnie, l’aubergiste se raidissait. Ce n’était pas qu’une illusion. Le regard froid et en biais qu’il lui avait jeté avant de quitter la cuisine l’avait énervé. Pourquoi se comportait-il comme cela avec lui ? C’était Nichol qui avait suggéré de rester dans la même demeure.

 

Aaron chouina dans son sommeil et Foa reporta son attention sur l’enfant. Fidersbee revint vers lui avec un biberon de lait.

 

« J’ai préparé cela au cas où… Je ne suis pas doué avec la nourriture pour les gosses… c’est toujours Egan qui préparait les repas d’Analan. » Fit avec affection cette armoire courte sur pate. Son visage était tout attendrit, penché sur l’enfant comme s’il s’était agit du sien.

 

Godfrey eut un petit sourire. Cette impression chaleureuse, il l’appréciait. Quelque part, cela lui rappelais la présence de Cheryl. Avoir un foyer. Les doigts calleux caressèrent avec amour le visage de son fils. Ce dernier ouvrit les yeux et protesta. Pourtant, un sourire remplaça bien vite les larmes qui perlaient déjà aux coins de ses yeux. Visiblement Aaron était ravi.

 

« Papa… 

—    Tu vas bien mon grand ?

—    Oui… j’ai voyagé avec grand-père et… et… son petit-fils. »

 

Aaron se redressa sur les genoux de son père. Visiblement, il ne savait pas de quelle manière caser Nichol Heyward. Foa repoussa quelques mèches de sa frange trop longue.

 

« Tu n’as pas eu peur ?

—    Grand-père était là… » Sourit Aaron comme s’il s’agissait de la meilleure protection dont il puisse avoir besoin.

—    Vos chambres sont prêtes, vous allez pouvoir vous reposer. » Déclara Fidersbee.

 

L’employé se rapprocha d’Aaron qui lui se colla contre la poitrine de son père. Il fronça les sourcils alors que le visage bienveillant de l’aubergiste se rapprochait du sien.

 

« Je m’présente… Je suis Fidersbee Terence. Et je suis l’employé à Monsieur Heyward….

—    …

—    Ah t’inquiète pas… ici y’a que des gens qui seront ravis de s’occuper de toi… surtout Bella. Elle adore les gamins. »

 

Fidersbee se tourna vers Fox Silver qui terminait tranquillement sa tourte.

 

« Vraiment excellent… 

—    Merci Monsieur Heyward…

—    Appelez-moi fox

—    Hum… » Fit Fidersbee qui se raclait la gorge. « Je me contenterai de Monsieur Heyward… Fox Silver est assez connu comme nom et le patron à dit qu’il vous appelait grand-père. Alors, je vais suivre ses recommandations.

—    Vous savez vous exprimer correctement lorsque vous le voulez Fidersbee… et vous êtes fidèle à mon petit-fils…

—    Ça c’est quelque chose dont vous devriez vous souvenir Monsieur, sans être impoli… et oui, j’ai fait des études… mais, j’préfère que l’on considère comme un demeuré. Les gens sont moins méfiants et sont plus conciliants avec nous.»

 

Fidersbee se dirigea vers le fond de la cuisine et s’étira.

 

« Bon, je vais y aller, ma famille m’attend. Monsieur Heyward…

 

La porte s’ouvrit et Nichol apparu sur le seuil. Ce dernier s’était changé et habillé de manière plus décontracté.

 

« Ah M’sieur Heyward, j’ai mit votre repas sur le coin du feu et… je disais que je rentrais à la maison. Ma femme doit m’attendre.

—    Merci… à demain Fidersbee…

—    A demain Monsieur Heyward. Y’a plus personne en salle depuis longtemps… pour vous avertir.»

 

L’employé quitta la cuisine par la porte de service. Nichol se dirigea vers la cuisinière et prit son assiette. Il s’installa en face de son grand-père.

 

« Tes employés sont au petit soin…

—    Ils font leur travail… répliqua Nichol en avalant ensuite sa première bouchée.

—    Asserti de menaces voilées ?

—    Ah… » Fit Nichol en rencontrant le regard de Fox. « Disons que nous formons comme une famille et que s’ils sentent un éventuel danger, ils préfèrent mieux prévenir que guérir…

—    Je vois… »

 

Nichol continua de manger. Puis, il releva la tête pour affronter le regard noir de Foa qui ne le quittait pas depuis qu’il était entré dans la cuisine.

 

« Si tu veux… tu peux installer ton fils… je suis sûr qu’il est fatigué.

—    Un moyen de te débarrasser de moi ? Ironisa ce dernier.

—    Ne raconte pas n’importe quoi. »

 

Nichol avait une drôle de sensation logée dans le creux de son estomac. Il se replongea dans son repas. Aaron terminait son bol et le reposa sur la table.

 

« Papa… j’voudrai dormir…

—    Viens… on va dormir dans la même chambre.

—    C’est vrai ?

—    Oui… je vous souhaite une bonne soirée. » Lança à la cantonade le jackals avant de quitter la pièce.

 

Nichol les salua presque indifférent et se termina sa tourte.

 

« Tu me surprends… Commença Fox en sortant un cigare de sa poche.

—    En quoi ?

—    Il te plaît ? »

 

Nichol s’étouffa avec son morceau de tourte. Il se porta un coup à la poitrine et lança un regard polaire à son grand-père.

 

« Qu’est-ce qui te prend de sortir des trucs pareils ?

—    La tension qu’il y a entre vous… » Fit songeur Fox, avant d’hausser les épaules. « Après tout, cela ne me regarde pas. 

—    Ne t’amuse pas à me ressortir ce genre de réflexion… » Puis reprenant un ton plus amical. « Je vais te conduire à ta chambre… Elle n’est pas grande, et le confort est minimum. Mais, Fidersbee a fait aussi vite qu’il a pu.

—    Du moment qu’un lit m’attend, le reste m’importe peu.

—    Viens… »

 

Nichol quitta la pièce suivit de Fox. Un sourire étirait les lèvres de l’ancien Jackals. La vie à l’auberge allait être très intéressante durant les jours à venir. Apparemment Foa avait l’air de très bien s’accommoder de ses attirances, contrairement à Nichol. Il avait bien vu le regard de Godfrey qui s’attardait sur la silhouette de son petit-fils. Il n’avait rien d’innocent. Et apparemment, Nichol s’en était aperçut inconsciemment. Il élevait des barrières entre eux.

 

Ah les jeunes… songea Fox. Il aurait peut-être dû être choqué ? En fait, il s’en moquait de toutes ses choses. Il était heureux de pouvoir parler à Nichol à nouveau. Lorsqu’il l’avait vu sur le pas de la porte, son cœur avait faillit lâcher. Il avait cru à ses nombreuses illusions qui avaient émaillés les presque onze d’absence de Nichol.

 

Ce dernier ouvrit doucement une porte.

 

« Voilà… ici c’est ton antre… »

 

Nichol s’effaça et laissa son grand-père entrer dans la pièce. Fox vit son bagage posé à côté du lit. La pièce n’était pas grande. Juste assez pour poser un lit, une commode et une chaise faisant office de table de chevet. Il pouvait faire quelques pas tout de même… Et la fenêtre n’était pas bien grande, enfin, si on pouvait l’appeler comme cela. Si elle mesurait une trentaine de centimètre, c’était beau.

 

Toutefois, la pièce était propre et rangée. Le couvre-lit épais et en laine colorée donnait une notre chaleureuse. Il n’allait pas se plaindre.

 

La voix de Nichol lui parvint comme une excuse.

 

« Je suis désolé… Je n’ai pas d’autres pièces de libre. C’est mon ancien débarras… Sinon, si cela ne te convient pas, j’attendrai qu’une des chambres de l’auberge se libère…

—    C’est parfait Nichol… Je ne m’attendais pas à pareil confort avec tes descriptions au cours du voyage…

—    Désolé…

—    Je ne te connaissais pas sous ce jour… Arrête de t’excuser.

—    Je… bref… je te laisse te reposer. Tu te lèves quand tu veux demain.

—    N’oublie pas de me trouver une occupation…

—    J’y réfléchirai demain… pour l’instant, je vais prendre un peu l’air. »

 

Nichol ferma la porte derrière lui, silencieusement. Lentement, l’ancien jackals se dirigea vers la porte arrière de son bureau et entreprit d’aller faire quelques pas. Il se sentait nerveux. Mal à l’aise. C’était la faute à Foa ! Mais pour quelle raison…

 

A peine franchit-il le seuil de porte qu’une poigne d’acier le plaqua contre le mur. Nichol tenta de se libérer un quart de seconde, mais la voix de Foa raisonna à ses oreilles le pétrifiant sur place.

 

« Je peux savoir pour quelle raison tu me fuis ? »

 

 

 

Chapitre 6

Nichol observa le regard sombre de Foa. Qu’est ce qui lui prenait ? Il l’attrapa par le revers de sa veste et le retourna durement contre le mur. Le jackals malmené laissa échapper un gémissement de douleur.

 

« Enfoiré… fait attention ! Certaines blessures ne sont pas remises…

—    Je pensais que tu étais en voie de guérison ? »

 

Leurs visages étaient beaucoup trop proches pour l’aubergiste qui fit un mouvement pour se reculer. Mais, Foa le retint en lui emprisonnant ses bras.

 

« Tu vas continuer à me fuir encore longtemps, Heyward ?

—    Je ne vois pas ce… »

 

Avant qu’il ne puisse continuer sa phrase, une bouche se plaqua contre la sienne. L’étreinte se fit implacable, alors qu’il tentait de s’échapper. Empêtré dans ses émotions diverses, Nichol s’aperçut brutalement que Godfrey essayait de passer la barrière de ses lèvres clauses. Il le repoussa rudement contre le mur. Sa respiration était hachée.

 

« Tu perds la tête ou quoi ? Tu ne sais pas que je suis un homme ?

—    Oh que si… je le sais ! Mais, moi je ne me cache pas derrière mes préjugés. Tu me plais Nichol. »

 

Les yeux d’Heyward s’agrandirent sous la surprise. Il se recula alors que Foa se redressait. C’était pire que s’il devait l’affronter en duel… Non, c’était pire que n’importe quoi ! L’expression grave de son interlocuteur, lui faisait comprendre qu’il ne plaisantait absolument pas. Godfrey s’épousseta et plongea son regard dans celui troublé et anxieux de Nichol.

 

« Je suis tout à fait sérieux, Nichol. Je n’ai pas l’intention de te lâcher.

—    Tu n’es qu’un imbécile ! Je n’ai aucunement l’intention de céder à tes avances. Occupe-toi de ton fils, remet-toi de tes blessures…

—    Et ? » Interrogea sombrement Foa.

—    Je m’occuperais de Sharck, tu n’auras plus qu’à disparaitre de ma vie.

—    Tu es têtu…

—    Obstiné.

—    Tu ne l’es pas autant que moi… » Répliqua calmement Godfrey.

 

Il fit un geste pour se rapprocher de Nichol, mais ce dernier se recula. Un sourire effleura les lèvres du jackal qui murmura

 

« Tu as l’air d’une biche aux abois Nichol… aurais-tu peur que cela ne te plaise au final ? »

 

Après un dernier regard narquois, Foa disparut derrière la porte du bureau. Nichol resta un long moment figé. Il était stupéfait du tour de la conversation. C’était tout bonnement impossible. Livide et mal à l’aise, Nichol s’éloigna de l’auberge et se rendit sur les rives en contrebas. La mer était agité, mais pas plus qu’un jour ordinaire. Le regard d’aigle de l’ancien jackal se plissa.

 

A quelques pas de là, il reconnu la chevelure blanche de Sharck. Rodait-il autour de son auberge ? L’idée lui déplut. Nichol s’accroupit et observa le jackal fureter sur la plage. Ce type devenait un vrai problème. Et il devait rapidement l’éliminer. Loin d’être impressionné par cet homme, l’instinct de tueur qui sommeillait toujours en Nichol se réveilla. Il allait surveiller plus attentivement les alentours. S’il cela ne tenait qu’à lui, il irait directement résoudre l’affaire, mais… l’image d’Analan et de ses employés s’imposa à lui.

 

Une bourrasque souleva ses cheveux et fit baisser les herbes hautes. Le froid s’installait définitivement. Au loin, des navires pirates croisaient profitant de la pleine lune pour se diriger vers le port en toute sécurité. Il recula doucement pour se redresser plus loin. Il retourna pensif vers son auberge et s’attarda quelques minutes plus tard devant son comptoir. L’alcool qu’il ingurgita lui permit de voir un peu plus clair.

 

Enfin, pas tout à fait. L’image de Foa vint le troubler. Comme s’il avait besoin de ce genre de choses dans sa vie. Il n’avait besoin de personnes dans sa vie, et certainement pas… de lui ! Repoussant le souvenir de son étreinte forcée, il regagna sa chambre. Sans hésitation, il s’enferma dans sa chambre, il ne laisserait aucune illusion à Godfrey… c’était par charité qu’il le gardait chez lui… Pourtant sa nuit fut difficile. Entre le sommeil qui tardait, et les réminiscences de l’étreinte qui le  poursuivait, l’homme avait l’impression de devenir fou.

 

°°0o0°°

 

Le lendemain matin, Nichol sortit à peine de sa chambre que sa fille lui sauta au cou. Elle semblait radieuse et visiblement soulagée de le voir.

 

« Papa…

—    Tu vas bien ?

—    Oui… mais, toi par contre… tu as l’air fatigué. Tu es rentré ce matin ?

—    Non, hier au soir. Je pense que tu devais être à peine endormi.

—    On dirait que tu n’as pas dormi depuis des jours ! »

 

Analan examina avec attention son père. Ce dernier détourna le regard et marmonna quelque chose entre ses dents. Pour se donner contenance, il dévala les marches pour gagner la cuisine. Egan eut un petit sourire en le voyant.

 

« Monsieur Heyward, c’est un plaisir de vous revoir…

—    J’en suis heureux également. » Répondit simplement le jackals.

—    Tu ne repars pas ? » S’informa Analan en s’installant à table, prête à dévorer un cheval.

—    Non. Tout s’est bien passé durant mon absence ? »

 

Nichol observa les réactions de ses interlocuteurs. Visiblement Egan cherchait quelques incidents à commenter, mais ne trouvais finalement rien à dire, tandis qu’Analan s’agitait nerveusement sur son siège.

 

« Papa… je… j’ai promis à Guo de lui payer une tournée à lui et son équipage… »

 

L’aubergiste ouvrit de grands yeux de surprise.

 

« Quoi ?

—    Il y a quelques jours… je te jure que c’est vrai ! » Fit l’adolescente la main sur le cœur. « J’ai eu l’impression, enfin… j’en suis sûre. Un type me suivait… et, Guo est venu… m’accompagner. En fait, il traine souvent ici pour m’accompagner en ville. Il fait semblant de rien…

—    Tu as vu ton stalker ?

—    Non… mais, j’entends parfois des pierres qui roulent ou bien, cette maudite impression qu’un type veut m’égorger. J’en ai froid dans le dos. Et puis, je suis sûre que ce n’est pas qu’une impression, sinon Guo ne viendrai pas comme il le fait…

—    Je te crois Analan…

—    Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ! » Lança Egan en faisant claquer sa cuillère en bois, visiblement contrarié. « Tu sais, je ferai un excellent garde du corps… pourquoi ?

—    J’avais peur que tu me trouves ridicules et… Guo était là…

—    Le nom de Guo Niu revient souvent dans ta bouche, Analan » Remarqua l’aubergiste calmement.

 

L’adolescente rougit comme prise en faute. Elle se mordilla la lèvre inférieure et déclara mal à l’aise.

 

« J’ai fait une trève avec lui…

—    Une trêve ? »

 

Analan se demandait comment elle allait pouvoir se sortir de ce mauvais pas. Le regard pénétrant de Nichol, la mettait mal à l’aise. La porte de la cuisine s’ouvrit et Foa apparut sur le seuil pour son plus grand soulagement. Toutefois, une certaine surprise s’affichait sur ses traits en voyant le garçonnet qui se tenait dans ses bras, imitant le froncement de sourcil de son père à la perfection. L’homme plus âgé, portant une paire de lunettes sur son nez attira son attention lorsqu’il entra à son tour.

 

Ses cheveux blancs mi-long étaient tenus par un catogan. Sa tenue était distinguée, bien que sa chemise soit ouverte au col et ses manches retroussées. Un sourire bienveillant flottait sur ses lèvres. Il s’avança droit vers elle, son sourire s’élargissant au fur et à mesure qu’il approchait.

 

« Analan Heyward, je présume ?

—    Euh… oui… » Balbutia l’adolescente impressionnée malgré elle, par les manières posées de son interlocuteur.

—    Je me présente, Fox Heyward, le grand-père de ton père…

—    Ah… euh… enchantée. 

—    Moi de même… Puis-je m’asseoir à tes côtés pour nous permettre de faire plus amples connaissances ?

—    Euh… oui…

—    Tu es un beau brin de fille, dit-moi.

 

Analan rougit violemment. Son arrière grand-père lui adressa un clin d’œil complice et déclara tout sourire.

 

« Tu dois avoir beaucoup de succès auprès de la gent masculine… Ce n’est pas un peu difficile de repousser les prétendants Nichol ? »

 

Ce dernier lui adressa un regard neutre. Puis, l’attention de l’aubergiste glissa vers sa fille. Foa s’installa et remercia Bella qui venait d’entrée. Elle était tombée sous le charme d’Aaron. Analan de son côté pria pour que son arrière grand-père et son père l’oublie. Elle rencontra le regard de sphinx de Foa et tenta de demander de l’aide silencieusement, mais ce dernier semblait beaucoup plus préoccupé par son fils nouvellement retrouvé.

 

« Hum… » Se racla la gorge l’adolescente. « Ça va… je n’ai pas tant de problèmes que cela…

—    Et Guo ? Interrogea impassible Nichol.

—    Ah non papa ! Niu m’aide…

—    Niu ? Coupa à présent étonné son père.

—    Flute ! Si c’est comme ça, je pars à l’école… Et ne tente pas de me suivre ! »

 

Alors que Nichol s’était redressé pour servir de garde du corps à sa fille.

 

« Mais…

—    Je sais me débrouillée toute seule ! »

 

Etre le centre de l’attention d’une si grande assemblée la tétanisait. Elle voulu faire volte-face, mais une main avait emprisonné son poignet. La voix calme de Fox déclara

 

« Je vais t’accompagner en ville, si tu le veux bien. J’aimerai visiter les environs, et comme je vais vivre un moment ici, je voudrai connaître les commerces dans le coin. Accepterais-tu ma présence, Analan ? »

 

L’adolescente s’était tournée vers le vieil homme qui avait de beaux restes, et toussota pour reprendre contenance. Elle hocha simplement la tête.

 

« D’accord…

—    Tout d’abord déjeunons, veux-tu ? J’ai besoin de force à mon âge… » Sourit gentiment Fox.

—    J’ai faim… » Avoua l’adolescente en s’asseyant à nouveau timidement.

—    C’est une bonne maladie. » Sourit son arrière grand-père.

—    Vous comptez aussi vous rendre en ville ? » Demanda Bella en fixant son patron.

—    Je ne sais pas encore. Peut-être pas ce matin. Je pense faire le tour de l’auberge, et voir les stocks. J’aimerai aussi, faire un tour dans les alentours. J’ai remarqué que le stock de bois a déjà été entamé… »

 

Nichol jeta un coup d’œil à Egan qui hocha la tête.

 

« Il faut bien, Monsieur Heyward. Il fait froid la nuit en ce moment. L’hiver arrive plus vite que prévu.

—    Byrnes n’est pas passé pour terminer les dépendances… » Lança Fidersbee en entrant un plateau chargé de relief de déjeuner provenant de la salle. « Mais, j’crois qu’il a des problèmes avec sa famille dernièrement… enfin, y’a des bruits qui courent…

—    Je verrai directement avec lui. » Coupa Nichol qui n’aimait pas les ragots de ce type.

 

La conversation roula sur la marche de l’auberge durant son absence. De la présence de Sharck à plusieurs reprisent dans les lieux. Le regard de l’ancien Jackal s’assombrissait immanquablement en entendant le nom de ce boucher dans les environs. Il craignait pour ses clients. Dans sa tête, même s’il participait toujours à la conversation, une résolution s’était faite.

 

Après avoir vu Analan quitté la cuisine en compagnie de Fox, l’aubergiste se dirigea vers son bureau et sortit l’Alligator. Sans s’émouvoir, il tira une pierre pour aiguiser son outil. Concentré sur son ouvrage, il n’entendit pas la porte s’ouvrir.

 

« Tu comptes faire quoi ? » Interrogea Foa.

 

Nichol ne releva pas la tête, néanmoins il répondit calmement.

 

« Je vais le débusquer.

—    Imbécile ! Et tu crois qu’il va tomber dans tes bras tout cuit…

—    La ferme ! Hier soir… » Nichol reprit sa respiration en se souvenant brutalement du baiser, « hier soir, il rodait aux abords de l’auberge… je n’ai pas envie qu’Analan est des problèmes. Je suis persuadé qu’il rode autour de ma fille… et ce n’est pas pour rien que Guo reste auprès d’elle.

—    Et tu penses y arriver ? J’ai échoué…

—    Et alors ? » Nichol lui lança un regard mauvais « Parce que tu échoues, je ne dois rien faire ? Rester les bras croisés ? Tu me prends pour qui ? Je ne laisserai personne saccagé ce que j’ai mis si longtemps à construire. Je suis…

—    Tu ne peux pas attendre que je me rétablisse ? Nous pourrions faire équipe…

—    Tu crois qu’il va attendre ? » Ironisa Nichol.

—    Et… s’il t’arrivait quelque chose ? »

 

L’aubergiste leva les yeux vers Foa et le regardait s’approcher vers lui d’un pas déterminé.

 

« Ça je ne le supporterai pas… »

 

°°0o0°°

 

Le souffle du vent soulevait la jupe plissée d’Analan. Fox l’écoutait lui raconter sa vie avec son petit-fils tout sourire. C’était un beau brin de fille, pétillante… visiblement plus qu’admirative vis-à-vis de son père adoptif. Elle sautillait autour de lui, pour parfois marcher plus lentement, songeuse.

 

« Tu as l’air d’aimer ta vie… » Conclut Fox à mi-parcours.

—    Oh oui. Je… parfois, je me demande ce qu’aurait pu être ma vie avec mes vrais parents… Mais, ma vie avec papa, ma vie a tellement été… bien que je ne m’imagine pas, vivre quelque chose de mieux. » Elle rit gênée. « Je n’en trouve plus mes mots…

—    Tu ne regrettes pas d’avoir eu de présence féminine autour de toi ?

—    J’ai Bella… Sourit l’adolescente espiègle.

—    Ce n’est pas une mère.

—    Pour moi si… Vous savez, je vois ce que vous voulez dire. Papa aurait peut-être été mieux avec une femme auprès de lui. Oh… y’a pas mal de ses femmes qui ont tenté de mettre le grappin sur papa… mais, toutes se sont cassées les dents. » Termina absorbée Analan.

—    Peut-être qu’un jour quelqu’un fera irruption dans sa vie, Analan…

—    Eh bien, je l’espère. » Répondit fermement l’adolescente tout sourire.

 

Fox rit doucement, provoquant l’étonnement chez Analan. Le vieil homme ne leva toutefois pas le mystère. Ils descendaient toujours tranquillement, lorsqu’ils furent rejoints par Guo qui s’arrêta sur le chemin qui montait vers le caveau. Le sourire d’Analan augmenta à sa vue. Fox jugea immédiatement l’homme qui s’était rembrunit en le voyant. On ne pouvait pas cacher à un vieux renard, les gens de la même espèce que lui.

 

« Guo…

—    Qui est cet homme ? Coupa l’asiatique borgne.

—    Mon arrière grand-père ! » Répondit fièrement Analan.

—    Ton arrière grand-père ? »

 

Incrédule était peu pour désigner la stupeur qui envahissait Guo. Tout de suite, il avait sentit le danger que pouvait représenter cet homme, malgré son air aimable. Mais, arrière grand-père ?      Analan souriait en lui déclarant

 

« Aujourd’hui, tu pourras aller directement au Caveau… Papa y est…

—    Il est rentré ?

—    Oui… Maintenant que son grand-père est avec lui. Bon, nous y allons sinon je vais être en retard au cours…

—    Il est inutile que je remonte… j’étais surtout là pour…

—    Je le sais…. » Sourit Analan.

 

Le trio reprit sa route d’un pas tranquille. Toutefois, les deux hommes glissèrent un regard l’un vers l’autre. Tous deux avaient eut le même frisson. Cette impression de danger latent. Même si c’était atténué par les bavardages joyeux de l’adolescente.

 

°°0o0°°

 

Sharck observa le trio de loin. Silver Fox était présent ? Il resta assis songeur derrière son rocher. Les choses se compliquaient pour lui. Plus le temps s’écoulait et plus, les jackals convergeaient dans la direction d’Arasma. Un par un, ce n’était pas un problème… mais à plusieurs… Les anciens qui avaient raccroché depuis un bail, n’étaient pas non plus un problème. Même si certains avaient de beaux restes, il n’en demeurait pas moins qu’à cinq ou six…

 

Quelques jours auparavant, il avait éliminé cinq d’entre eux pas très loin de cette ville. Mais là, Silver Fox, Nichol Alligator et le Dragon de Jade… sans compter Foa Requiem dans les parages. Ce type devait être caché pas loin. Il était même à peu près certain qu’il se trouvait au Caveau. Ce qui le faisait hésiter… c’était que l’Alligator et Requiem n’avaient pas eu pour réputation de s’entendre. Ils s’étaient combattus. Quoique l’Alligator était toujours vivant.

 

Le cerveau du jackal fonctionnait comme si des rouages se mettaient à fonctionner lentement, l’amenant à un cheminement auquel il ne s’était pas attendu. Enfin, peut-être pas un dénouement aussi rapide. Après tout, on ne le payait que sur les jackals encore en activité, pas ceux qui avaient reprit une vie tranquille. C’était lui, de son propre chef, qui avait décidé d’éliminer les anciens afin d’avoir le tableau de chasse le plus important.

 

Mais provoquer la peur était un aphrodisiaque puissant. Se terrer et observer ses proies qui se demandaient toujours « Quand attaquerait-il ? ». Les voir se retourner sans cesse pour examiner les environs… s’assurer qu’ils sont bien seuls… C’était jouissif. Sharck se pencha à nouveau et au loin, trois petits points entraient en ville. Analan Heyward était plus que baisable et… avec un instinct de survie surdéveloppé pour une gamine qui n’y connaissait rien en crime. Se serait un véritable plaisir de la violée et de la buter juste après. Il aimerait voir le visage de Nichol Alligator en voyant le cadavre de sa fille…

 

°°0o0°°

 

La forêt raisonnait de coup de hache violent. Les animaux qui logeaient non loin, avaient déserté depuis bien longtemps les lieux. La petite clairière où s’était réfugiée le bûcheron voyait volé des éclats de bois, et tombé en tas dans un bruit mouillé les essences de chênes. Nichol laissait libre cours à sa rage. 

 

Cet enfoiré de Foa avait essayé encore de l’embrasser et de… l’étreindre ! Il lui avait presque fracassé le crâne pour cela. Fidersbee avait dû l’emmener à sa chambre, avec sur ses talons Aaron qui avait paru choqué de voir son père assommé. Nichol excédé avait fait le tour de son auberge et avait commencé à ranger les lourdes barriques restées en tas dispersé. Fidersbee et Taylor n’arrivaient pas à soulever les futs.

 

Puis, comme sa colère n’arrivait pas à redescendre, il avait attrapé de quoi manger et avait quitté l’auberge pour la journée. Il irait rechercher sa fille et rentrerait avec elle. Entre temps, il aurait abattu un dixième de la forêt et ses nerfs se seraient peut-être un peu calmés. Une pluie finie commençait à s’abattre, rendant le travail de la coupe du bois glissante. Mais, Nichol n’en avait cure. De quel droit Foa se permettait-il de le regarder de cette manière ? De le toucher de cette manière ? Ou même de songer à lui de cette manière ?

 

Lorsqu’il se décida enfin à quitter la forêt dans lequel il s’était réfugié, son esprit était plus calme, mais une humeur meurtrière y régnait toujours. Le sol maintenant détrempé glissait sur les endroits non couvert par d’épaisses touffes d’herbes.

 

Heyward paraissait avoir vieillit de dix ans. Ses cheveux blancs étaient collés sur son front. De grosses perles d’eau froide gouttaient sur les mèches qui persistaient à biquer un tant soit peu. Son expression renfrognée, dû en partit aussi par le mauvais temps et la lourde hache qu’il portait d’une main désinvolte  sur une de ses épaules, donnait l’impression qu’un être surnaturel venu des profondeurs de l’enfer avait envahit le monde humain, ou bien était-ce un viking revenu à la vie pour se venger du sort funeste réserver à Ásgard ?

 

Sa démarche décidée laissait une lourde empreinte sur le sol spongieux. Le regard du Jackal restait droit, même si ses sens affutés percevaient les présences qui s’éloignaient prudemment à son approche. Contrairement à son habitude, Nichol emprunta la route la plus rocheuse. Il délaissa le chemin principal. Il escalada ou descendit la roche grise et luisante. En contrebas, Heyward voyait la mer se déchainer contre la falaise. Les mouettes cherchaient désespérément un abri dans la roche, le vent cruel les repoussaient sans cesse vers le large.

 

Le Jackal remonta les à bord de la falaise pour remonter sur le talus et ainsi se retrouver sur la route principale menant à Arasma. Au loin, son regard repéra venant de la ville, la silhouette d’Analan. Elle luttait elle-même contre les éléments. Le regard de Nichol intercepta un mouvement provenant sur sa gauche. Il s’accroupit instinctivement pour observer entre le rideau que formait cette foutue pluie. Son cœur ralentis. Il s’agissait de Sharck. Cette saloperie se déplaçait avec son épée dentelée…

 

Nichol observa les alentours et traqua ensuite le Jackal qui lui maintenant avait accéléré le mouvement pour intercepter Analan sans aucun doute possible. La haine traversa le cœur déjà rugissant de Nichol Alligator !

 

°°0o0°°

 

Analan pesta contre cette averse glacée. Rien n’avait prédit qu’une telle tempête surgirait. Une chance qu’elle ait pris sa veste la plus chaude le matin même. Ses cheveux long lui collaient au visage, l’empêchant de voir très loin devant elle. Elle sera un peu plus contre elle, son cartable. Pourquoi son père ne prenait-il pas une voiture ? Il pourrait venir la chercher lorsque ce genre de catastrophe s’abattait sur les côtes de cette mer imprévisible.

 

Un éclat de rire métallique la sortie de ses pensées. Surprise, elle releva son visage. Elle discernait mal la physionomie masculine devant elle, la pluie tombait dans ses yeux. Repoussant de son avant bras, les méduses flasques qu’étaient devenu ses mèches brunes, elle vit le jackal maudit arrivé droit devant elle, comme une grande faucheuse.

 

Son sang ne fit qu’un tour. C’était autre chose que l’attaque de Guo… cette fois-ci elle n’avait aucune planche de salut. Son cœur s’accéléra soudain. Son père apparu tel un ange vengeur ou un diable de sa boite ? La hache qu’il tenait de ses deux mains s’abattit avec puissance sur Sharck qui, et ça Analan ne le comprit pas, se recula dans un geste de survit sur le côté échappant à la morsure mortelle de l’outil. Dans son mouvement, il perdit légèrement l’équilibre offrant une ouverture de choix à Nichol.

 

L’outil glissait entre les doigts de Nichol, obéissant aux moindres sollicitations. Comme si l’Alligator, n’était pas sa seule arme de prédilection. D’une seule main, Nichol fit un mouvement circulaire touchant du bout de sa lame le visage de son ennemi qui avait à présent les traits déformés par la haine.

 

Analan se recula, envoutée par le spectacle de la danse funèbre qu’exécutaient les deux prédateurs devant elle. Les vêtements collés sur leurs muscles puissants, s’élevaient parfois lourdement lorsque les coups qu’ils abattaient sur l’autre devenaient si vigoureux et énergique qu’ils se devaient de lutter contre l’apesanteur et le poids de l’humidité qui ruisselait sur eux. La boue s’élevait à chacun de leurs mouvements. Le sol meuble et glissant était labouré par leurs pas et leurs armes qui échouaient dans leur destination de départ.

 

Les halètements rauques et les chocs de l’acier qui se rencontraient assourdissaient Analan terrorisée. Que devait-elle faire ? Devait-elle avertir quelqu’un ? Mais qui ? Et si son père avait besoin d’elle ? La jeune fille posa son sac, et descendit une de ses chaussettes pour sortir un poignard sans garde, qu’elle faisait tenir grâce à des bandages discrets.

 

Sa main tremblait, mais elle ferma les yeux et se concentra au nom de l’amour qu’elle portait à son père, elle ne faillirait pas. Elle s’aida de son autre main pour arrêter les spasmes qui la secouaient. Elle attendrait le bon moment pour porter un coup à ce salaud qui venait perturber leurs vies depuis quelques semaines. Analan voulait retrouver sa petite vie tranquille.

 

Son regard bleu intercepta des gouttelettes d’eau d’un rouge vif. Elle loucha pour suivre leur parcours. Rapidement, elle détourna les yeux et vit alors son père blessé au bras. Un rire gras emplie l’atmosphère. Absorbé par sa petite victoire, le jackal n’avait pas vu l’adolescente se précipiter dans son dos les mains chargés d’une petite lame affutée sur chaque tranchant. Lorsque son instinct l’avertis, il n’eut pas le temps d’échapper complètement à l’attaque. Un grognement de douleur empli l’atmosphère.

 

« Petite salope ! » Hurla Sharck. « Je vais te buter ! Crève sale garce ! »

 

Analan trébucha en reculant et tomba à la renverse. Elle ferma les yeux, voyant l’arme s’abattre impitoyablement sur elle. Un bruit de succion se fit entendre à côté d’elle. Un horrible bruit de lames crissant entre elles, l’avertis que quelque chose clochait. Effrayée et tétanisée, elle leva les yeux et vit Guo Niu arrêté l’épée grâce à deux poignards édentés recouvrant en partie ses avant bras, tenu en leur milieu par des poignées. L’acier des armes était recourbé et l’épaisseur de leurs lames montrait combien elles pourraient résister à celle de Sharck.

 

« Ne touche pas à ma fiancée connard ! »

 

Analan en aurait éclaté de rire. C’était quoi cette déclaration dans cette tourmente ? Comme si elle assistait à une scène surréaliste, elle s’aperçut de détails dont elle était sûre ne pas se rendre compte ailleurs que maintenant. Guo avait remonté ses longs cheveux en une queue de cheval. Son visage si aimable habituellement lorsqu’il se posait sur elle, à présent montrait une froideur dont elle n’aurait jamais imaginé apercevoir l’éclat sur ses traits si fins.

 

Elle sera dans son poing son couteau qu’elle n’avait toujours pas lâché. Tremblante, terrassé par sa peur, elle se dirigea à quatre pattes vers son père. Elle tournait de temps en temps son regard par-dessus son épaule. Elle constata que Guo était aussi bon que l’était son père quelques minutes plus tôt. Elle qui le prenait pour un simple pirate était en fait aussi dangereux que l’était tout jackal.

 

« Papa ? » Interrogea d’une voix éteinte l’adolescente, une fois parvenue à destination.

 

Ce dernier ouvrit les yeux et observa sa fille entre ses paupières.

 

« Va prévenir… Foa… dit-lui… Qui… qui se bat ?

—    Guo Niu… et… et il lui tient tête.

—    Bien… laisse-moi encore cinq minutes pour récupérer… toi, va chercher Foa et reste au caveau. Prévient Egan et Terence. Reste avec Bella.

—    Mais…

—    Ne discute pas ! Fait-le ! »

 

Voyant toujours l’indécision sur les traits de sa fille, pour la première fois, Nichol éleva la voix contre elle.

 

« Maintenant ! »

 

Analan voyant la lueur meurtrière dans le regard de son père, se redressa comme un diable de sa boite et se mit à courir aussi vite que ses jambes qui dérapaient sur le sol, le pouvait. Son cœur n’en pouvait plus de tambouriner.

 

Nichol se redressa et tint d’une main son flanc. Il saignait abondamment.

 

« Merde ! »

 

Il avait été sonné durant quelques minutes. Il détestait ce sentiment. Son regard se porta dans la direction du combat. Guo se déplaçait avec grâce malgré les conditions. Sa silhouette élancée et sa souplesse lui permettaient des déplacements plus rapides que la lourde physionomie de son adversaire. Les coups qu’il lui portait, faisaient mouche, sans toutefois lui porter de blessures fatales.

 

Tant bien que mal, Nichol se redressa et attrapa d’une main ferme sa hache. Il allait le débiter en petits copeaux. Personne ne touchait à sa fille, et certainement pas ce requin qui avait bouleversé sa vie de bien des façons… et ce de manière si imprévu.

 

°°0o0°°

 

Analan entra dans la pièce comme un fantôme détrempé. Son regard hagard, le rictus déformant ses traits, l’adolescente était terrorisée. Elle jeta dans la pièce ne sachant pas où les employés de son père étaient, ne voyant plus rien… sachant juste où elle se trouvait.

 

« Papa… Sharck… papa… »

 

Terence Fidersbee se dirigea vers celle qu’il considérait comme l’une de ses filles très inquiet. Gentiment, il prit sa main et l’assis sur un tabouret.

 

« Que se passe-t-il Analan… Monsieur Heyward ?

—    Le jackal… il voulait me tuer et papa… papa a arrêté son épée avec sa hache ! Il… il est blessé… papa… il faut l’aider. Il est blessé et Guo est là-bas aussi. Il, il a prit ma défense… »

 

Analan éclata en sanglot. Fidersbee tapota gentiment l’épaule de l’adolescente et chuchota à son intention.

 

« Tu es en sécurité ici. Reste avec Bella, elle va s’occuper de toi. Je reviens. »

 

Fidersbee se redressa et abandonna son air jovial. Bella intercepta son regard et immédiatement, elle prit en charge Analan. Elle hocha simplement la tête lorsque l’homme passa devant elle une minute plus tard chargé d’une faucille. Egan le rejoignit une clope au coin de la bouche sur lequel il tirait, une épée bâtarde dans l’autre.

 

« Rester ici ! »

« Où est… Monsieur Foa… papa…

—    Il n’est pas ici. Il est sortit Analan…

—    Papa va mourir… Niu aussi…

—    Personne ne va mourir ma chérie. Egan et Terence sont de bons combattants, tu peux me croire.

 

Des raclements de chaises se firent entendre. Des hommes qui étaient restés silencieux jusqu’ici se placèrent dans le dos de Bella. Leurs airs belliqueux ne laissaient rien attendre de bons.

 

« Dit-nous où ils se trouvent… on va lui faire bouffer son épée à ce salaud ! » Marmonna Carlyle Laguardia.

 

Analan balbutia

 

« A l’entrée d’Arasma… mais… 

—    Ne t’inquiète pas pour ton père Analan, on va le sortir de là. Pas question qu’un étranger vienne se mêler de nos affaires. »

 

Le groupe d’insurgés mené par Carlyle s’éloigna bien décidé à éliminer le jackal qui brisait la tranquillité de la ville. Analan reconnu même Franz Summers le banquier de la ville, toujours à afficher un air coincé la plupart du temps.

 

Bella entraina Analan vers l’arrière cuisine. Elle appela doucement Aaron qui jouait dans la cuisine jusqu’ici en compagnie d’Egan. La tranquillité avec lequel, la mère de famille qu’était Bella, ramena du calme dans l’esprit de l’adolescente. Même si… elle tremblait pour son père et… Guo. Quel imbécile de les déclarer fiancés à un moment pareil ! Elle éclata en sanglot. Elle ne voulait pas qu’il meure… qu’ils meurent.

Chapitre 7

Nichol resta immobile quelques secondes debout. Malgré sa blessure, il ne titubait pas. Il observait les mouvements de Sharck. Malgré la pluie qui tombait plus drue, l’aubergiste s’était aperçut de la fatigue de Guo. Les coups qu’il encaissait, devaient mettre à rude épreuve son physique androgyne en comparaison de celui du Jackal.

 

Serrant les dents, et resserrant sa prise autour de la poignée de sa hache, Nichol calcula un angle permettant de porter un coup qui affaiblirait Sharck. Rassemblant ses forces, l’homme s’approcha. L’instinct surdéveloppé de Sharck l’averti d’une présence menaçante dans son dos. Il porta un coup d’une violence rare sur le jackal asiatique devant lui, l’assommant au passage, et arrêta la course de la hache qui tentait de le fendre en deux.

 

Sharck plia sous l’effort. Les coups de Nichol n’avaient rien à voir avec ceux de l’asiatique. L’expression de souffrance qu’essayait de réprimer son agresseur l’informa sur l’état de sa blessure, qu’il lui avait infligée plus tôt. Pourtant, le jackal luttait pour repousser la hache. Il voyait la lueur meurtrière qui luisait dans les yeux devenus de verre d’Heyward. Il devait se sortir de là et ce rapidement.

 

Même s’il était blessé, la blessure infligée par l’adolescente n’était que superficielle. Il banda ses muscles et ramassa sa carcasse pour repousser l’Alligator qui maniait une hache pour l’instant. Sharck savait qu’il avait de la chance. Si son adversaire du moment avait eu son arme, il serait mort à présent. Il avait fait l’erreur de sous-estimé l’aubergiste… Oui, il l’avait sous-estimé, et cet homme était le plus dangereux qu’il n’ait croisé de toute sa vie.

 

Voyant une ouverture involontaire de Heyward, Sharck assena un coup d’épée sur le tranchant directement sur la première blessure du flanc. Son adversaire para l’attaque avec le bois du manche de sa hache qui vola en éclat, même si elle repoussa loin la lame mortelle. Des éclats se fichèrent dans la peau de l’aubergiste qui se mordit la lèvre inférieure. Des fragments s’étaient réfugiés dans sa main droite, faisant couler du sang abondamment, vite balayer par cette pluie qui n’en finissait pas de tomber.

 

Nichol laissa choir la lame en acier qui restait en partie avec un bout de manche. La lueur cave dans le regard de son trop proche ennemi le fit reculer. L’aubergiste s’enlisa dans la glaise formée par les combats successifs. Il était mort. Son corps avait chuté dans une marre formée par une excavation, en utilisant ses mains pour amortir sa culbute, il s’enfonça un peu plus les morceaux de bois effilés, qui vrillèrent ses nerfs. Un gémissement sourd s’échappa de ses lèvres, son flanc lui donnait l’impression de s’arracher.

 

Un pied le repoussa dans la boue. Nichol leva son visage renfrogné vers Sharck qui soulevait son épée avec une certaine exultation. L’aubergiste entendit le rire gras à présent du Jackal.

 

« Enfoiré de mes deux… t’as été le plus coriace d’entre tous. Dommage que tu n’es pas eu l’Alligator, t’étais le seul à pouvoir me battre. Maintenant enfoiré crève… »

 

Au lieu de lui porter un coup d’épée, Nichol se prit de plein fouet sur le visage le bout de la botte surmontée d’une plaque métallique dans la mâchoire. Un jet de sang s’échappa de sa bouche. Nichol se plia en deux, mais il n’eut pas le temps de reprendre son souffle, un nouveau choc au niveau de ses entrailles lui amena des larmes aux coins des yeux. Sa blessure s’ouvrit un peu plus. Il allait finir éventré. Des papillons se formèrent devant ses yeux.

 

Une main brutale lui attrapa ses mèches blanches en rejetant violemment la tête en arrière. La bouche du Jackal se posa contre le lobe du condamné.

 

« Maintenant, je vais t’égorger comme un porc que tu es… »

 

Une rumeur se fit entendre aux oreilles de Sharck. Il releva la tête. Celle de Nichol tomba mollement dans la flaque d’eau et de sang sous lui. Le Jackal tourna son visage, et croisa le regard d’une dizaine d’hommes tous armés. Ce n’était pas des combattants aguerris, enfin des tueurs quand même, mais moins dangereux que l’homme qui s’était affaissé à côté de lui. Un sourire sadique déforma ses traits, le rendant plus lugubre si c’était possible.

 

Sharck prit à deux mains, la poignée de son épée qu’il avait sobrement appelé Excallibure, dans une partie de son cerveau. Il allait éradiquer le mal de cette ville pourrie où il sévissait depuis un mois à présent. La lame fendit le mur d’eau pour s’abattre vers les hommes qui avait dressé leur dagues, et autres lames courtes, voir une armes à feu. Mais, quelque chose stoppa net l’acier.

 

Surpris, le jackal tourna son regard vers l’outil qui retenait sa lame. Il vit une magnifique faucille à manche long. La lame funeste telle la mort retenait avec facilité son coup. Il baissa son regard vers l’homme qui tenait en respect son épée. Il rencontra le regard de glace de Fidersbee. Sharck ne pouvait pas rester immobilisé. D’un mouvement vif, il retira son épée de l’étreinte de la faux. Il se décala juste à temps pour éviter une lame droite double tranchant parfaitement aiguisée qui avait pour mission de le décapiter.

 

Agacé et énervé Sharck ragea contre le clapotis de l’averse qui émoussait considérablement son audition. Le Jackal fondit sur le groupe d’hommes qui s’effondraient pour la plupart, sauf les employés d’Heyward. Même s’ils étaient à bout de souffle, les deux hommes agissaient ensemble en parfaite synchronisation. Excallibure était arrêtée nette souvent par cette faucille maniée avec une force équivalente à la sienne, ce qui annulait quasiment la force de ses attaques. Il commençait à s’épuiser à éviter durant ses courtes pauses, la lame meurtrière et manœuvrée avec dextérité par le cuisinier qui ressemblait plus à un pirate, qu’à un type passant ses journées derrière les fourneaux d’une auberge.

 

Le poids de ses vêtements commençait aussi à peser. Depuis le temps qu’il s’acharnait sur les anciens Jackals, et maintenant, l’équipe d’employés d’Heyward. Aucun des deux hommes en face de lui, n’avait d’instant d’inattention. Ce n’était pas des Jackals, mais il était évident pour lui que le meurtre était une profession de foie chez eux. D’ailleurs, la dureté de leurs expressions qui se renforçait de minute en minute, lui donnait une idée du but qu’il s’était fixé.

 

Sharck leva son épée par-dessus sa tête rapidement. Il allait utiliser son attaque la plus mortelle pour venir à bout de ses deux pauvres types. Il bondit en avant et abattit son épée qui luisait sous le reflet de l’eau qui coulait le long du tranchant. Sa vitesse d’exécution augmenta surprenant ses adversaires. Fidersbee plia ne pouvant pas contenir les coups sourds qui pleuvaient sur lui. Sa lame n’était pas faite pour cela. L’excitation gagna Sharck qui augmenta le rythme de sa lame pour trancher l’homme rondouillard. Il allait le débiter comme un porc.

 

Mais, la lame du cuisinier s’interposa. La tête froide Egan s’était rendu compte qu’il ne pourrait pas tenir très longtemps contre ce Jackal. Tout au moins pouvait-il le ralentir. Ce qui l’inquiétait surtout, c’était l’état de son patron. Pas question qu’il crève dans ses conditions. Il avait trop de respect et de reconnaissance pour lui. Taylor utilisa tous ses dons d’assassin pour parer les coups, et respira soudain.

 

Une lame large noir et blanche qu’il reconnu au premier coup d’œil vint s’interposer entre lui et le Jackal. La voix de Foa se fit entendre.

 

« Va t’occuper tout de suite de Nichol… »

 

Egan lacha son épée et s’aperçut que tous les muscles de ses bras et avant-bras étaient parcourus de spasmes. Pourtant, il ne s’attarda pas sur son état physique. Il se laissa choir au côté d’Heyward et le retourna doucement.

 

« Patron ? »

 

Il glissa ses doigts à la base de la nuque pour palper le pouls. Il était ténu… peut-être mais, Nichol était vivant. Il leva la tête et observa les deux Jackals se battre comme des forcenés. La colère déformait les traits de Foa. Il s’en serait douté. Il avait décrypté le regard de braise chargé d’un mélange de désir et de colère qu’il posait sur Heyward Nichol. Son patron n’était pas insensible au Jackal, mais apparemment et comme souvent avec lui, la barrière pour l’atteindre n’était pas facile à abattre.

 

Et puis, le fait qu’il soit un homme devait aussi le faire tiquer. Quoiqu’il n’en savait rien après tout, et lui s’en foutait. Combien avait-il vu d’hommes avoir des penchants de ce genre ? Bien plus que la morale l’autorisait certainement. Pendant que ses pensées s’agitaient, il avait soulevé délicatement la chemise de son patron et resta figé devant l’ampleur des dégâts.

 

Il déglutit et arracha la manche de son vêtement et débarrassa la plaie ouverte de la boue dont elle était recouverte. Il devait être immédiatement transporté chez Gokhale. Seul lui pourrait le soigner. Il tourna un regard anxieux autour de lui, et vit Fidersbee qui se mettait à quatre pattes pour pouvoir se redresser.

 

« Terence… il faut que tu m’aides… grouille ! Le patron va crever… »

 

Surpris par l’utilisation de son prénom par le cuisinier, l’homme rondouillet se leva et se pencha sur l’épaule d’Egan. La grimace qui recouvrit son visage était assez éloquente.

 

« Va chercher Gokhale et vite. Essaye de voir, si tu ne peux pas prendre un drap pour que je puisse le protéger de la pluie… »

 

Fidersbee se tourna vers les deux jackals qui s’étaient éloignés grâce aux attaques de Foa. Visiblement, ce dernier tenait à protéger son patron. Terence ne se posa pas plus de question. Il s’engagea vers les pentes escarpées où vivaient l’indien. Il haletait, n’ayant plus l’habitude de faire autant d’efforts en si peu de temps. Ses bras et ses jambes étaient en coton à présent. Il jura entre ses dents. Il avait faillit faire un vol plané direct de la falaise.

 

Les minutes lui semblaient interminables, pourtant, il devait trouver et rapidement Gokhale. Les organes internes de son patron étaient presque à l’air. Les chairs étaient salement déchiquetés et en plus des saletés s’étaient introduites dans le magma sanguinolent de la plaie. Enfin, s’il n’y avait que cela. Pourvu que son patron tienne jusqu’à l’arrivé de l’indien. Cela devint comme une psalmodie durant son dur chemin jusqu’à la petite maison nichée entre la roche grise.

 

Lorsque Gokhale le vit, il sut que quelque chose de grave se passait. Fidersbee chuchota essoufflé.

 

« Monsieur Heyward est amoché… il est là-haut avec Egan. Il est ouvert sur le flanc… c’est franchement moche et il a  beaucoup d’entailles. Je ne sais pas… s’il va survivre… Egan fait ce qu’il peut. » Termina l’homme une main sur sa poitrine qui se soulevait toujours rapidement.

—    Je vais chercher ma sacoche… je vais le ramener ici.

—    Si vous le pouvez…

—    Il le faudra bien, nous ne pourrons pas de toute façon le laisser là-bas… il se trouve où exactement. Plus proche de chez moi ou bien du Caveau ?

—    Ici… Egan a demandé un drap…

—    Je reviens… » L’homme disparut pour réapparaitre avec le linge qu’il avait enveloppé dans un sac. « Pouvez-vous faire quelque chose durant mon absence ?

—    Je ne viens pas avec vous ? » S’étonna le serveur.

—    Il me faut un assistant. » Sourit paisiblement l’indien qui se détournait pour prendre un nécessaire pour soigner Heyward. « Vous allez faire chauffer de l’eau chaude. Allez dans la cuisine vous y trouverez le nécessaire. Vous allez aussi débarrasser ma table de cuisine et nettoyer la soigneusement. Je vais m’en servir également. Préparer des draps propres, ils sont dans l’armoire de ma chambre. Vous y trouverez des serviettes également. Le reste, je m’en occuperais. »

 

Fidersbee entra et ruissela dans la maison. Le médecin tourna son visage vers lui et déclara doucement.

 

« Vous irez d’abord vous essuyez et faite sécher vos vêtements sur le poêle. Faites-vous aussi de quoi vous remonter… n’attraper pas froid. Je reviendrai le plus vite possible…

—    Ils n’ont pas finit de se battre… Foa et Sharck !

—    Je pense que Monsieur Foa aura à cœur de gagner cette fois-ci. » Sur un clin d’œil moqueur, il quitta la pièce.

 

Fidersbee eut un haussement de sourcil et rit doucement. Décidément, l’attirance qui existait entre Foa et Heyward n’avait échappé à personne… Sauf, peut-être à son patron ! Il était soulagé de pouvoir faire quelque chose dans ses cordes et c’est avec empressement qu’il se débarrassa de ses chaussures et chaussettes spongieuses qui salissaient le parquet ciré de la demeure de Gokhale. Elle était certainement la maison la plus confortable qu’il n’ait jamais vu, mais aussi la plus bizarre.

 

°°0o0°°

 

La carcasse fumait sur le sol. Godfrey se laissa choir sur le sol, épuisé. Il avait décapité Sharck et sa tête roulait un peu plus loin, taillée en biseau. Il n’avait plus de jambes, ni de bras… ni rien du tout à l’instant présent. Le soulagement prédominait. Mais, l’inquiétude repris le dessus, et c’est sur des jambes incertaines qu’il rejoignit Taylor qui tenait un maigre drap au-dessus de la tête de Gokhale et de Nichol.

 

Il lança un regard interrogatif vers le cuisinier, qui levait son regard indéchiffrable vers lui.

 

« C’n’est pas beau… et, Monsieur Gokhale ne sait pas s’il pourra le sauver. »

 

Foa se laissa glisser sur le sol. Il se sentait impuissant. La pluie ne cessait toujours pas et Foa trouva que les bourrasques se soulevaient un peu plus fortement à chaque minute. Ils allaient mourir à rester là.

 

« Nous ne pouvons pas le déplacer ? » Suggéra Foa en désespoir de cause.

« Laissez-moi terminer mon bandage, monsieur Foa. Je n’en ai plus pour très longtemps. Je vous demanderai ensuite de le porte jusqu’à mon humble demeure. Je le soignerai mieux chez moi, c’est évident. Monsieur Taylor, vous regagnerez le Caveau et vous servirez à tous ses braves gens une tournée… vous leur devez bien cela… Vous préviendrez Bella et Analan de l’absence de… Monsieur Heyward.

—    Longtemps l’absence ? Interrogea Egan.

—    Je ne suis même pas sûr de pouvoir le sauver. » Répondit sombrement Gokhale. « Qu’elles ne viennent pas pour l’instant. Demain, sera meilleur de toute façon. Veillez sur elles, Monsieur Taylor.

—    Ça… j’n’ai pas besoin de vous pour le faire. »

 

Taylor laissa sa place à Foa qui tint le drap pour protéger des bourrasques le duo. Le visage d’Heyward était déformé par la souffrance. Un froncement de sourcil barra le visage de Godfrey. Il avait découvert les restes de sa femme… maintenant, Nichol. Il ne pouvait rien faire. Son impuissance face aux événements le rendait furieux.

 

« Gardez votre énergie, Monsieur Foa. Vous allez en avoir besoin… et puis, ce n’est pas de votre colère qu’il a besoin… »

 

Le regard en biais que lui adressa le médecin indien, coupa le souffle à Foa qui en rougit légèrement. Jamais, il n’avait imaginé que ses sentiments étaient inscrits au milieu de sa figure. Finalement, il n’y avait que Heyward pour ne pas s’en être rendu compte ? A moins qu’il n’y ai que le perspicace Gokhale qui s’en soit aperçut ?

 

Quelques minutes plus tard, avec beaucoup de précaution, il souleva le corps lourd de Nichol. Une chose était sûre, c’est qu’il ne s’agissait pas de Sheryl. Tout son corps était crispé. Le sol détrempé était glissant et lorsqu’il ne l’était pas, il était si spongieux qu’il s’enfonçait dans la glaise meuble. A plusieurs reprisent il manqua de tomber. Le visage décomposé de Heyward le poussa à tenir le choc. Lui-même devait combattre ses propres blessures dont certaines se rappelaient à son bon souvenir.

 

Quand il aperçut enfin la petite maison de Gokhale, il poussa un soupir de soulagement. La porte s’ouvrit et Fidersbee apparu torse nu pour les faire entrer.

 

« J’ai tout préparé comme vous me l’avez demandé, Monsieur Gokhale.

—    Bien… préparer du linge pour Monsieur Foa. Vous irez vous déshabillez et vous séchez… »

 

Foa allait protester, mais le médecin retirait ses propres vêtements et les laissa en tas. Il lança au-dessus de son épaule.

 

« Poser Heyward sur la table de la cuisine. Je reviens tout de suite… et obéissez-moi, si vous voulez survivre ! »

 

Foa suivit Fidersbee et déposa délicatement l’homme inconscient. Immédiatement, le serveur déshabilla l’homme allongé. Il jeta un coup d’œil au Jackal et déclara préoccuper.

 

« Vous devriez vous aussi enlevez vos vêtements. Mettez-les près du poêle comme moi. Ils sécheront rapidement. »

 

Foa vit entrer dans la petite cuisine, le médecin. Il lui sourit et l’obligea à sortir. Foa comprit a ses manières qu’il ne s’en laisserait pas compter et puis… le temps pressait. Alors, il partit ronger son frein seul dans la pièce, qui faisait office, de salon, entrée, bibliothèque, et officine. La décoration était chargée d’objets divers ou de plantes, de bocaux et d’un immense poêle en céramique. Comment avait-il pu faire venir un pareil luxe dans un tel endroit ?

 

L’odeur qui prédominait était une délicieuse odeur de miel, et de fleurs séchés. Rapidement en sous-vêtements, Foa se laissa choir sur un fauteuil et attendit qu’on l’appelle. Visiblement ce n’était pas pour tout de suite. Il avait prit soin de se sécher dans une serviette moelleuse couleur safran. Le sommeil gagna l’homme. Passé son après-midi à observer la rage de Nichol… partir marcher durant des heures pour calmer sa propre frustration.  Tout ça pour voir l’homme qu’il aimait à terre baignant dans une marre de sang, c’était trop pour lui. Trop de mauvais souvenirs étaient remontés à la surface.

 

°°0O0°°

 

Lorsqu’il se réveilla trois heures plus tard, il sursauta dans son fauteuil. Il était désorienté et enfin les réminiscences de son combat lui revinrent. Souplement, il se dirigea vers la cuisine où se tenaient toujours Gokhale et Fidersbee. Ce dernier le détailla visiblement surpris.

 

« Il n’est pas… enfin, ce n’est pas encore finit.

—    Je vous appellerais, Monsieur Foa… vous m’aiderez à le déplacer dans ma chambre. Je n’en ai plus pour très longtemps…

—    Il va vivre ? » Demanda anxieux Godfrey.

 

Merde pourquoi se sentait-il aussi émotif soudainement. Il ne parvenait pas à être objectif, distant, ou… un homme maitrisant ses nerfs. Pas cette fois-ci…

 

Il rebroussa chemin et récupéra ses vêtements secs à présent. Le sang sur son corps avait séché et formait des croutes. Il verrait plus tard pour se débarrasser de ses tâches… Une fois vêtue, la voix paisible de Gokhale lui parvint.

 

« Monsieur Foa… venez récupérer votre… ami. Nous allons, l’installer confortablement. Je vous demanderai ensuite de partir. Vous donnerez des nouvelles à l’auberge. Je suis sûr qu’ils sont tous inquiets. »

 

Une demi-heure plus tard, Fidersbee et lui étaient aimablement mis à la porte. Gokhale soupira de soulagement. Il se dirigea à nouveau vers sa chambre et resta quelques minutes à observer son malade. Tout ce qu’il espérait, c’est qu’il ne meure pas durant la nuit.

 

°°0o0°°

 

 

Nichol se sentait nauséeux. Pourquoi son lit tanguait ? De plus la souffrance qu’il éprouvait le sortit de la léthargie dans lequel il était plongé. Deux bras le tenaient fermement. L’étreinte n’était pas douloureuse, même celui qui le portait semblait faire attention, mais… pourquoi tanguait-il autant ? Avec difficulté, il ouvrit un œil et ce dernier tomba sur un torse large et musclé. L’homme portait une veste en daim fourré. L’odeur était familière. Ses yeux se refermèrent. La lumière du jour le blessait… et comme la neige réverbérait, elle en était d’autant plus cruelle.

 

Neige ? Quant avait-il neigé ? Nichol bougea et gémit de douleur.

 

« Arrête de remuer ! Il faut que tu te réveilles au plus mauvais moment… »

 

La voix de Foa lui parvenait comme dans un brouillard. Il était clair, qu’il était contrarié. Pourquoi le portait-il ? Il ouvrit les yeux à nouveaux et rencontra l’éclat chocolat des yeux du Jackal.

 

« Qu’est c…

—    S’il te plaît… ne gigote pas ! C’est déjà très glissant… je n’en ai plus pour longtemps. Byrnes attend au bout du chemin pour te remonter avec sa camionnette.

—    Mais…

—    Tais-toi où je t’embrasse ! »

 

Les yeux de Nichol s’agrandirent de surprise. Il en oublia de protester ou de se débattre. Son cœur avait fait un bond dans sa poitrine. Nichol s’aperçut de sa position de « jeune mariée » et ouvrit à nouveau la bouche. Le ton rugueux de Foa l’arrêta net.

 

« Je te jure que je tiendrai parole ! »

 

Nichol ferma sa mâchoire et vit s’approcher du coin de l’œil, la vieille guimbarde de Byrnes. Par là même, il s’aperçut de la couche épaisse de neige qui était tombée sur le sol. Brusquement, les effluves marines lui parvinrent, le cri des goélands, le ressac des vagues, le bruit de pas amortis dans la couverture neigeuse qui crissait légèrement, la respiration hachée de Foa… son odeur aussi qui l’enveloppait. La voix de Byrnes.

 

« M’sieur Foa, j’peux vous aider ?

—    Ça ira… Tenez la porte de votre camionette ouverte et placez-vous de l’autre côté. Vous allez m’aider à le tirer doucement à l’intérieur.

—    Je ne suis pas en sucre…

—    La ferme ! Tu n’as pas ton mot à dire… »

 

Nichol se tourna vers le jackal furieux et voulu répondre. Il oublia ce qu’il allait dire lorsqu’il se sentit soulever comme une plume et qu’une bouche s’approcha dangereusement de la sienne. Foa amusé s’aperçut que sa moitié allait se tenir tranquille. Avec précaution il plaça le corps encore meurtri de Nichol dans la voiture. Il ne le montrait pas, mais intérieurement il était fou de joie.

 

Heyward s’était enfin réveillé. Après des jours d’inquiétudes, voir des semaines où il ne cessait de basculer entre la vie et la mort, il était à nouveau parmi le monde des vivants. Gokhale l’avait avertis trois jours avant qu’il pouvait enfin le ramener chez lui. Bella, Egan, Terence, Fox, Aaron  et surtout Analan l’attendait de pied ferme pour le dorloter enfin tout leurs souls.

 

En fait, de tous… c’était lui le plus impatient. Mais ça… chacun le savait à l’auberge. Même s’il restait imperturbable en surface, le fait qu’il puisse à présent retrouver chaque jour, l’aubergiste lui faisait réellement plaisir, et le mot était faible. Mais à défaut d’autres mots, il savourait l’instant où il pouvait encore le tenir dans ses bras.

 

Nichol essaya de rester calme. Il fit son possible pour ne pas être un poids ni pour Foa, ni pour Byrnes qui maintenant s’asseyait derrière son volant.

 

« J’ch’suis content de vous revoir, M’sieur Heyward ! Vous nous aviez manqué… Enfin, surtout à la petite et à M’sieur Foa ! »

 

Nichol se crispa. Le jackal n’avait rien entendu, il était monté sur la plage arrière parmi les courants d’air, et le bruit pétaradant du moteur avait en partie couvé ses paroles. L’aubergiste ferma à demi ses paupières. La blancheur immaculée lui blessait la vue. Et la douleur persistante sur son flanc et une de ses cuisses l’inquiétait. Lentement, il porta ses paumes de ses mains devant lui, et les examina.

 

De croutes s’y étaient formées. Il se souvenait à présent de son combat. Il… aurait dû être mort ! Qui l’avait aidé ? Foa ? Un tas de questions se bousculaient dans sa tête, mais une migraine galopante, et cette foutue nausée qui ne le quittait pas l’empêchait de s’informer. Et puis de toute façon, il le saurait tôt ou tard alors, s’énerver ne servirait à rien.

 

Lorsque le véhicule s’arrêta à l’arrière de l’auberge, Nichol respira à nouveau. La tenue assis lui était insupportable. La porte de l’auberge s’ouvrit à la volée et Analan couru vers lui. Un sourire se forma sur les lèvres de l’ancien Jackal. Le sourire de sa fille valait tous les trésors du monde. La porte fut ouverte par Foa qui vit le regard brillant d’émotion de Nichol vers Analan.

 

« Papa ! Papa… je suis si contente… tu es vivant !

 

Analan grimpa dans la voiture et voulu bondir sur son père. Ce dernier fut sauvé par Foa qui attrapa gentiment l’adolescente par la taille et déclara calmement.

 

« Tu ne voudrais pas que sa plaie s’ouvre à nouveau ?

—    Je suis désolée. » Fit la jeune fille écarlate. « J’ai… j’ai oublié. Mais… je peux l’embrasser ? »

 

Foa lâcha la taille mince, d’Analan qui sagement embrassa la joue de son père.

 

« Tu… ça va ?

—    Je n’ai qu’une hâte » souffla l’aubergiste. « c’est d’être allongé. »

 

L’adolescente se recula et Foa se pencha pour soulever Nichol. Ce dernier ne pipa mot, à la surprise de chacun. Enfin, tout le monde ignorait la menace qui planait au-dessus de sa tête. Et ça… être embrassé devant tout le monde, c’était impossible. Le sommeil le gagnait à nouveau. Il vit plus ou moins le sourire de Bella, d’Egan et Fidersbee… puis, plus rien.

 

Foa sentit le visage de Nichol se reposer contre son épaule. Le poids de l’homme s’était fait plus lourd. Bella partit devant pour ouvrir la porte, alors qu’Egan se saisit d’Aaron qui voulait rejoindre son père. Visiblement l’enfant ne comprenait pas ce qui se passait et allait commencer une crise de jalousie.

 

Lorsqu’il déposa Nichol dans son lit, tous se réunirent autour de l’aubergiste inconscient à nouveau.

 

« Maintenant », commença Bella, « c’est nous qui pourrons le soigner ! J’me sens si soulagée de le savoir ici…

—    C’est parce que maintenant, il est hors de danger Bella. » Déclara calmement Fidersbee. Il claqua sa langue contre son palais et demanda « Et si on allait se rincer le gosier pour fêter ça ? Après tout, nous l’avons plus que mériter ses derniers temps ! »

 

Tous hochèrent la tête. Ils quittèrent les lieux en silence. Foa ferma la porte en glissant un dernier regard vers l’homme endormis. Il s’était abstenu de tout geste de tendresses. Mais pour l’instant, ce n’était pas le moment. S’enliser dans ses sentiments, dans ses désirs et s’enfoncer plus profondément dans ses tourments… alors qu’il ne savait pas où tout cela le mènerait. Avant d’être tendre, il allait sonder l’aubergiste, être sûr…

 

Mais pouvait-on être jamais vraiment sûr en amour ? Il dévala les marches à contrecœur. Quelques minutes plus tard, un verre de vin pétillant entre les doigts, il trinqua avec les autres dans la cuisine où l’ambiance chaleureuse l’aida à dissiper son vague à l’âme. Nichol ne serait pas facile à convaincre.  

Chapitre 8

Habillée chaudement dans sa veste en laine, doublée de fourrure, Analan se dirigeait d’un pas timide vers le port. Ses amies ne faisaient rien pour l’encourager à continuer. Elle jeta un œil par-dessus son épaule et vit Li et Sarah se serrer l’une contre l’autre. Ce comportement la fit lever les yeux vers les cieux plombés.

 

« Bon sang ! Ayez un peu de courage…

—    Tu es marrante ! » Rétorqua à la fois contrariée et apeurée Li. « C’est au port que tu vas… et pour voir Guo Niu ! Dans ma famille, il est méprisé, il n’est pas un bon Chinois.

—    Je m’en fiche, de ce que pense ta famille. Pour moi… enfin, il a sauvé mon père alors…

—    Tu te jettes bêtement dans la gueule du loup et nous avec…

—    Vous vouliez m’accompagner pour avoir le frisson. Ce sont tes propres mots Sarah. »

 

Les deux adolescentes rougirent. En fait, sous l’excitation du récit d’Analan, elles avaient voulu voir de plus près ce héros, et en plus très bel homme dont toutes les femmes parlaient avec passion. Elles avaient occulté, tous ses types à la mine patibulaires qui les lorgnaient avec un intérêt concupiscant. Analan remonta ses mains dans son manchon en fourrure où elle avait caché un coutelât effilé.

 

« Franchement, je crois que toute cette histoire ne nous regarde pas ! » Lança Sarah prête à faire demi-tour.

—    Très bien ! Je ne te retiens pas… » Répliqua froidement. « Mais, tu pars sans moi, et pour rappel je suis la seule à être armée parmi nous.

—    Armée ? » Remarqua Li d’une voix stridente. « Tu plaisantes, tu as vu la taille de leur sabre ou de leur couteau.  Y’en a même qui ont des armes à feu Analan… on s’en va c’est trop dangereux… regarde comment ils…

—    Tu devrais écouter tes amies, Mademoiselle Heyward. »

 

Surprises, elles se tournèrent vers Guo qui portait une petite caisse sur l’épaule. Il était accompagné par plusieurs de ses hommes, tous chargés. Il se tourna vers eux et déclara sombrement.

 

« Allez finir de charger le Tian Chi… je vous rejoins.

—    Bien capitaine ! » Lança le second, avant de faire un geste vers l’ensemble des hommes présents pour reprendre la route.

 

Analan rencontra le regard pénétrant du Chinois qui se posait à nouveau sur elle. L’adolescente rougit en songeant aux paroles de ce dernier. Elle se trouvait mal à l’aise et ridicule subitement.

 

« Tu pars ? » Balbutia-t-elle surprise.

 

Niu éclata de rire et ébouriffa les cheveux d’Analan affectueusement.

 

« Bien sûr ! Ma vie, je ne la passe pas sur la terre ferme ! Je te rappelle que je suis un pirate…

—    Je le sais, mais je ne m’attendais pas à aussi tôt… enfin, je…

—    Je te manquerais donc ? » Taquina l’homme en se penchant vers une adolescente cramoisie.

—    Imbécile ! Comme si tu pouvais me manquer…

—    Bien, bien… » Sourit Guo, en se redressant. « Je vais te raccompagner vers des rues plus fréquentables pour toi et tes amies. Ce sera plus sage. N’est-ce pas mesdemoiselles ? »

 

Analan se tourna vers ses deux amies qu’elle avait un peu oublié au passage, depuis l’arrivée de Guo dans les parages, et fut stupéfaites de voir des étoiles dans leurs yeux. Elles paraissaient hypnotisées. Sarah et Li hochaient la tête avec un air rêveur qui agaça Analan. Il était à elle ! Surprise par sa réflexion, elle blêmit. Perdait-elle la tête ?

 

« Quelque chose ne va pas ? » Interrogea l’Asiatique qui avait vu le changement de comportement de l’adolescente.

« Non, tout va bien.  Je crois que tu as raison, je vais… retourner chez moi.

—    Ton père va mieux, j’ai entendu dire. » Continua nonchalamment Guo.

—    Oui, c’est pour cela que je venais. Je… je ne t’avais pas vu depuis… depuis…

—    C’est terminé Analan. »

 

Guo posa sa main sur l’avant-bras de la brune qui leva des yeux de bête traquée vers lui. Il pressa doucement sur le membre et repris sereinement.

 

« Oublie cela.

—    Je voulais te remercier pour ce que tu as fait ce jour-là… Jamais papa ne serait vivant, si tu n’étais pas intervenu…

—    Je ne l’ai pas fait pour lui, Analan. » Répondit sérieusement Niu en fixant Analan droit dans les yeux. « Je l’ai fait avant tout pour toi ! Je ne t’ai jamais menti, lorsque j’affirmais que je voulais faire de toi ma femme. »

 

Une exclamation de surprise de ses deux amies, leur fit tourner la tête. Pour ensuite, reporter leurs attentions sur eux. Analan demanda d’une voix enrouée.

 

« Et tu as changé d’avis ? »

 

Guo éclata de rire, laissant voir des dents blanches parfaitement alignées. Il secoua la tête et tapota le sommet du crâne d’Analan.

 

« Si je pouvais, je t’embarquerais de force sur le Tian Chi. Mais… par respect pour ton père et pour toi, je ne le ferais pas. J’attendrais bien sagement que tu sois majeure.

—     Je ne suis pas sûre que même malgré cela papa soit d’accord.

—    Oui, mais toi tu pourras choisir la vie que tu souhaites mener. D’ici là…

—    Je pourrai tomber amoureuse de quelqu’un d’autre ! » Répondit avec défit Analan.

 

Guo haussa un sourcil et déclara moqueur.

 

« Tu sais que tu viens de m’avouer, que tu l’étais de moi ? »

 

Analan rougit violemment. Non, elle ne s’en était pas aperçue. En fait, elle le découvrait. Elle toussota pour se redonner contenance, mais ne répondit rien. De toute façon, c’était vrai. Guo eut un petit sourire satisfait et passa ses mains derrière son dos, il avait calqué depuis longtemps son pas à celui d’Analan. Il reprit.

 

« J’ai su que ton père était… toujours alité.

—    Il ne pourra plus soulever de charge lourde. Ni l’Alligator… En fait, tous les travaux qu’il effectuait avant…

—    Oui, mais il a Foa Requiem avec lui. » Répondit calmement le pirate.

—    Oui, mais il va partir un jour.

—    Là, je n’en suis pas si sûr. » Sourit Guo.

—    Pardon ?

—    Tu n’es pas au courant Analan ? » Interrogea Sarah surprise.

—    De quoi ? Je ne suis au courant de rien. Monsieur Foa s’installe en ville ?

—    Non, idiote ! C’est le petit ami de ton père !

—    Quoi ! » S’exclama livide l’adolescente. « C’est quoi cette allégation ridicule.

—    Non, c’est un bruit qui coure depuis quelque temps déjà. » Affirma sereinement Li d’un air entendu. « Ton père et Monsieur Foa sont ensemble. Y’a pas mal de femmes en ville qui pleurent… Monsieur Heyward était pas mal apprécié auprès de certaines femmes mariées.

—    C’est impossible ! Deux hommes ensemble, ça ne peut pas exister… » Fit d’une voix blanche Analan qui essayait de coller son père et Foa. Une grimace de dégoût apparut sur ses traits.

—    Pourtant, cela existe… » Répondit calmement Guo. « Certains de mes marins ont se penchant.

—    C’est impossible, je vous dis. » Rétorqua fermement Analan. « De toute façon, mon père ne fait que dormir dans sa chambre et Monsieur Foa le voit rarement… et, et…

—    Et tu devrais laisser ton père mener sa barque tout seul. Toi, quand tu auras quelqu’un dans ta vie et qu’il n’aura pas le profil que recherche ton père, vas-tu te soucier de lui demander sa permission ? C’est pareil pour toi ! » Répondit Guo sèchement. « Ne t’immisce pas dans les affaires de ton père.

—    Tu as l’air de, de… vouloir qu’ils puissent y avoir quelque chose entre deux hommes ! » Répliqua Analan.

—    J’ai vu suffisamment de choses dans ma vie, pour ne pas être choqué par quelque chose d’aussi trivial.

—    Et bien moi, je suis choquée et je ne suis pas d’accord. » Protesta vigoureusement Analan contrariée.

—    Voilà pourquoi, j’ai dit que j’attendrais ! »

 

Le couple se foudroyait du regard à présent. Guo s’arrêta et observa les environs et déclara sombrement.

 

« Je pense te laisser ici, c’est très bien. Et rentre chez toi, ou passe ta soirée chez tes amies. Ne viens plus ici. Tu n’as rien à y faire !

—    Pourtant, c’est vers ce genre de vie où tu veux m’entraîner ! » Rétorqua Analan.

—    Oui, c’est pourquoi tu as intérêt à bien y réfléchir. Sur ce, passe une bonne journée. »

 

Niu s’inclina vers elle, puis vers ses amies, avant de faire un demi-tour impeccable et disparaître dans la foule de marins. Un frisson traversa Analan. Elle songea à son père et au Jackal resté parmi eux.

 

« Allez Analan, ne restons pas là… rentrons ! »

 

Le groupe d’adolescentes se dirigea vers la maison bourgeoise des Summers, et le principal sujet de discussion fut le prochain mariage d’Analan et de Guo. Enfin, surtout entre Sarah et Li qui étaient excitées comme des puces. Analan, elle s’était enfermée dans une certaine léthargie. Entre les révélations sur son père, et le destin qu’elle devrait choisir plus tard… chose à laquelle, elle ne s’était pas préparée, l’avenir lui semblait bien sombre.

 

°°o0o°°

 

En plus du ressac des vagues, les halètements d’un homme se faisaient entendre. Ce dernier soulevait des planches en bois conséquentes pour les déposer en tas près d’une construction attenante à la maison principale. Godfrey fronça les sourcils en observant les planches qu’il avait déjà scellées ensemble, il lui restait une bonne moitié à terminer. Il se pencha et en ramassa une. Bientôt l’appendice qu’il avait construit pour réfugier tout le stock qui encombrait le bureau de Nichol, serait terminé.

 

Ainsi, Nichol pourrait s’installer dans sa pièce pour s’occuper des comptes ou il ne savait quoi. Mais, au moins, il aurait une pièce pour lui. De plus, le petit aménagement qu’il avait fait au niveau des portes de l’extension du bâtiment, qui était beaucoup plus large, et la petite rampe en pente douce permettrait de rouler les tonneaux, plutôt que de les soulever. Il songea à Fox qui avait déménagé la veille. Il avait refusé de lui apporter son aide pour la construction. Seul Byrnes lui avait donné les règles de bases pour son extension.

 

Il s’accroupit pour ramasser son marteau et quelques clous. Il allait commencer à planter les premiers, lorsqu’un bruit de pas se fit entendre derrière lui. Foa tourna son visage et vit entre ses cheveux mi-longs, Analan qui l’observait fixement. Il se détourna et continua son travail. Apparemment, elle n’était pas prête pour lui adresser la parole. Durant une heure, il continua à poser ses planches et lorsqu’il se pencha pour prendre sa gourde et boire de l’eau, se fut Analan qui la lui tendit.

 

« Vous aimez mon père ? » Demanda-t-elle abruptement.

 

Surpris par cette question sans détour, Foa baissa son regard vers la fille de l’aubergiste.

 

« Je ne vois pas en quoi cela te concerne…

—    Je suis sa fille… J’ai le droit de savoir.

—    Vas-tu décider pour lui ?

—    Non, mais, j’aimerais savoir. Je n’arrive pas à croire que vous puissiez tomber amoureux et surtout pas de… d’un autre homme.

—    Ton père est le seul. » Rétorqua calmement Foa.

—    Mais c’est contre nature ! » Fit Analan outrée par ce genre de relation.

—    Qu'est-ce que tu vas faire ?

—    Je n’en sais rien…

—    Alors, ne te mêle pas de sa vie.

—    Mais, vous avez un fils, et vous pouvez reconstruire votre vie avec une femme ! Toute la ville en parle… de vous et papa.

—    Et cela te dérange ? » Interrogea Foa qui eut un coup au cœur en apprenant la nouvelle.

 

Il ne voyait presque pas Nichol depuis qu’il était revenu dans son auberge. Il n’avait pas pu lui parler. La plupart du temps, Heyward dormait, et quand il ne dormait pas, il restait enfermé dans sa chambre solitaire. Foa brûlait de défoncer cette putain de porte, mais il savait aussi que l’ancien Jackal était faible. Alors, il attendait des jours meilleurs pour pouvoir aborder le sujet. Entendre dire par Analan qu’ils étaient déjà un couple ailleurs, le surprenait et… lui plaisait.

 

« Je ne sais pas. Je ne sais plus… Je ne vous déteste pas. En fait, je vous suis reconnaissante d’avoir sauvé papa, de vous en occuper avec tellement de dévouement. De vous investir dans l’auberge… je veux dire par là, vous avez pris la place de papa avec tellement de facilité. Les clients n’ont pas l’air choqué.

—    Je ne fais rien de répréhensible.

—    C’est vrai. »

 

Godfrey arrêta et s’assit sur un gros rondin qui lui servait d’établit. Il observa Analan.

 

« Je ne veux que le bonheur de ton père… Tout ce que je fais pour lui, je ne le fais pas par pitié. Cette tête de mule refusera la moindre aide de qui que ce soit. Alors, je prends les devants. Et puis… j’aime ce coin.

—    Vous ne comptez pas partir ?

—    Si ton père veut de moi, je compte bien m’installer ici.

—    Il n’a pas encore accepté ?

—    Il ne parle à personne… et encore moins à moi. J’apprécie que tout le monde puisse nous voir comme un couple, mais Heyward Nichol ne voit en moi qu’une gêne.

—    Vraiment ? » Analan fronça les sourcils. « Je dirai que papa vous aime bien, au contraire. Il ne se laisse jamais approcher par personne. Et puis, il vous a logé chez nous, quand j’y pense à présent. Pas dans une chambre d’hôtel, mais… à la maison. Ce n’est pas son genre.

—    Arrête, je n’aime pas vivre dans l’espoir.

—    Je ne devrai pas vous en donner… mais, si papa vous aime… »

 

Godfrey se redressa et se pencha pour ramasser une nouvelle planche. Il ne voulait pas entendre ce genre de choses. Pas maintenant.

 

« Retourne auprès de lui…

—    Allez lui parler. Il n’est pas aussi terrible que vous pensez le croire. »

 

Foa ne s’arrêta pas de clouer le bout de métal. La scène ou Nichol s’acharnait sur des bouts de bois avec sa hache était assez fraîche dans ses souvenirs, lui laissant un arrière-goût amer dans le fond de la gorge. Sincèrement, il ne se sentait pas près à affronter Nichol pour l’instant. Enfin, il devrait prendre un jour son courage à deux mains.

 

°°oOo°°

 

Assis sur son lit, Nichol observait ses béquilles avec inquiétude. Gokhale était partit depuis un petit quart d’heure. Le médecin avait insisté pour qu’il se remette à vivre normalement à présent. Nichol n’était pas contre, c’était l’idée qu’il tombe sur Foa qui le tourmentait. Ses foutues béquilles lui redonnaient la possibilité d’affronter le monde, mais était-il près à faire face à Godfrey Foa?

 

Son prénom lui était devenu familier à présent. Fidersbee, Bella et Taylor lui expliquaient par le menu tout ce qu’entreprenait le Jackal. Lui n’avait pas eu le courage de le faire, il songeait notamment à l’appendice à côté de l’auberge. Même Analan était venu lui parler de Foa. Elle tentait visiblement de lui faire dire quelque chose, mais lui n’était pas prêt.

 

Finalement, il se saisit des cannes et les plaça sous ses bras. Il se redressa en grimaçant, son corps était devenu faible en plus de quatre mois d’immobilisation. Jamais, il n’aurait été si paresseux, s’il n’y avait pas eu Godfrey. Il traversa sa chambre et respira doucement, lorsqu’il affronta les escaliers. Gokhale, l’avait averti qu’il ne pourrait plus faire la plupart des mouvements qu’il effectuait avant. Son combat avec Sharck notamment ses coups d’épées avaient endommagé pas mal de ses organes internes.

 

En plus de cela, même les morceaux de bois qui s’étaient fichés dans sa jambe n’avaient pas laissé que de bons souvenirs. Il descendit avec précaution les marches et une fois en bas, entra dans la cuisine. Egan fut visiblement ému de le voir debout.

 

« Patron, je suis heureux de vous voir. Vous mangez avec nous ce midi ?

—    Oui… Monsieur Gokhale veut que j’abandonne mon statut de malade.

—    Vous avez bien le droit de vous faire dorloter de temps en temps. » Déclara Bella en entrant les bras chargés de couverts.

—    Apparemment, ma période de rétablissement est finit. Et puis, je suis en train de m’encroûter. Je vais faire un tour dans l’auberge. Analan est à l’école ?

—    Oui, Monsieur Heyward. » Répondit Bella. « Son moral va un peu moins bien depuis que Guo a quitté les environs.

—    Guo ?

—    Je crois qu’elle en est amoureuse. » Répondit Bella sur le ton de la confidence, le sourire aux lèvres.

—    C’est un pirate ! » Rétorqua Nichol.

—    Et toi un ancien Jackal… Tu as l’intention de la mettre sous serre Nichol ? »

 

Lentement, l’aubergiste se tourna vers Foa Requiem… qui ressemblait à présent à un homme ordinaire. Il portait un pantalon noir, et une chemise crème entrouverte au col, sur son cou puissant. Une veste chaude en laine sombre tomba de ses épaules. Le Jackal l’accrocha à la patère. Il repoussa ses mèches sombres collées par le brouillard extérieur.

 

« J’ai terminé de rentrer les barriques Egan, et j’ai rapporté du bois. Je retourne en salle, j’ai vu qu’Harvey Mc Neal était entré. »

 

Foa passa devant Nichol sans lui adresser le moindre regard. Son expression sombre et son attitude n’invitaient pas vraiment de toute façon à la conversation de salon. Nichol se sentait perdu. Comme s’il avait été parachuté dans un monde étranger, dont il connaissait les contours par le rêve.

 

« Venez-vous asseoir Monsieur Heyward ! » Invita Bella. « N’vous emballez pas, dès le début.

—    Tout à l’heure. Je voudrais faire le tour de l’auberge avant. Je ne commettrai pas d’imprudence. »

 

Nichol adressa un sourire rassurant à Bella. Il sortit par la porte à l’arrière de la maison. Il se sentait impatient de voir le nouveau local. Ses yeux virent que l’arrière du bâtiment était encore encombré de reste de chantier. Il marcha lentement vers le local et admira la construction. Il admit que Foa l’impressionnait. Lui était incapable de faire aussi bien. Peut-être était-ce dû au fait que sa famille possédait auparavant une fabrique de cercueil ?

 

L’aubergiste franchit l’espace qui le séparait du local. Ses doigts touchèrent le bois brut. La rugosité de la matière le rendit rêveur. Sa main s’était attardée sur la poignée, puis il avait laissé cette dernière retombée. Il fit demi-tour et en profita pour jeter un coup d’œil à son auberge. Nichol entra par la porte d’entrée principale et vit Mc Neal sortir un couteau.

 

Il traversa la pièce avec difficulté. Le trajet lui parut interminable, il bloqua l’arme qui s’arrêta à quelques centimètres de Foa, occupé à régler un autre différent d’alcooliques. Un lourd silence régna dans la pièce. Tous les regards étaient braqués sur Heyward, qui fixait Mc Neal. Il lui broya la main au passage. Le craquement de doigts fut perçu par chacun dans la salle. Foa se tourna surpris par l’agitation dans son dos. Il vit l’arme toujours braqué vers lui et la main d’Heyward qui bloquait le couteau.

 

La colère qu’il lisait sur les traits figés de Nichol, l’interpella.

 

« Je peux savoir depuis quand il est autorisé de sortir une arme dans mon auberge ?

—    M’sieur Heyward… arrêtez, j’vous en prie… ma main… ça fait mal… »

 

Nichol relâcha son prisonnier. L’ancien Jackal se tourna vers l’assemblée présente.

 

« Aurais-je besoin de vous rappeler le règlement ou bien croyez-vous que je ne suis plus assez fort pour modérer vos ardeurs  ?

—    Ce salaud n’veut pas m’servir ! Et y’s’mêle de c’qui l’regarde pas… déjà en ville la dernière fois, j’n’ai pas oublié Foa !

—    Depuis quand violer une femme est autorisé ?

—    Ta gueule ! M’donne pas des leçons d’morale lopette ! Ça risque p’t’arriver… »

 

Foa haussa un sourcil et s’approcha doucement de sa proie qui recula prudemment tout en continuant de serrer sa main tremblante dans l’autre. Il se retrouva bloqué par une table. Nichol observa Godfrey se débrouiller avec un Mc Neal qui perdait de sa superbe légendaire. Il haussa les épaules et se dirigea  vers son bar. Fidersbee vint le rejoindre.

 

« M’sieur Heyward, vous avez besoin de quelque chose ?

—    Va me chercher un tabouret… Je voudrais jouir du spectacle.

—    Tout d’suite M’sieur Heyward ! »

 

Terence attrapa un tabouret avec un grand sourire et l’installa au coin du comptoir. Ce dernier lui secoua la tête, et désigna le milieu du bar. Immédiatement Fidersbee s’exécuta.

 

« Merci Fidersbee…

—    Vous voulez quelque chose ?

—    Les cahiers sont toujours rangés au même endroit ?

—    Non, j’les ai changés de place. Comme vous étiez plus là.

—    Peux-tu aller me les chercher ? Je voudrais vérifier certaines choses.

—    Oui, M’sieur Heyward. »

 

Le regard de Nichol se dirigea vers Foa qui déménageait sans aucun problème la grosse caisse de Mc Neal. Comment se type pouvait croire un seul instant qu’il pourrait battre le Jackal ? Avait-il reçu un coup un peu trop fort sur la tête dernièrement ?

 

« M’sieur Heyward… voici. Vous mangerez ici ?

—    Non, je sens que…

—    Ne vous inquiétez pas. Je vais avertir Egan de vous mettre votre assiette au chaud pour quand vous aurez fini vos comptes ! »

 

L’employé disparu. Bella apparut accompagné d’Aaron qui bondit dans les bras de son père. La gorge de Nichol se noua. Pourquoi cela le bouleversait ? Il ne se comprenait plus dernièrement. Il ouvrit ses cahiers et observa les dépenses et les encaissements. Tout était soigneusement noté et reporté. Il ne reconnaissait pas l’écriture volontaire.

 

« J’espère ne pas mettre trompé. »

 

Surpris Nichol leva les yeux et rencontra le regard d’encre du Jackal. Un frisson traversa l’aubergiste. Il se maîtrisa et resta imperturbable face à Foa.

 

« C’est toi qui as fait ça ?

—    Egan, Bella et Terence ne voulaient pas ou ne pouvaient pas s’en occuper. Alors, me suis chargé de le faire. J’espère que je ne me suis pas trompé.

—    Je n’ai pas regardé de manière approfondit, mais tout me semble juste au premier coup d’œil. Je… je te remercie. »

 

Nichol releva la tête et fixa droit dans les yeux le Jackal. Aaron tendit les bras vers Nichol.

 

« Je peux venir avec toi ?

—    Euh…

—    Il ne peut pas Aaron. Monsieur Heyward est encore convalescent…

—    Ah… Je peux jouer dans la salle ?» Demanda le gamin pas effrayé pour un sou par les groupes d’hommes pourtant peu engageants.

—    Je préférerais que tu ailles de l’autre côté Aaron. Répondit calmement Nichol. Tu seras plus à ton aise. Tu viendras ici lorsqu’il n’y aura pas beaucoup de monde.

—    Ça fait combien ? » Fit le gamin si semblable à son père.

—    Lorsque la salle sera vide, et encore, s’il y a Bella, Terence, moi ou Monsieur Heyward. Maintenant, tu retournes à l’arrière. » Déclara fermement Godfrey en fronçant les sourcils légèrement.

—    D’accord ! »

 

Aaron quitta les bras de son père et se dirigea vers les cuisines où l’attendrai certainement Egan avec un tas de crayons de couleurs. Nichol s’aperçut qu’ils étaient le point de mire de l’établissement. Tous étaient suspendus à leurs lèvres, le regard peu amical de Nichol les fit tourner toutes leurs têtes, et bientôt le brouhaha familier repris.

 

« Nichol… il faut que je te parle. Sérieusement. »

 

L’aubergiste examina les traits de sombres de Foa. Le moment qu’il redoutait approchait. Mais, s’ils devaient discuter se serait seul à seul. Il répondit calmement.

 

« Très bien… mais pas ici. Je ne veux pas être dérangé. J’avais l’intention, cet après-midi, de me rendre à la plage. Accompagne-moi.

—    Tu m’avertiras… je veux dire, je comptais rester jusque vers quatorze heures. Il y a beaucoup de monde pour le service.

—    Je pense que j’irais m’allonger de toute façon… »

 

Nichol posa inconsciemment une main sur sa plaie qui le faisait atrocement souffrir. Foa avait suivi son regard et fronça les sourcils.

 

« Je regrette de ne pas avoir pu venir plus tôt et plus vite…

—    Tu m’as sauvé la vie, celle de ma fille. Je te suis reconnaissant Foa et plus que tu ne le penses.

—    Ce n’est pas de cela dont j’ai envie. » Chuchota sombrement le Jackal.

—    J’ai dit que nous parlerions tout à l’heure !

—    J’attendrai, ne t’inquiète pas.

—    Ça n’risque pas. »

 

Nichol se replongea dans ses livres, et Foa attendit quelques secondes avant de se détourner. Son cœur battait aussi lourdement que le jour où il avait demandé à Sheryl de lui accorder sa main. Ce n’était pas forcément gagné non plus à l’époque. L’ombre de Nichol planait toujours au-dessus d’eux. À présent c’était à Nichol qu’il allait s’adresser et lui… Foa songea résigner qu’il préférait se battre contre un Sharck en pleine forme que contre un Nichol malade. Le temps lui semblerait long d’ici aux heures à venir.

 

°°o0o°°

 

Installé sur son gros rocher qui lui servait de plongeoir quelques mois plus tôt, Nichol attendait que Foa le rejoigne. Le brouillard s’était levé, seul restait le ciel gris. Il était à peine quinze heures. Le sommeil l’avait gagné et c’est difficilement qu’il s’était arraché à son lit. L’air marin chargé d’iode, l’apaisait. Les vagues moutonnaient et le cri des goélands formait la touche finale d’un tableau ancestral de bord de mer.

 

Sa mémoire, lui repassait toute sa vie. Celle auprès de la faucheuse, ou bien avec Fox. Ce dernier d’ailleurs, avait repris un commerce à Arasma. Visiblement, il se plaisait plus ici qu’à Cicero city. Le visage de Sheryl effleura ses souvenirs pour être vite remplacé par les traits plus rudes de Godfrey Foa Requiem. Il n’arrivait pas, à définir ses sentiments pour cet homme. 

 

Un roulement de cailloux l’averti d’une présence qui s’approchait du lieu où il se trouvait. Il ne se tourna pas pour voir arriver Foa. Ce dernier se laissa choir à côté de lui. Il déclara moqueur.

 

« J’aurais pu te buter, tu sais…

—    C’est vrai…

—    Tu ne te serais pas défendu ? S’étonna Foa soucieux.

—    Que veux-tu que je fasse à présent contre toi ou n’importe qui d’ailleurs. À plus forte raison contre toi !

—    Ne soit pas si nerveux… Je ne lèverai pas la main sur toi. Tu veux une bière ? »

 

Nichol haussa les sourcils et observa la canette en verre, avant de la prendre. Il déboucha le goulot et le porta à sa bouche.

 

« Tu as pourtant brisé quelques doigts à Mc Neal… tout à l’heure.

—    S’il avait fait le moindre geste pour me faire lâcher, c’était moi qui étais à terre… » Marmonna Nichol.

—    Il ne l’a pas fait ! Ça devrait calmer quelques ardeurs…

—    Pour combien de temps ? Je ne suis pas prêt, si j’ai bien compris Gokhale de pouvoir agir comme autrefois.

—    Je suis là, moi. »

 

Les deux hommes s’observèrent du coin de l’œil. Nichol sentait un malaise le gagner. La nervosité aussi. Pour se donner une contenance, il avala une gorgée de houblon.

 

« Je ne plaisante pas. Prends-moi à ton service.

—    Je n’ai pas les moyens financiers de te payer, et tu le sais très bien, si tu as lu mes comptes !

—    Je te demande seulement d’être nourri, logé, blanchis…

—    C’est de l’esclavagisme…

—    C’est moi qui décide si les termes me conviennent ou pas. De l’argent, j’en ai plus qu’il ne m’en faut. Je pourrais même t’aider.

—    Je n’ai pas besoin de ta pitié.

—    Aimé une personne, ce n’est pas en avoir pitié. »

 

Nichol se raidit. Il ferma quelques secondes les yeux et tenta de calmer les battements de son cœur. Il était troublé, il devait au moins l’admettre.

 

« Je ne plaisante pas.

—    Je le sais.

—    Tout le monde, pense que nous formons un couple. Si c’est pour l’impact de la nouvelle sur la population, si c’est ce qui t’inquiète, c’est acquis pour tous.

—    Cela n’a rien à voir.

—    Qu’est ce qui te dérange alors ?

—    Tu es un homme, crétin ! »

 

Nichol s’était tourné sur lui avec colère cette fois-ci. Une fit une grimace de douleur. Foa passa une main sur son épaule, inquiet.

 

« Ne t’agite pas comme ça, tu vas te rouvrir tes blessures… »

 

Foa passa une main sur son épaule, soucieux.

 

« Ne t’agite pas comme ça, tu vas te rouvrir tes blessures…

—    Ne me touche pas ! » Chuchota Nichol.

 

Foa rencontra le regard bouleversé de Nichol. C’était la première fois qu’il le voyait ainsi depuis bien longtemps. Le Jackal se pencha vers Nichol hypnotisé par son regard.

 

« C’est ça qui te trouble ?

—    Tu en ais un !

—    Et alors ? Tu n’es pas né de la dernière pluie… » Foa se jeta à l’eau. « Laisse-moi t’embrasser rien qu’une fois. Laisse-moi seulement faire une fois et si tu détestes vraiment ça, je te laisserais tranquille… »

 

Chapitre 9

Chapitre 9

 

Foa n’était plus qu’à quelques centimètres de la bouche de Nichol. Ce dernier observa le visage suspendu au-dessus de lui. Une sirène d’alarme résonna dans sa tête. Mais, il ne bougeait pas. Pas question de fuir… Et puis, quelque chose dans le regard de Foa l’envoûtait… quelque chose qu’il n’avait pas lu depuis de nombreuses années. Godfrey prit le silence de Nichol pour un assentiment.

 

Sa bouche effleura celle de l’ancien Jackal. Il restait sur le qui-vive au cas où Nichol se rebellerait. L’immobilité d’Heyward, l’enhardit. Un délicieux frisson lui traversa l’échine. Peut-être que les choses seraient plus simple que prévu ? Une de ses mains glissa derrière la nuque d’Heyward et c’est avec tendresse qu’il se saisit des lèvres entrouvertes de Nichol.

 

L’aubergiste se laissa faire, incapable de repousser Foa. L’odeur et la chaleur du Jackal lui faisait un effet inattendu. Il était surpris par la douceur de ses lèvres qui ne le forçaient pas. Il apprécia le contact et à sa grande surprise, un de ses bras s’enroula autour de la nuque de Foa. C’était si bon. Si surprenant, qu’il en oubliait ses réticences du départ. Son cœur cognait allégrement ses côtes. Une chance qu’ils soient assis, ses jambes ne l’auraient pas porté.

 

Plus le contact entre eux devenait intime, plus Nichol en voulait. Sa langue cherchait à entrer en contact avec celle de Foa. Il ne fut pas déçu, avec sensualité ce dernier enroula cette dernière autour de la sienne. Les bras de Godfrey se resserraient autour de Nichol, l’enveloppant d’une étreinte sûre, mais non appuyée. Comme s’il prenait soin de ne pas appuyer sur ses blessures encore douloureuses.

 

Foa perdit pied avec la réalité, et fit basculer progressivement Heyward. Il le désirait. Comme jamais personne auparavant. Sa bouche se détacha de celle de Nichol. Ses lèvres descendirent la mâchoire de l’homme pour remonter au lobe de son oreille. Ses mains passèrent sous ses vêtements, et des doigts enserrèrent sa gorge brusquement.

 

« Lâche-moi…

—    Mais…

—    Je te dis lâche-moi, Foa… où je t’arrache la carotide ! »

 

Le jackal se redressa à contre cœur et observa mi-moqueur, mi-contrarié Heyward qui se levait en grimaçant de douleurs.

 

« Aurais-tu peur Nichol ?

—    La ferme ! Je n’ai pas envie d’entendre tes réflexions stupides…

—    Tu me fais pitié Heyward… »

 

Le regard surpris de Nichol se posa sur lui. Foa tentait le tout pour le tout, mais il ne pouvait pas les laisser les choses en rester là. Son corps criait à l’injustice, et lui se mourrait de ne pas continuer leurs échanges. Quand Heyward ouvrirait les yeux ? Cela ne pouvait pas continuer éternellement comme ça entre eux.

 

« Pense ce que tu veux de moi. Mon objectif n’est pas de te plaire. Tu n’es rien pour, moi… je te suis juste reconnaissant de l’aide que tu m’as apportée.

—    Reconnaissant ? » Ricana Godfrey en détaillant la silhouette devant lui. « Alors, si tu devais être reconnaissant à la taille du service rendu, c’est ton corps tout entier que tu devrais me donner et non cet ersatz d’affection ! Si c’est tout ce que tu as à offrir, tu es devenu pingre…

—    J’imagine que mon aide ne compte pas dans le lot ?

—    Je pense que t’avoir remplacé dans cette auberge durant ta période de convalescence, couvre largement ce que je te devais… maintenant, si tu es quitte avec ta conscience, tant mieux pour toi. »

 

Énervé Foa quitta les lieux, laissant Nichol prit au dépourvu. Le regard de l’aubergiste suivit la haute stature qui disparaissait derrière les rochers. L’ancien Jackal s’aperçut qu’il faisait de l’apnée depuis qu’il avait cessé d’embrasser Foa. Il reprit son air, et ricana à son tour d’un rire désabusé. Il ne devait rien à Foa Godfrey Requiem… strictement rien !

 

°°0°0°°

 

C’est accompagné de Fidersbee, de Bella et d’Analan que Nichol entra dans son nouveau bureau. Il s’immobilisa. La pièce avait été débarrassée de tout le superflu. Seul une table, une chaise et une grosse armoire restaient. Des rideaux en dentelle avaient été ajoutés à la pièce. Bella s’écria fièrement.

 

« C’est moi qui est eu l’idée Monsieur Heyward… comme ça, on ne vous verra pas de l’extérieur, alors que vous pourrez admirer la mer depuis votre bureau. »

 

Nichol se déplaça dans son bureau et admira le sol qui avait été poli et ciré. Fidersbee sourit largement.

 

« C’est M’sieur Foa qui a fait ça… En fait, il s’est occupé de cette pièce tout seul, mis à part les rideaux, pour lequel il n’était pas vraiment pour.

—    Il a passé beaucoup de temps pour la terminer et il s’est occupé de déménager le matériel d’ici dans le nouvel établit. Viens, je vais te montrer… » Lança Analan.

 

L’adolescente entraîna son père, en lui saisissant la main. La porte qui donnait un accès direct sur la cour était plutôt plaisant à présent qu’elle était dégagée de tout ce qui l’obstruait depuis les débuts de l’auberge. Nichol s’aperçut que tout ce qui encombrait le passage avait été nettoyé, faisant place nette devant le nouvel appendice. Il entra et vit ses tonneaux soigneusement rangés sur des racks.

 

« Tu as vu ? » S’excitait sa fille. « Il a fait un travail magnifique. Je ne savais pas qu’il était aussi bon menuisier.

—    Moi non plus…

—    Il faudra penser à le remercier. »

 

En disant cela, Analan surveillaient les réactions de son père. Elle avait vu que depuis un bon mois les deux hommes ne se parlaient plus. En fait, elle aurait dit que Foa fuyait son père comme la peste. Et ce dernier ne cherchait visiblement pas à se rapprocher du Jackal. Mais, elle le connaissait suffisamment pour savoir que tout ceci n’était qu’une façade. À croire que son père était incapable de se rendre compte qu’il était amoureux !

 

Elle avait vu ses regards qui suivaient Requiem quand il pensait ne pas être observé. Elle avait remarqué ses expressions douloureuses, lorsqu’il se montrait joyeux avec un des employés ou avec ses clients. Elle n’était pas folle. Le fait que son père n’arrive pas à s’avouer ses sentiments, la blessait. Analan qui pensait qu’elle ne pourrait pas supporter de voir son père dans les bras d’un autre homme, se mettait à espérer. Il fallait que Godfrey et Nichol finisse leurs vies ensemble. Elle devait bien l’admettre, ils étaient faits l'un pour l’autre.

 

Nichol avait fait le tour de son nouvel espace de stockage et songea que tout était décidément parfait. Jamais il n’aurait pu fabriquer pareille pièce et surtout tous le matériel pour rendre le rangement facilité. Il devait bien le reconnaître Foa était habile de ses mains. Plus qu’il ne le serait jamais. Il se sentait frustre à côté.

 

Le bruit de la clef qui tourne coupa le silence.

 

« Tu en penses quoi papa ? » Insista Analan suspendu à ses lèvres. « Tu n’as rien dit… »

—    C’est… très beau.

—    Tu vas remercier Foa ?

—    Il faudrait pour cela qu’il arrête de m’éviter ! » Répliqua sombrement Nichol.

—    Il n’est pas si difficile à trouver… » Sourit taquine Analan. « Il est soit à l’auberge ou il est à la plage…

—    À la plage ? » S’étonna Nichol.

—    Il pêche à la ligne soit depuis une corniche de la falaise ou bien, il est sur la plage. Il améliore l’extra des repas.

—    Il est devenu… indispensable.

—    Ça c’est toi qui le dis. Papa, je vais terminer mes devoirs. Et n’oublie, demain je ne suis pas là. Je dors chez Sarah.

—    Je n’avais pas oublié. »

 

Analan disparut, laissant Nichol seul devant ses réflexions. L’aubergiste jeta un coup d’œil une dernière fois sur la nouvelle extension, et rentra à nouveau dans son bureau. L’odeur de la cire était plaisante. Nichol ouvrit l’armoire et vit, Alligator posé contre Requiem. Son cœur accéléra ses mouvements. Il était hypnotisé. Leur baiser sur le haut du sentier lui revint en mémoire. Sa main effleura Requiem alors que sa bouche se souvenait encore de l’assaut de celle de Foa.

 

Il devait à tout prix oublier ce passage de sa vie. Il quitta la pièce après avoir refermé l’armoire. Il avait besoin d’air.  Nichol traversa la cour et se dirigea vers la plage. Le ressac des vagues l’apaisait toujours. Le bruit régulier de l’océan s’échouant sur la plage lui faisait oublier ses soucis. Alors pourquoi pas une fois de plus ?

 

Arrivé devant le sable humide, Heyward remonta la plage pour se diriger vers les falaises. Son regard fut attiré par quelque chose qui gisait sur le sol. Surpris, il reconnut les vêtements de Foa en approchant de plus près. Immédiatement, il jeta un coup d’œil vers l’océan et vit sortir de l’eau complètement nu, Foa Godfrey. La gorge de Heyward se noua. Pourquoi était-il troublé alors qu’il n’y avait rien de féminin chez Requiem ? L’eau tombait en perle sur sa musculature puissante et burinée par le soleil.

 

Godfrey s’arrêta devant Nichol et déclara sèchement.

 

« Pousse-toi ! Tu es devant mes fringues… »

 

Nichol fronça les sourcils et s’effaça pour laisser passer le jackal.

 

« Je peux savoir ce qui t’amène ?

—    Je voulais te remercier, pour mon bureau et pour le nouvel appendice de l’auberge. »

 

Foa resta le dos tourné. Son haussement d’épaules indifférent blessa Nichol qui était sincère. Il avait enfilé son pantalon et allait s’attaquer à sa chemise, lorsqu’il sentit deux mains se poser sur son dos. Heyward ne savait pas trop ce qu’il lui prenait, mais il n’avait pas envie que Foa se rhabille. Il voulait qu’il le regarde… Dès que ses doigts entrèrent en contact avec la peau humide et tiède du Jackal une flambée de désir l’assaillit.

 

Son front se posa entre ses omoplates. Nichol sentit les muscles se raidir sous ses doigts.

 

« Je peux savoir ce que tu fous ?

—    Je voudrais te remercier. »

 

Foa se retourna brusquement et agrippa les épaules de Nichol avec férocité, arrachant une grimace de douleur chez ce dernier. L’expression profondément contrariée interpella Heyward. Le visage de Foa n’était qu’à quelques centimètres.

 

« Ne te fous pas de ma gueule… Je ne supporterai pas que tu profites de la situation, pour… »

 

La bouche de Nichol s’écrasa sur la sienne. Heyward ne savait pas trop ce qu’il faisait et il s’en moquait. Il ne savait pas quoi répondre à Foa, il ne savait pas comment réagir avec son propre désir, il était perdu alors, plutôt que de se creuser inutilement les méninges, il agissait. Il ne savait faire que cela. Son instinct lui dictait de fondre sur Foa et c’est ce qu’il faisait.

 

L’étreinte autour de ses épaules se modifia. Les mains de Foa même si elles gardaient une certaine rudesse, étaient devenues plus caressantes. Elles descendaient le long de son dos, pour se faufiler entre ses vêtements, caressant sa chair et le faisant frissonner un peu plus. La langue de Foa passa la barrière de ses lèvres, et sa langue chercha sa jumelle. Nichol répondit avec le même empressement au Jackal. Ses mains caressaient la peau humide, palpant comme Foa sa chair ferme et brûlante.

 

Foa abandonna ses lèvres et l’observa en fronçant les sourcils.

 

« Tu es sûr de ce que tu veux cette fois-ci ? Je ne ferais pas machine arrière…

—    Tu te soucies de moi ? Ricana Nichol.

—    Imbécile… tu ne me feras pas me répéter. Tant pis pour toi ! »

 

Les lèvres de Foa explorèrent la nuque de Nichol lui arrachant des frissons de plaisir. Ses mains lestes avaient fait tomber sa chemise, laissant son torse puissant nu. Godfrey lécha les tétons qui se dressaient sous sa caresse, sa main avait glissé sur l’entre-jambe de Nichol, son sexe se gonflait sous ses caresses. Un sourire carnassier effleura ses lèvres, en même temps qu’un sentiment de mal être. Il le repoussa et continua son exploration. Il continua à descendre et sa langue pénétra le nombril de Nichol qui laissa échapper un léger soupir.

 

Loin d’être indifférent à ses attouchements, Nichol semblait apprécier chacune de ses audaces. Ses mains firent glisser sa boucle de pantalon, pour le faire tomber aux chevilles de l’ancien jackal. Son sexe était à moitié éveillé et sans hésiter Foa l’aspira et le prit en entier arrachant un soupir de plaisir chez Nichol. Il ne comptait pas s’arrêter là. Les doigts d’Heyward s’accrochaient à ses cheveux, la douce pression qu’il exerçait presque timidement sur sa tête lui demandant plus qu’il ne faisait, lui aurait arraché un sourire victorieux.

 

Il attendait cela depuis si longtemps. Son regard remonta le corps dur de Nichol, et il rencontra son regard chargé, une expression abandonnée qu’il ne lui connaissait pas. Cela l’enhardit un peu plus. Ses doigts glissèrent doucement entre ses fesses. Nichol sursauta et allait protester, mais Foa continua sans prêter attention aux réticences de son futur amant. Le ressac des vagues l’excitait également. Il n’attendait qu’une chose pouvoir pénétrer cet homme vierge. Sa langue léchait toujours le sexe tendu.

 

Nichol sentait ses genoux défaillir. Cette bouche qui le suçait avec tellement d’application, émettant un bruit de sucions indécent. Ses doigts qui taquinaient ses fesses, pour s’insinuer petit à petit en lui, lui procurait plus de plaisir qu’il n’en avait éprouvé jusqu’à présent. Godfrey n’était pas brutal contrairement à ce qu’il avait pensé jusqu’ici. Lorsqu’il remonta jusqu’à lui, Nichol enroula ses bras autour de ses épaules et l’embrassa à pleine bouche.

 

Son corps se trémoussant contre celui à moitié nu de Foa. Une de ses mains descendit vers l’entre jambe de Foa et il libéra le sexe prisonnier pour le caresser avec le sien dans une étreinte érotique. La langue de Foa le fouillait, le laissant à peine respirer. Nichol chuta doucement en arrière, Foa l’accompagnant et le surplombant toujours. Le contact froid du sable lui fit avoir un frisson. Requiem s’en aperçut et chuchota contre sa bouche.

 

« Tu n’aurais plus froid d’ici peu de temps… »

 

Foa fit glisser ses doigts un à un dans la bouche de Nichol. Voyant la surprise dans le regard clair, il commanda

 

« Suce ! »

 

Sans protester, et le fixant droit dans les yeux, Nichol suça et lécha les doigts de Foa jusqu’à ce que ses derniers soient trempés de salive. Lorsque la main glissa une nouvelle fois entre ses fesses, les yeux de Nichol s’agrandirent. Son cœur s’était accéléré et il fixait interrogateur Foa.

 

« Ne craint rien… je sais me montrer doux… »

 

Nichol voulu protester cette fois-ci, mais la bouche de Foa recouvrit la sienne, alors qu’un doigt incisif fouillait le bas de son anatomie. Il se crispa et voulu repousser Godfrey pour de l’air et il détestait l’exploration menée par son amant. Ce n’était pas prévu dans son programme… Il allait tout arrêter, cela ne pouvait pas continuer.

 

Un gémissement de plaisir et de surprise mêlés, franchit ses lèvres. Il observa étonner son partenaire qui lui adressa un petit sourire victorieux.

 

« Tu aimes… attends… laisse-moi faire, ça ne fait que commencer Nichol ».

Après un rapide baiser, Foa glissa un autre doigt et caressa doucement la prostate de Nichol qui se mordait la lèvre inférieur. Ses yeux à demi-clos où le plaisir mélangé à une douleur qui semblait tout de même supportable, excitait Foa. Lorsque le corps de Nichol se redressa pour venir se plaquer contre le sien, il perdit son souffle. Nichol l’observait et le fait qu’il réagisse à cette caresse audacieuse, le faisait sourire.

 

La main d’Heyward frotta leurs deux verges ensemble dans de long va et vient. Foa allait perdre la tête, c’était doux, c’était bon et Nichol était trop sexy. Il le voulait tout entier. Il retira ses doigts au bout de quelques minutes et n’en pouvant plus d’attendre, il remonta les jambes de Nichol sur ses épaules et entra sans préavis.

 

Nichol ouvrit les yeux en grand de stupéfaction. Son souffle devint inexistant. La douleur l’écartelait. Son corps se raidit et ses doigts étreignirent le sable avec force.

 

« Respire Nichol, et arrête d’exercer cette pression autour de moi, où… je vais éjaculer avant même que je puisse faire quoique ce soit. Merde !

—    Ça… fait mal…

—    Serre les dents… ou plutôt respire. Laisse-moi bouger, ça ira mieux ensuite…

—    Non… retire toi !

—    Pas question mon amour… Je ne te quitterai pas… pas après toute cette attente. Tu es enfin à moi… »

 

Nichol repris sa respiration et fut surpris par la douceur des derniers mots prononcés. Il examina le visage au-dessus de lui. Foa était sous tension, son regard était assombrit s’il était encore possible, par un désir brut et sans concession. Nichol tenta de se détendre, et Godfrey bougea, lentement. Nichol grimaça, c’était étrange cette sensation de douleur et cette intrusion en lui. Bientôt, il s’habitua à cette queue qui le limait de plus en plus vite et profondément.

 

Cette impression d’être écartelé ne le quittait pas. Il foudroya Foa du regard, d’autant qu’il avait l’air de prendre son pied.

 

« Cesse de me regarder ainsi Nichol… ça devrait passer, alors soit patient… 

—    Je n’ai pas envie de l’être, mais bon… comme c’est pour te remercier ! » Rétorqua sèchement Heyward énervé.

 

Foa prit la flèche en plein cœur. Il allait arrêter, mais son désir était trop brûlant pour qu’il puisse s’arrêter. Il tenta de reprendre sa respiration et son va et vient se fit plus fort et plus rapide. Foa voulait à présent en finir vite. Ce n’était pas ce qu’il s’était imaginé. Il détesta Nichol pour le mal qu’il lui faisait avec ses paroles. Il quitterait l’auberge… hors de question de quémander un amour qui ne viendrait probablement jamais.

 

L’expression de Nichol se modifia et Foa vit le plaisir se substituer à la douleur. Cela ne le calma même pas. Il s’appliqua pourtant à frapper la prostate de Nichol, lui procurant de plus en plus de plaisir, ses gémissements sourds en étaient la preuve.

 

Heyward se cambra et ses doigts s’enfonçaient à présent dans les muscles tendus de Foa. Son visage était à quelques centimètres du sien, sa position n’était pas confortable, ses jambes sur ses épaules larges lui lançaient dans ses muscles toujours meurtris. Foa du s’en apercevoir, car il changea de position pour l’asseoir sur ses genoux, ils se faisaient face, assis à la même hauteur, et les joues de l’aubergiste se colorèrent légèrement. C'était si intime.

 

Les mains de Foa le soulevèrent et Nichol l’aida en s’accrochant un peu plus à lui. Son regard se noya dans les vagues qui ne cessaient se s’échouer contre le rivage, un peu comme lui, contre Foa. Sa main chercha à caresser sa verge, le plaisir monta et l’orgasme fut brutal, le laissant pantois. Godfrey l’accompagna quelques coups de reins plus tard. Ils restèrent quelques secondes enlacés, avant que Requiem ne le repousse.

 

« Tu es lourd. »

 

Nichol se redressa et vit Foa se diriger vers la mer sans se retourner. Il se nettoya rapidement et revint sur ses pas pour s’habiller sans jeter le moindre regard vers Nichol qui se dirigea aussi vers l’eau. Quand il se retourna, il était seul. La colère le submergea. Les vêtements furent vite enfilés et c’est presque d’un pas rageur, malgré un malaise au postérieur, que Nichol entra dans l’auberge. Le regard de Nichol tomba sur Aaron qui jouait tranquillement en cuisine. Egan ne prêta pas attention à sa présence.

 

L’ancien jackal monta à l’étage et vit la porte de la chambre de Foa entrouverte. Sans réfléchir, Nichol entra et referma le battant. Sa colère tomba comme un soufflet en voyant le sac de voyage de Godfrey ouvert sur son lit.

 

« Que fais-tu ? » Demanda Heyward d’une voix blanche.

—    Comme tu le vois, je m’en vais !

—    Tu as tiré ton coup alors tu te barres ?

—    Non, … je refuse de rester ici avec un type aussi borné que toi ! »

 

Le regard mauvais dont l’abreuva Foa, fit se crisper Heyward.

 

« Borné ? Je ne suis pas borné…

—    Réveille-toi…

—    Je t’ai remercié pour ce que tu avais fait, et tu me quittes ? »

 

Godfrey respira un grand coup, pour éviter de frapper Heyward. Il se dirigea droit devant lui, et le souvenir de l’abandon de Nichol faillit, lui fit perdre le fil de ses idées.  Seule l’envie de l’étreindre le pourchassait. Il aurait aimé être tendre, mais non… cet entêté d’ancien jackal, lui faisait perdre tous ses moyens.

 

« J’ai l’impression que tu ne vaux pas plus qu’une pute !

—    Répète un peu ça… Grogna Heyward mauvais.

—    Pas besoin tu m’as compris… Tu as échangé tes faveurs contre un peu de travaux…

—    Salaud ! »

 

Le poing d’Heyward s’abattit sur la mâchoire de Foa, lui ouvrant la lèvre au passage. Nichol fut horrifié par le sang qui jaillissait alors que Godfrey le jaugeait implacable dans sa colère.

 

« Tu peux me frapper autant que tu le veux… si tu t’offres comme tu l’as fait, sans y mettre le moindre sentiment, c’est que t’es pas mieux qu’une pute ! Enfin, elle le fait pour subsister, c’est quoi ton excuse ?»

 

Heyward sauta à la gorge de Foa et les deux hommes luttèrent de manière inégale. Mais, la colère aveuglait tellement Nichol, qu’il était incapable de s’apercevoir de l’expression de désarrois de Godfrey. Les coups pleuvaient sur lui, et c’est pour se défendre, qu’il asséna un coup bas à Nichol le faisant se plier en deux.

 

«C’est dommage que tu puisses le prendre de cette manière Heyward. »

 

Foa caressa brièvement la joue de Nichol avant de se redresser et d’enfourner ses affaires pêles-mêle dans son sac. Il dévala les escaliers, alors qu’il entendait la voix enrouée d’Heyward. Mais, il ne ferait pas machine arrière. Il s’arrêta devant Fidersbee qui s’était immobilisé en bas des escaliers.

 

« Monsieur Heyward ?

—    Seul son orgueil est blessé… je vous remercie pour tout Fidersbee…

—    Vous partez ? » S’écria le serveur blême, complètement abasourdi. « Mais… M’sieur Heyward et vous…

—    Il n’y a rien entre nous. »

 

Sans rien ajouter, Foa récupéra Aaron dans la cuisine et l’habilla chaudement. Le temps était encore frisquet.  Il lança un long regard à Egan qui le salua du bout de ses doigts. La lueur de compréhension qu’il voyait dans ce regard calme, le soulagea. Il ne faisait pas fausse route. Bella se contenta de l’étreinte rapidement avant de le laisser partir avec son fils.

 

Quelques minutes plus tard, Nichol gagna la cuisine avec une horrible migraine. Il vit Egan aux fourneaux qui ne lui accorda pas un regard. Bella et Fidersbee l’ignorèrent tout autant. Il jura intérieurement. Il n’avait nulle part où déverser sa colère. Il se retint d’aller s’enfermer dans son bureau. Non, cet endroit lui ferait penser à Foa. La salle de l’auberge lui sembla plus accueillante et il se réfugia derrière le bar.

 

Personne à part son personnel ne remarqua quoique, ce soit… sauf, au bout de quelques jours d’absences de la haute et larges stature du Jackal. Mais personne n’osa interroger l’aubergiste. D'autant plus que sa mine contrariée n’incitait pas aux confidences. Nichol inquiétait Analan qui voyait son père se réfugier derrière des verres d’alcool. Elle ne supportait plus son comportement, mais avait-elle le droit de se mêler de sa vie ?

 

Heyward n’en pouvant plus des regards interrogateurs qui se posaient sur lui, voir dégoûté se réfugia dans la forêt. Les beaux jours revenaient et la chaleur également. À défaut d’être dans son cœur, les rayons du soleil réchauffaient sa carcasse. Nichol se réfugia dans une clairière et s’assit au bas d’un rocher. Son regard se perdait dans les cimes qui se balançaient doucement sous le vent léger.

 

La notion de chez soit avait disparu avec le départ de Foa. Requiem était toujours présent, reposant sur l’Alligator. Nichol vit apparaître le visage de Foa suspendu au-dessus du sien. Son expression chargée de désir, et cette lueur de joie qui brillait dans le fond de sa prunelle. Ses mains qui avaient parcouru tout son corps, cette bouche qui l’avait embrassé dans les parties les plus intimes de son anatomie… la rudesse du rapport et pourtant, l’attention qu’avait apportée Foa à son plaisir personnel… Tout cela le laissait songeur.

 

C’était lui qui avait amené Foa chez lui. Qui avait pris en charge de le soigner. La joie qu’il avait éprouvée en le voyant, oui… c’était cela, comme une partie de son passé qui ranimait une flamme au fond de lui. Certes, sa vie en tant qu’aubergiste lui convenait. Le fait d’avoir Analan à ses côtés et son personnel qu’il considérait comme des membres de sa famille… tout cela le comblait. Mais, de revoir Foa, c’était comme une étincelle de vie, ce supplément d’âme qui lui manquait.

 

Une main passa devant ses yeux, et Nichol réfléchit à ses rencontres avec Godfrey… les baisers qu’il lui avait volés et auxquels il avait répondu sans se poser de questions. Il aimait cela. Il se l’avouait, … ses étreintes passionnées ou tendres l’avaient ramené à la vie.  Mais la peur aussi, s’était immiscée en lui. Pas parce qu’il aimait un homme… Nichol arrêta sa réflexion. « Aimer un homme ? ». Un frisson involontaire le traversa. C'était excitant et déroutant à la fois.

 

Il ricana… Seul à seul avec lui-même, il s’aperçut qu’il était amoureux du Jackal. Et pas qu’un peu. C’est pour cela que ses remarques le touchaient autant. Pourquoi il avait eut aussi mal qu’il ne puisse voir en lui qu’un coup d’une nuit. Nichol ricana un peu plus fort. Il avait l’impression d’être une pucelle amoureuse de son premier amant. C’était la meilleure !

 

Pourquoi avait-il eu aussi peur de ses sentiments ? De ne pas être accepté ? Le bourg entier semblait lui crier à l’injustice d’avoir interrompu leur relation. Quoiqu’en fait de relation, c’était surtout Arasma qui s’était fait toute une histoire… eux ne l’avaient même pas débuté, et par sa faute. Uniquement par sa faute. Que devait-il faire ? Où était Foa ? Et de toute façon que lui dirait-il ? Qu’il était un crétin qui n’avait pas vu clair en lui ? Qu’il avait peur qu’il l’abandonne comme Sheryl avant lui ?

 

Non, Sheryl n’avait rien fait… C’était aussi lui le coupable. À croire qu’à chaque fois que quelqu’un l’aimait profondément, il le fuyait. Comme si la marque de sa mère agissait sur lui. La faucheuse l’avait abandonné durant toutes ses années où il avait dû apprendre à survivre sans elle. Certes, auprès de Fox, son grand-père…  Tout ce qu’il avait construit, la Faucheuse l’avait démonté en lui montrant combien elle désapprouvait ce qu’il avait lentement élaboré et façonné toutes ses années sans elle.

 

Avait-il peur que Foa s’éloigne lui aussi de lui ? Qu’une fois qu’il aurait l’impression de chaleur et de foyer, que Godfrey parte comme aujourd’hui, le laissant seul et désemparé face aux tourbillons de ses émotions ? Maintenant, il avait le regret une nouvelle fois de ne pas avoir été jusqu’au bout. Mais c’était pire encore. Le souffle saccadé contre sa nuque lui manquait. Son corps réclamait ses caresses, combien de fois s’était-il soulagé seul, en imaginant les mains de Godfrey sur lui ?

 

Analan ne lui parlait pas de Foa. Pourtant, son regard s’attardait souvent vers lui, inquiet et réprobateur. Cela aussi lui faisait mal. Il aurait voulu que Godfrey… Non, Godrey l’aimait. Ses silences étaient plus éloquents que ses paroles et puis, ses aveux faits à demi-mot… non, il se mentait à lui-même encore. Comme s’il lui était impossible d’admettre que Foa Godfrey Requiem puisse l’aimer lui, et personne d’autre.

 

Nichol devait le retrouver. Il se leva et observa le soleil qui déclinait à l’horizon. Parler, lui avouer à son tour qu’il l’aimait. Voilà ce qu’il devait faire. Tant pis, s’il le quittait une nouvelle fois, mais au moins essayer… se dire que l’on a tout fait pour retenir l’homme qu’il aimait. Heyward traversa la forêt et s’arrêta net lorsqu’une voix moqueuse le coupa dans ses pensées.

 

« Tu n’as plus de hache pour calmer tes nerfs ? »

 

Lentement Nichol pivota et rencontra le regard sombre de Foa. Son cœur eut un raté. Une expression de désarroi envahit ses traits, surprenant le Jackal à quelques pas de lui. Presque deux mois sans le voir… Nichol répondit d’une voix tremblante.

 

« Pourquoi c’est toi qui viens me chercher ? Je voulais… C’était à moi… »

 

L’attitude de Foa montrait clairement sa surprise et avant qu’il ne s’en aperçoive, une étreinte forte vint l’étouffer. Une voix étouffée par l’émotion chuchota.

 

« T’as pas été assez rapide… Tu aimes me torturer… allez, avoue… »

 

Nichol voulu se détacher de Godfrey mais au lieu de cela, ce dernier encercla le visage de l’ancien jackal et il écrasa sa bouche contre la sienne. Nichol répondit avec ardeur. Il oublia les paroles vexantes, et ses doutes. Foa l’aimait et c’était le plus important… tout comme la place qu’il lui laissait entre ses bras.

 

 

Chapitre 10

Ils marchaient en silence, alors que l’échange passionnait restait gravé sur les lèvres de Nichol. Le soleil était à l’horizon et jetait ses derniers feux sur la falaise. La main de Foa se resserra plus fortement autour des doigts de Nichol. Surpris, ce dernier jeta un regard sur le côté et rencontra les yeux de braises de son amoureux. S’ils avaient été seuls, Foa se serait jeté sur lui… et Nichol n’aurait pas résisté.

 

Foa lâcha la main de Nichol lorsque l’auberge fut en vu. Heyward eut froid. Mais, il ne laissa rien paraître de sa déception. De toute façon, il ne voulait pas se donner en spectacle. Déjà, rien que le fait qu’ils franchissent tous les deux le seuil du « Caveau » allait certainement provoquer quelques remous. Les doigts de Foa caressèrent le dos de sa main. Une nouvelle fois, Nichol glissa un regard sur le côté et observa quelques secondes son amant.

 

« Tout ira bien…

—    Je le sais.

—    Alors pourquoi ? » S’étonna Foa.

 

Heyward ne répondit rien. Il entra le premier dans l’auberge, personne ne fit attention à lui. Par contre, lorsque les clients virent que ce n’était pas lui mais Foa qui fermait la porte, toutes les conversations s’éteignirent. Godfrey jeta un regard froid à la cantonade et lança.

 

« Cela vous poserait-il un problème ? »

 

Tous les clients se tournèrent vers leurs consommations et leurs discussions abandonnées quelques secondes plus tôt. Foa tourna son visage vers Nichol qui s’était installé derrière le bar, souriant. Il se serait jeté sur lui pour l’étouffer sous ses baisers et ses caresses. Pourtant, il n’en fit rien. D’un geste de la main, il salua Bella et Fidersbee qui affichaient un sourire d’une oreille à l’autre. Sans bruit, et sans tapage particulier Foa se réinstallait dans la vie de Nichol.

 

S’installant confortablement sur un tabouret, il commanda une bière.

 

« Prends-en toi une aussi, c’est moi qui te l’offre.

—    Tu es trop aimable…

—    Je le suis toujours pour ceux que j’aime. »

 

Godfrey avait dévissé la capsule et il leva sa canette vers Nichol pour trinquer. Il rencontra ses yeux verts d’eaux troublés. Il n’avait pas besoin que son compagnon lui fasse de grande déclaration. Il avait compris. De toute façon, il aurait tout son temps, … cette tête de mule avait enfin baissé sa garde.  Nichol ne pouvait détacher son regard de Foa, il avait un mal fou à réaliser. Il se racla la gorge et demanda.

 

« Tu étais passé où ?

—    Chez Fox… il garde Aaron actuellement. Analan est avec eux… c’est elle, c’est elle qui m’a poussé à venir te voir.

—    Oh…

—    Elle me disait que tu dépérissais à vue d’œil.

—    Vraiment ? » Fit Nichol en accusant le coup des déclarations de sa fille.

—    Et moi, j’en mourrai d’envie. » Chuchota Foa avant d’avaler une nouvelle gorgée de bière.

—    Tu te rends compte qu’en agissant comme nous le faisons actuellement… toute la ville sera au courant ce soir.

—    Et alors ? Je réemménage demain avec Aaron… enfin, si tu veux de moi. » Sourit Foa.

—    Oui, j’y compte bien… en fait » Commença mal à l’aise Nichol. « Je… je vais, enfin ton ancienne chambre, je voudrais la consacrer que pour ton fils et toi… hum… tu accepterais, d’emménager dans la mienne ?

—    Demain, ne vient pas te plaindre !

—    Ce n’est pas mon intention… Donc, Analan restera avec Fox cette nuit, je suppose ?

—    Devinez…

—    Et, tu es tenu de rentrer ?

—    Non… »

 

Foa scruta les traits légèrement rougissants de Nichol. Cette brute épaisse était capable d’achever, n’importe quel type, mais semblait désarmé face à l’amour.  C’était attendrissant. Il était totalement sous le charme timide de Nichol. Il s’accouda au bar et lui lançait des regards langoureux sans qu’il ne s’en aperçoive.

 

« Arrête de me regarder comme cela tout le monde a les yeux fixés sur nous ! »

 

Foa se tourna vers la salle qui abandonna l’épiement des gestes du couple pour se reporter à leurs conversations. Nichol termina sa bière et replaça la bouteille dans le rack. Il se leva pour servir ses nouveaux clients. Foa voyant le regard surpris des nouveaux arrivés, se réfugia dans la cuisine. Egan l’attendait.

 

« De retour ? Demanda-t-il simplement.

—    Définitivement ! » Répondit Foa.

—    Bien… »

 

Egan termina de récurer ses plaques en fontes et alluma ses fourneaux. Aucun des deux hommes ne discutait. Un balai repris entre la cuisine et la salle. Foa avait été se réfugier dans le bureau et vit que rien n’avait bougé. Il était évident que Nichol ne venait pas ici. Cela le contraria et amena Godfrey dehors. Il ouvrit la réserve et vit que cette dernière par contre jouissait de toutes ses capacités de stockage.

 

Lorsqu’il regagna la cuisine, Egan l’attendait avec une salade et de la tourte de viandes marinées dans de la bière. Il mangea avec appétit. La porte s’ouvrit pour laisser passer Nichol. Immédiatement Foa se leva et se dirigea vers l’auberge. Voyant la surprise sur les traits de son compagnon, Foa déclara simplement.

 

« Va manger, je m’occupe de prendre ta place. » »

 

Nichol ne dit rien et hocha la tête. Il mourrait de faim. Chose qui ne lui était pas arrivée depuis des lustres. Une assiette fumante lui lança un appel depuis le fond de la salle où il se trouvait. Nichol en prit deux parts et soupira d’aise. Egan ne put s’empêcher de sourire en voyant l’air animé de son patron. Cela faisait plaisir à voir.

 

Bien plus tard, alors que Fidersbee et Bella finissait de mettre les chaises sur les tables, Nichol fut aidé de Godfrey pour nettoyer le sol de la salle. Lorsqu’ils eurent fini, Nichol proposa de prendre une nouvelle bière. Étant seuls, Foa s’approcha de Heyward dont le cœur tambourinait très fort dans sa cage thoracique.

 

« Moi, j’ai plutôt envie d’autre chose. »

 

Nichol enroula un bras autour de la nuque de Godfrey et l’embrassa. Ses lèvres cherchaient celles de Foa avec ardeur. L’ancien jackal n’avait attendu que cela depuis des semaines. S’enivrer à nouveau du parfum de musc et de bois. Son désir grimpait en flèche et l’étreinte presque étouffante de Fao lui faisait perdre pied. Lorsqu’il se détacha de Godfrey, un mince filet de salive les reliait encore. Le jackal suggéra.

 

« Et si… on allait dans ta chambre ? »

 

Nichol sourit. Il passa devant Foa et ouvrit le passage. Une fois que Foa ferma la porte, Nichol se jeta sur Godfrey qui chuchota.

 

« Si j’avais su, je serais venu beaucoup plus tôt…

—    Tu es venu au meilleur moment, j’avais besoin de réfléchir. Je ne comprenais pas ma peur…

—    Toi ?

—    Hum… Godfrey… plus tard ! »

 

Foa eut un sourire carnassier et souleva Nichol qui enroula ses jambes autour de sa taille. Ils basculèrent sur le lit. Leurs bouches ne cessant de se dévorer, leurs langues de se découvrir et s’aspirer. Les vêtements juchèrent le sol rapidement en tas. La langue de Nichol léchait successivement les mamelons qui se tendaient sous les caresses. Nichol sentait les doigts glissés dans ses cheveux. Sa bouche dévala le corps dur et musclé de Foa, et sans hésiter il lécha le sexe qui se tendait sous les caresses.

 

Accroupi entre ses jambes, Nichol savourait le sexe de son compagnon, frissonnant sous les gémissements de Foa. Sa bouche dévalant toujours plus bas pour lécher les fesses, puis les cuisses de son amant. Lorsqu’il introduisit un doigt dans l’anus serré de Foa, ce dernier protesta, pour finalement se laisser faire.  Ils échangèrent un bref regard. À sa grande satisfaction, Foa se laisserait faire et certainement de meilleure volonté qu’il ne l’avait été lui-même.

 

Il prit son temps et c’est presque en tremblant qu’il glissa sa verge devant les fesses de son amant. Foa attira à lui, Nichol et chuchota contre ses lèvres.

 

« Viens… »

 

Nichol pénétra lentement Foa, il se souvenait trop bien de la douleur cuisante qui l’avait traversé quelques semaines plus tôt. Ses lèvres cherchèrent celles de Foa et il l’embrassa lentement. Il sentait le corps dur, se cambrer et se raidir. Sa main à l’aveugle caresse le sexe tendue et lui prodigua un doux va et vient. Lentement sa bouche dévala la nuque pour mordiller la clavicule de son amant.

 

Sans vraiment s’en rendre compte, il bougeait lascivement entre les fesses de Foa qui se détendait pour bientôt gémir de plaisir. Nichol prit de l’assurance et tapa la petite boule de nerfs à chaque passage, procurant une décharge d’adrénaline à son compagnon. Le regard chargé le fit frissonner. Il connaissait le plaisir qu’éprouvait Foa. De l’imaginer le fit durcir un peu plus.

 

Leurs doigts s’entremêlèrent et sous les encouragements de Foa, Nichol se libéra sur le ventre de son amant. Foa se redressa et embrassa Nichol le surprenant.

 

« Que fais-tu ? » Souffla l’ancien Jackal.

 

Foa fit basculer Nichol sous lui. Ses mains encadrèrent son visage. Sa bouche chercha la sienne, Heyward répondit et laissa les mains solides de Godfrey le modeler à sa guise. Ils avaient encore faim de l’un et l’autre. Cette fois-ci, Nichol ne protesta pas et laissa son compagnon le prendre comme lui l’avait pris quelques minutes auparavant. C’est épuisé qu’ils s’échouèrent l’un contre l’autre.

 

« Demain, nous n’aurons plus la même liberté… » Chuchota Foa.

—    Qu’importe… cela ne m’empêchera pas de te désirer… »

 

Foa s’endormit comme une masse. Nichol en fit rapidement de même. C'était si simple et il lui avait fallu tant de temps pour l’admettre. Il songea qu’il devrait peut-être prendre un lit un peu plus grand pour leurs deux carcasses avant de s’endormir définitivement.

 

°°0o0°°

 

Le soleil était radieux en ce premier jour de juin. Nichol finissait d’accrocher le linge et faillit renverser Aaron qui lui tournait autour depuis le début de matinée.

 

« Hep… attention bonhomme, tu vas te faire mal. Tu veux m’aider ? »

 

Aaron lui adressa son plus beau sourire. Nichol l’attrapa et le posa sur ses épaules. Il se retint de grimacer. Foutues blessures. Le gamin tenait fermement ses cheveux en épi et les deux hommes entrèrent dans la cuisine où Bella finissait de récurer la pièce.

 

« M’sieur Heyward… Fidersbee m’a dit qu’il a presque fini de nettoyer la grande salle. M’sieur Foa a terminer de réparer la chambre trois. On pourra la relouer à partir de demain. Je changerai les draps tout à l’heure, et je voudrais récurer aussi avant.

—    Bien, bien… Aaron veut nous aider !

—    Oh mon petit bonhomme ! » Lâcha visiblement ravie la domestique. « Viens avec moi, on va aller voir ton père à l’étage. »

 

Aaron semblait ravi et se précipita dans la salle principale. Un bruit de chute parvint aux oreilles de Nichol qui grimaça en imaginant le gamin les quatre fers en l’air. Aucun pleur ne lui parvint. Un sourire éclaira ses traits. Il était déjà très mature pour son âge.

 

Profitant des beaux jours, Nichol avait fermés l’auberge pour la journée. Comme le lundi était généralement désert, il en profitait pour aérer et donner un coup de neuf au bâtiment. Tout le monde donnait un coup de collier. Analan n’allait pas tarder à rentrer. La vie s’était organisée autour de lui. Sa fille semblait ravie pour lui. Le village avait beaucoup jasé au départ, mais à présent trois mois qu’ils vivaient ensemble et tout paraissait se tasser. De toute façon, personne n’irait leur chercher des noises.

 

Nichol terminait de se laver les mains, lorsque deux mains glissèrent sur sa taille tendrement. Un souffle chaud vint caresser sa nuque.

 

« Tu es décidément très désirable dans ton petit tablier blanc…

—    Tu veux que je l’essaye ce soir ?

—    Tu ferais ça ? » S’extasia Foa.

—    Crève !

—    Je me disais aussi… » Marmonna l’ancien Jackal, reconvertis en aubergiste. « Pourquoi refuses-tu d’ajouter quelques jeux à nos petits ébats, ça entretient la flamme.

—    Pourquoi lorsque tu veux… jouer, c’est moi qui dois te servir de cobaye ? » S’enflamma Nichol contrarié.

—    Parce que tu es très sexy quand tu es gêné et que tu rougis… » Ricana Godfrey déjà la tête dans les nuages.

—    Pervers ! » Grogna Nichol presque agressif.

—    J’assume… j’n’y peux rien, si tu me fais de l’effet. Regarde ! »

 

Foa attrapa une des mains de Nichol et la fit glisser sur la bosse très explicite sous le pantalon. Nichol déglutit devant le regard de braise. Quoiqu’il arrive, le soir même il finirait écraser contre le matelas. Le plus souvent c’était Foa qui lui faisait l’amour, quoiqu’il ne fût pas contre non plus pour inverser les rôles.

 

Nichol eut un petit sourire et il augmenta la pression autour du pénis que Foa l’avait obligé à caresser. Ce dernier l’observa avec surprise.

 

« Ce n’est pas ce que tu es venu chercher ? » Demanda innocemment Nichol.

 

Foa se pencha vers Nichol et lui grignota son oreille, tout en lui chuchotant des mots licencieux. Nichol sentit ses joues s’enflammer à nouveau. Un gémissement franchit ses lèvres alors que les mains de Foa glissèrent sur ses fesses. Pourtant, il lâcha son compagnon dès qu’un bruit de pas se fit entendre derrière la porte. Il se dirigea vers la porte donnant sur l’extérieur alors qu’Analan entrait dans la cuisine visiblement très animée.

 

« Papa… » Elle s’arrêta et demanda soucieuse en voyant Foa partir. « J’ai interrompu quelque chose ? 

—    Non… tu as l’air plutôt contente Analan…

—    Ouuiiii… » S’énerva à nouveau l’adolescente. « Tu ne devineras jamais qui est de retour !

—    Guo Niu ?

—    Comment le sais-tu ? » S’étonna Analan stupéfaite.

—    Il n’y a que lui pour te mettre dans cet état…

—    Ah… » L’adolescente parut réfléchir et haussa les épaules. « Tu crois qu’il m’aimera toujours ? Je… je parais plus femme ? À ton avis ? »

 

Elle se tournait dans tous les sens prenant des pauses coquettes. Son père soupira et secoua la tête.

 

« C’est à lui que tu dois plaire, pas à moi. Mais c’est sur que si tu trémousses comme ça devant lui, alors qu’il revient de plusieurs mois de mer, je ne sais pas trop s’il arrivera à garder son calme ! À ta place, j’attendrais un ou deux jours avant d’aller à sa rencontre.

—    Mais…

—    Je ne souhaite pas qu’il t’arrive quoi que ce soit Analan…

—    Niu n’est pas comme ça !

—    Niu ?

—    Euh… Guo. » Rectifia rougissante l’adolescente qui quitta brusquement la pièce.

 

Nichol soupira doucement. Sa fille était trop excitée par cette relation qui n’en était pas une. Deux bras encerclèrent à nouveau ses épaules.

 

« Hum… je vois les problèmes de l’adolescence se profiler à l’horizon…

—    Moi aussi…

—    Bah… laissons faire les choses. Es-tu libre ce soir ?

—    Pourquoi ? S’étonna Nichol.

—    J’aimerais aller me balader au bord de la plage… »

 

Nichol grimaça et se souvint d’une certaine fois. Les lèvres qui le grignotaient à nouveau, ne l’aidaient pas beaucoup à voir clair. Il répondit la voix enrouée.

 

« Avant cela, il faudrait finir notre travail…

—    Compte sur moi pour être à l’heure ! »

 

Et Foa disparut laissant Nichol désemparé et frustré. Il jura entre ses dents. Est-il inconscient de toujours le pousser à bout comme il le faisait ? Nichol voulu aussi terminer sa besogne, lui non plus ne voulait pas être en retard pour son rendez-vous !

 

°°0o0°°

 

Nichol observait sa fille et son compagnon. L’été battait son plein et Aaron s’approcha de lui avec un plateau. Le gamin de neuf ans tendit un rafraîchissement à son second père qui l’accepta avec reconnaissance.

 

« C’est Bella qui a fait la citronnade. Elle a dit que vu l’agitation d’Analan et de M’sieur Foa, et le fait que tu sois au soleil depuis tout à l’heure, qu’il serait bien que vous buviez quelque chose.

—    C’est une bénédiction Bella et… toi aussi ! » Termina Nichol en levant son verre vers Aaron.

 

Ce dernier lui rendit son sourire. Puis leur attention se reporta sur Analan et Foa qui se battait à l’arme blanche.

 

« Il a encore de beaux restes papa. » Admira son fils.

—    Analan se débrouille de mieux en mieux. Godfrey est obligé de la prendre au sérieux maintenant.

—    Pourquoi tu ne te bas pas avec elle ?

—    Parce que j’en serais incapable. » Marmonna Nichol en songeant au risque de blesser sa fille. Il ne s’en remettrait pas.

—    Analan… je lui ai demandé de m’apprendre, mais elle ne veut pas.

—    Je pourrais t’enseigner si tu veux…

—    C’est vrai ? » Demanda Aaron plein d’espoir.

—    Oui. Demain si tu veux. On n’a pas beaucoup de clients en début de semaine.

—    Chouette ! »

 

Deux respirations haletantes se firent entendre. Nichol leva les yeux et rencontra le regard bleu de sa fille. Grande et svelte, Analan ne cessait de s’embellir avec les années. La jeune femme allait bientôt fêter ses vingt ans. Contre toute attente, elle avait arrêté le lycée et avait appris tous les secrets de Gokhale, en affirmant que cela lui serait plus utilise sur un bateau que tout procédé mathématique. De plus, elle avait demandé à ses seize ans à apprendre à manier les armes auprès de Godfrey qui au départ n’était pas très chaud. Et finalement, s’était laissé prendre au jeu.

 

Guo Nyu et elle allaient officialiser leurs fiançailles d’ici quelques semaines. L’asiatique avait arraché à Nichol la promesse de la main de sa fille lorsqu’elle aurait atteint ses vingt ans. En échange de quoi, il ne tenterait rien pour la séduire alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Après réflexion, Nichol avait jugé le deal acceptable. Après tout, Analan ne resterait pas toujours avec lui. Et elle était visiblement très amoureuse de Guo.

 

« Papa… tu trouves pas que je me suis drôlement amélioré ? » Demanda Analan en s’essuyant ses lèvres comme tout bon marin qui se respecte.

—    Je dirais que Godfrey commence à se faire vieux !

—    Je n’ai même pas quarante ans ! » Protesta Foa.

—    Dans trois ans… » Ricana Nichol.

—    Oui, et bien moi… c’est Nichol qui va m’apprendre. » Déclara ravis Aaron.

—    On verra si tu n’es pas sur le déclin. » Ironisa Godfrey en lança une œillade moqueuse à son compagnon.

—    Va me chercher l’alligator ! » Lança Nichol à Aaron.

—    Chouette un combat !

—    Ne raconte pas n’importe quoi Aaron, reviens ici… » essaya de l’attraper Analan.

—    Mais si… au moins on verra qui est le plus fort des deux ! Ton père ou le mien… »

 

Nichol voulu se redresser mais ses membres inférieurs étaient enquilosés depuis le temps qu’il observait sa fille et son compagnon.

 

« Tu aurais besoin d’aide ? » Demanda onctueux Foa.

—    La ferme et efface moi ton sourire crétin !

—    Bien sûr mon amour… »

 

Surpris et perdant l’équilibre sous le mot doux inattendu, Nichol se retrouva dans les bras de Godfrey qui le couvait de son regard brulant.

 

« Il t’en faut peu pour perdre tes moyens… A ta place j’abandonnerais.

—    Pas question !

—    Tss… reconnaît au moins quand tu as perdu. »

 

Nichol observa Godfrey. Un sourire chaleureux fleurit sur ses lèvres, et son expression s’adoucit. Foa en fut troublé, il voulu le serrer contre lui, mais Nichol s’échappa et assomma son malheureux prétendant.

 

« Qui se rouille ? » Fit d’un air supérieur Nichol.

 

Analan qui revenait avec Aaron, soupira en voyant les deux anciens jackals se battre dans l’herbe.

 

« Eh bien voilà… on peut ranger leurs épées… c’n’est pas encore aujourd’hui qu’on verra l’un de leurs combats… Allez rentre !

—    Mais, ils se battent !

—    C’est un spectacle insoutenable pour un petit comme toi ! Allez rentre, laisse-les s’amuser comme des gamins. Même toi t’es plus évolué qu’eux. »

 

Analan poussa son frère et eut un sourire en voyant son père prendre le dessus sur Foa. Décidément, deux vrais gamins dès qu’ils étaient ensemble… et elle l’espérait le plus longtemps possible.

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